Pour un ‘’déconfinement’’ de l’économie et un renforcement du système sanitaire
Face à la ténacité du coronavirus, compte tenu de l’impossibilité, pour le gouvernement, d’arrêter la courbe ascendante des cas positifs et du nombre peu élevé de cas graves, ils sont de plus en plus nombreux les experts qui préconisent un ‘’déconfinement’’ de l’économie, une réorientation de la manne financière destinée aux hôtels…
A ce rythme, une bonne partie des 1 000 milliards F CFA dégagés par l’Etat du Sénégal risque d’être dépensée dans les frais d’hôtels pour les personnes confinées, l’assistance alimentaire aux populations, l’aide à la diaspora, des subventions de tous ordres. Ce, alors même que la crise n’aura pas été vaincue.
Pour limiter cette saignée dans les finances publiques et relancer l’économie, ils sont de plus en plus nombreux, les experts, à remettre en cause la stratégie jusque-là mise en œuvre par le gouvernement. Dernièrement, dans une tribune intitulée ‘’Le ‘Restez chez vous’ ralentit la production nationale’’, quatre intellectuels sénégalais, dont deux professionnels de la médecine, un économiste et un spécialiste de la sociologie, de l’anthropologie et de la démographie alertent sur les conséquences ‘’désastreuses’’ du confinement sur l’économie portée par le secteur informel.
Selon la conclusion des experts, malgré les constats alarmistes d’oiseaux de mauvais augure de l’Occident, ‘’la Covid-19 ne fera pas de dégâts en Afrique’’. Loin d’être un résultat d’un quelconque système sanitaire performant, cela s’expliquerait surtout par la jeunesse de la population africaine, particulièrement dans les pays au sud du Sahara. Au Sénégal, soulignent-ils, d’après les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), plus de 88 % des populations ont moins de 45 ans ; seuls 3,55 % ont plus de 70 ans. Dans nos précédentes éditions, des gens impliqués dans la prise en charge des patients atteints de Covid-19 indiquaient que 95 % des cas enregistrés au Sénégal sont des cas simples. Jusqu’à hier, seuls 2 cas graves étaient encore en traitement dans les structures de prise en charge. Si l’on y ajoute les 9 personnes décédées, cela fait un total de 11 cas graves sur un total 1 024 patients atteints de Covid-19. En termes de pourcentage, c’est environ 1,07 %. Cela dit, il faudrait également prendre en compte le pourcentage des personnes vulnérables, dont les personnes âgées et celles souffrant d’autres pathologies. Il n’y a donc, selon nombre d’observateurs, pas de quoi semer outre mesure la psychose.
Et, de plus en plus, des pays africains qui s’étaient précipités dans le confinement de leurs populations s’engagent dans la reprise progressive de l’activité, avec des mesures barrières rendues obligatoires. Le déconfinement total du Grand-Libreville, pendant 15 jours, informe le Premier ministre du Gabon, quoiqu’utile, fait apparaitre de nouveaux périls auxquels le gouvernement doit faire face. Citant plusieurs études scientifiques menées à travers le monde, les autorités gabonaises invitent ainsi leurs populations à apprendre à vivre avec la maladie.
Certes, le confinement total n’a jusque-là pas été expérimenté au Sénégal, mais force est de constater que les différentes mesures mises en place ont carrément ralenti l’économie, plongé pas mal de débrouillards dans la dèche. D’ailleurs, dans leur article conjoint, les universitaires susmentionnés se demandent : ‘’Le Sénégal, avec 1 million de familles vulnérables et 97 % de l’activité économique entre les mains du secteur informel, peut-il, pour maitriser la propagation du virus, maintenir son économie à l’arrêt avec toutes les conséquences sanitaires et sociales qui en découlent ?’’ Et en plus de mettre l’économie à terre, ces mesures ont jusque-là produits des effets mitigés.
En effet, malgré l’interdiction du transport interurbain, malgré la fermeture totale ou partielle de certains marchés… la dissémination du virus continue.
Fort de tous ces arguments, les signataires de la tribune préconisent le renforcement des mesures préventives et la mise en place de dispositions idoines pour la prise en charge des cas graves. ‘’L’hospitalisation doit être réservée aux nécessitant. Une surveillance médicale et le confinement des autres cas est à poursuivre et à encourager. L’augmentation du nombre de lits de réanimation est cruciale pour la prise en charge des éventuels cas graves. L’augmentation du nombre de tests est indispensable pour avoir une idée exacte de la prévalence de la pandémie’’, soulignent les signataires, avant de préciser : ‘’Nous ne sommes pas spécialistes de santé publique, mais plutôt cliniciens, cardiologues et réanimateurs. Nous nous occupons quotidiennement de patients graves atteints de Covid-19. La mortalité en réanimation, avec un service adéquatement équipé et un personnel bien formé, a été considérablement réduite avec les nouvelles découvertes sur la Covid-19, notamment sur les complications thromboemboliques…’’.
Par ailleurs, au moment où la Covid-19 a mis à nu les carences de notre système sanitaire dépourvu de tout, l’Etat continue également d’injecter des ressources financières colossales pour ‘’confiner’’ des cas suspects dans des hôtels, avec des conditions parfois misérables de prise en charge. Pourtant, ces réceptifs seront payés à raison de 50 000 F par chambre et par jour. Si l’on y ajoute l’aide controversée à la diaspora (12,5 milliards F CFA), les 69 milliards de francs consacrés à l’aide alimentaire pour les Sénégalais obligés d’abandonner leurs activités… c’est des dizaines de milliards F CFA qui auraient pu servir à remettre à niveau le système sanitaire sénégalais. Le risque, avec le coronavirus, c’est moins la gravité de la maladie que le dénuement total dans lequel se trouvent nos structures de santé. ‘’Profitons-en pour équiper tous nos hôpitaux de service de réanimation et de maladies infectieuses dignes de ce nom. Il y aura un après Covid et ces structures amélioreront le système de santé du Sénégal’’.
GESTION CRISE SANITAIRE Le Bénin joue la carte de la prévention avec les antipaludiques Au Bénin, le gouvernement mise désormais sur un traitement présomptif pour les cas probables de Covid-19 et la chimioprophylaxie pour les sujets contacts et les sujets exposés, notamment les agents de santé. Le gouvernement béninois rappelle que la mise sous traitement curatif ou la mise sous chimioprophylaxie ne doit, en aucun cas, être un prétexte pour ne pas respecter les mesures barrières. Mieux, au pays de Patrice Talon, le gouvernement a même défini ‘’des procédures opérationnelles standards’’ pour le traitement présomptif et la chimioprophylaxie. Ainsi, pour les sujets symptomatiques (présence de signes cliniques), le ministère béninois de la Santé prescrit de la chloroquine associée à la vitamine C et au zinc. Dans certaines situations, la tutelle recommande d’y associer de l’azythromycine. C’est le cas, notamment, pour les patients ayant une température excédant les 38,5C, ceux qui sont âgés de plus de 60 ans… Même après un TDR revenu positif, le gouvernement conseille de poursuivre avec ce même traitement. Si négatif, il faut prendre le traitement sans l’azytromycine pour la prévention de la maladie. En ce qui concerne les sujets asymptomatiques avec test positif de la Covid-19, le gouvernement prescrit le même traitement. Ce serait peut-être une solution pour désengorger les hôpitaux, avec l’augmentation exponentielle du nombre de personnes testées positives à la Covid-19. Toutefois, la fermeture des écoles et universités reste encore en vigueur jusqu’au 10 mai prochain. MOR AMAR |