Les victimes menacent le Sénégal de plainte
Huit mois se sont écoulés depuis que des Sénégalais avaient été tués et d'autres torturés par des policiers lors de manifestations préélectorales. Et depuis lors, les procédures judiciaires n'ont pas connu des avancées pour la majorité des cas. De quoi énerver les collectifs des victimes et leurs familles qui ruent dans les brancards.
Les violences préélectorales continuent encore de défrayer la chronique. Hier, lors d'une conférence de presse, le Collectif des victimes et des familles de victimes de ces violences a menacé l'État du Sénégal de plainte auprès de la Cedeao face à des ''lenteurs judiciaires'' dans le traitement des différents dossiers. Il ressort en effet du point de presse sur l'état de leur avancement, que sur les 25 cas de violence répertoriées (9 décès et 16 tortures) par le collectif, seuls deux ont enregistré des avancées. Ce sont les cas de torture ayant conduit au décès de Ousseynou Seck battu à mort par des policiers à la Patte d'Oie, à Dakar, et de Bana Ndiaye et Mamadou Sy tués par balles par des forces de l'ordre à Podor. En outre, le Collectif a fait savoir que la procédure suit son cours, comme le cas de Mamadou Diop tué par le véhicule dit Dragon de la police lors d'une manifestation du mouvement 23 juin (M23) à la place de l’Obélisque à Dakar.
Pour le reste, le Collectif a informé ne disposer d'aucune information. ''Il y a des dossiers que la police même n'a pas retrouvés'', a avancé Rokhiyatou Gassama, une des plaignantes. ''Nous n'avons pas senti la justice sénégalaise sur ces affaires qui concernent pourtant des jeunes qui voulaient le changement'', a-t-elle déploré. Le ministre de l'Intérieur Mbaye Ndiaye ''n'a pas respecté sa parole de lutter contre l'impunité quels que soient les coupables car jusque-là, il n'a rien fait'', selon Rokhiyatou Gassama qui ajoute que Mbaye Ndiaye aurait loué le travail effectué par le commissaire Arona Sy, devenu conseiller de la tutelle, qui dirigeait les policiers lors des manifestations en question.
Au cours de la conférence de presse, Cheikh Moussa Camara, le représentant des six jeunes arrêtés pour le meurtre du jeune policier Fodé Ndiaye, le 27 janvier 2012, est revenu sur les tortures, les sévices et les brimades subis en prison et à l'Ecole nationale de police. ''Les policiers ont utilisé même des produits nocifs qu'ils ont mis sur les parties intimes des jeunes sans oublier les électrocutions'', à en croire M. Camara. Ces actes n'auraient cessé que lorsque les défenseurs des droits de l'Homme les ont dénoncés. Et malgré les efforts faits par le Collectif, seul un de ces jeunes arrêtés a été libéré. ''Normalement, tous ces jeunes devaient être libérés parce qu'ils ont tous été arrêtés pour la même cause'', s'est écrié Cheikh Moussa Camara. Aussi, le Collectif a-t-il appelé les autorités et le Président Macky Sall à faire des efforts en vue de libérer tous les jeunes concernés.
Pour l'heure, le Collectif a prévu des réactions face à ce qu'il considère comme des lenteurs judiciaires : des visites auprès des leaders d'opinion pour leur faire part de la situation de ces victimes. Rokhiyatou Gassama et ses amis invitent aussi les jeunes de Colobane à rejoindre le Collectif afin de mener à bien ce combat.
AMADOU THIAM