‘’Entre 2029 et 2020, nous avons accompagné 365 livres…’’
Directeur du livre et de la lecture, Ibrahima Lo revient sur les politiques mises en œuvre par son service pour promouvoir le livre et accompagner les auteurs.
Pouvez-vous revenir sur la subvention mise en place par l’Etat et les modalités pour en bénéficier ?
Le ministère de la Culture et de la Communication a mis en place un mécanisme qui s’appelle le fonds d’aide à l’édition. Ce fonds est administré par la DLR à travers un comité de gestion. En moyenne, c’est 650 à 700 millions FCFA qui sont mis à disposition chaque année. Pour bénéficier de cette subvention, il faut s’adresser aux acteurs de la chaine de valeur. Un éditeur qui veut faire subventionner un livre fait un dossier adressé au ministère. Et le Comité va apprécier. Chaque année, le Comité décide de l’enveloppe à allouer aux éditeurs. Et c’est à partir de là que nous démarrons l’instruction des projets soumis à notre attention… Il faut aussi préciser que la mission de la DLR se décline en deux aspects. Il y a le soutien à la production et à la diffusion du livre, mais, il y a aussi la mise à disposition du livre à travers les bibliothèques que nous gérons ou qui sont des partenaires.
Avez-vous des statistiques par rapport aux livres produits et vendus au Sénégal ?
Pour les livres que nous subventionnons, je peux vous dire qu’entre 2019 et 2020, nous avons accompagné 365 livres, pour une enveloppe qui est l’équivalent de 40-48% du fonds. Chaque année, c’est la part qui est consacrée à l’édition proprement dite. Et les éditeurs bénéficiaires doivent remplir un certain nombre de critères. D’abord, il faut produire un certain nombre d’exemplaires (1000 généralement pour une subvention de 3 millions), l’obligation de nous donner 10% de la production pour permettre de doter le réseau de bibliothèque, un engagement par rapport à la promotion, le reversement de droits d’auteurs de l’ordre de 15%, accompagner la politique de l’édition. Maintenant, pour les livres qui sont produits hors de ce circuit, on n’a pas les moyens de disposer les chiffres. Certains ont l’amabilité de nous communiquer les chiffres, mais ils ne sont pas obligés.
Que faites-vous pour que les livres subventionnés par l’Etat soient vendus à des prix abordables ?
Pour dire vrai, nous n’avons pas de pouvoirs de police. On s’engage avec des privés qui prennent l’engagement de respecter un certain nombre d’obligations. On ne peut courir après tous pour réguler. C’est vrai qu’au-delà de certains prix, on attire l’attention des partenaires, mais il y a des choses qu’on ne peut faire. Par rapport à la question de l’accessibilité, nous faisons beaucoup de choses à travers notre réseau de bibliothèque, mais sans l’implication du citoyen, ce sera difficile.
Mais est-ce que vous disposez de leviers pour contrôler et suivre les maisons bénéficiaires de ces fonds publics, si l’on sait que toutes ne sont pas si sérieuses ?
Je ne sais pas ce qui vous fait dire que certaines ne sont pas sérieuses. Mais, ce que je puis dire, c’est que nous travaillons avec des maisons reconnues et sur la base de dossiers déposés au niveau de la DLR. Maintenant, il arrive que des dossiers qui nous sont envoyés soient reconsidérés. Si à l’arrivée, on estime qu’un projet n’est pas mûr, on le retourne à l’envoyeur.
Qu’en est-il des maisons qui reçoivent des subventions et qui ne publient pas ou qui restent longtemps sans produire ?
C’est très très rare. Un éditeur qui reçoit notre chèque est obligé de produire sur les six mois. Sinon, on fait la réclamation et ils sont obligés de retourner le chèque. Aussi, s’ils ne remplissent pas leur part du contrat, ils ne pourront pas bénéficier du fonds à l’avenir.
Le business des maisons d’édition Avec le temps, les maisons d’édition ont pour la plupart opéré d’importantes mutations pour assurer leur survie. Mame Birame Diop de l’harmattan explique : ‘’L’édition est un marché ; c’est un service. Et comme tout service, elle doit être rémunérée selon les lois du marché. Les maisons qui l’ont compris commencent à tirer leur épingle du jeu. Elles font savoir à l’auteur que c’est des risques qu’elles prennent, donc, il faut au moins supporter une partie du coût. Nous en tant qu’éditeurs, on peut supporter jusqu’à 80% du coût’’. Aujourd’hui, à côté des éditeurs sérieux, il y en a beaucoup qui ne le sont que de noms. Certains ont juste des bureaux, leurs cartables, parfois même sans adresse, et sont sur le trafic pour capter des fonds de l’Etat. Selon certains de nos interlocuteurs, ce sont ces gens qui sont en train de détruire l’édition. ‘’Ils vont aller un peu partout, récupérer les manuscrits des auteurs, et vont solliciter des subventions. Ensuite, ils vont chez un imprimeur qui parfois n’était que dans les banderoles. Finalement, on se retrouve avec un livre très mal découpé, très mal mis en page, très mal collé… La qualité du papier non plus n’y est pas. C’est ce genre de document qui ne fait pas l’affaire de l’édition’’, dénonce un de nos interlocuteurs. Au niveau de la maison d’édition l’harmattan, beaucoup d’efforts et de moyens ont été déployés pour mettre en valeur les meilleures productions. Mame Birame Diop : ‘’Par exemple, nous avons mis en place une collection dénommée : ‘’Les nouvelles lettres sénégalaises’. Tout ce qu’on publie dans cette collection, c’est de la qualité et la collection est reconnue même à l’international. C’est une évaluation très sévère pour accéder à cette collection. Il faut répondre au minimum à 99% des critères d’un roman de qualité’’. Ce qui n’empêche de produire d’autres auteurs qui ont envie de se faire éditer. Mais dans tous les cas, le livre qui sort à l’harmattan fait l’objet d’une évaluation préalable, il y a ensuite la correction, un test orthographique avec un logiciel… Par rapport à la cherté du livre, il recommande : ‘’A ce propos, il faut saluer le travail qu’abat la Direction du livre et de la lecture. Mais pour que le livre soit accessible, je pense qu’on peut au moins exiger des prix raisonnables pour les ouvrages qui ont eu à bénéficier de la subvention de l’Etat. Parfois, tu vois un auteur vendre un livre à des prix exorbitants, alors qu’il n’a pas dépensé 3000 francs pour le prix unitaire’’. |
Mor AMAR