Des prêches opposés sur la question
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La réouverture des mosquées, annoncée avant-hier par le chef de l’Etat, ne fait pas l’unanimité chez les imams. Mais tous demandent des mesures d’accompagnement.
Avant-hier, le chef de l’Etat a annoncé qu’il sera procédé à la réouverture des lieux de culte dont les modalités seront définies par le ministre de l’Intérieur, en rapport avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Ils doivent engager les consultations nécessaires, à cet effet, avec les guides spirituels et les associations religieuses, pour convenir des conditions. Dans ce contexte où la courbe épidémiologique est ascendante, cette décision est diversement appréciée par des imams.
Celui de la mosquée de Liberté 6 Nord souligne qu’il était réticent à la réouverture des mosquées, compte tenu de la multiplication des cas de contamination et du nombre de décès notés depuis quelque temps. Mais, poursuit imam Moctar Ndiaye, comme l'a dit le chef de l'Etat, l'heure est à l'adaptation. Tout le monde doit apprendre à vivre avec le virus. ‘’C’est une thèse acceptable et défendable qui peut servir de justification pour la réouverture des mosquées, afin que les fidèles musulmans puissent se réarmer psychologiquement et retrouver leur quiétude spirituelle, surtout en ce mois béni de ramadan. Il faut l'avouer, la Covid-19 est une épidémie qui est là. Personne ne sait quand est-ce qu’on va en finir’’ dit-il.
Et les mosquées, selon lui, ne peuvent pas rester continuellement fermées. Donc, poursuit-il, il fallait trouver une alternative, et celle qui s'imposait, à ses yeux, c'est la réouverture avec, bien entendu, des mesures barrières, à savoir la distanciation, le port du masque, le lavage des mains, entres autres. ‘’La difficulté va se trouver, à mon avis, sur la limitation du nombre de fidèles qui vont assister à la prière. Vous savez, dans une mosquée, dès qu'on fait l'appel à la prière, on ne peut plus faire de discrimination. Qui va entrer et qui ne va pas entrer, surtout avec ce sentiment de fanatisme bien connu chez certains fidèles. Peut-être qu’avec une bonne organisation et une bonne sensibilisation, on va y parvenir. Toujours est-il que le risque de contamination est toujours présent. Il ne faut pas qu'on se voile la face. Et, dans ce cas, ayons tous le courage d'endosser l'entière responsabilité’’, déclare le religieux.
D’autres personnalités religieuses, qui n’ont pas voulu parler à visage découvert, sont aussi pour une réouverture assujettie à des mesures d’accompagnement, car toutes les mosquées n’ont pas les moyens de se doter de gels hydro-alcooliques, masques et thermo-flash. Elles soulignent que la question de la sélection du nombre de personnes qui devront entrer dans les mosquées risque d’être une source de confrontations entre fidèles. De ce fait, elles demandent que les forces de défense et de sécurité se concertent avec les responsables des lieux de culte pour trouver un consensus sur cette question.
‘’Réouverture prématurée et imprudente’’
Autre son de cloche, chez l’imam de la mosquée du Point E. Avec cette phase ascendante de la Covid-19, il reste convaincu qu'il est prématuré et imprudent de reprendre les prières dans les mosquées du pays. Imam Ahmadou Makhtar Kanté déclare que, côté charia, il ne voit rien qui l'impose dans un contexte d'épidémie, en phase ascendante de surcroît.
‘’Je trouve lourdes et fastidieuses les mesures d'accompagnement proposées dans certains documents à cette fin. Alors que dans notre pays l'épidémie est dans une phase ascendante, est-ce le moment de prendre une telle décision et pour quels motifs ? Pour satisfaire les promoteurs des thèses complotistes, comparatistes, etc. Au demeurant, si pour raison d'Etat et de foi ou considérée comme telle, les prières reprennent dans les mosquées partout dans le pays, que les imams et autres responsables des mosquées le fassent en étroite collaboration avec les autorités administratives locales’’, dit-il.
Il considère, ainsi, qu'une clause d'isolement immédiat d'une mosquée qui serait touchée devrait être prévue.
CHEIKH THIAM