Greenpeace et Amnesty international exigent des enquêtes pénales

L'Afrique doit-elle être un dépotoir pour déchets toxiques en provenance d'ailleurs ? Non, répondent Amnesty international et Greenpeace qui présentaient hier le rapport «Vérités toxiques» relatif à la catastrophe écologique survenue au Port d'Abidjan en 2006. Les deux ONG réclament l'ouverture d'une enquête pénale contre la multinationale Trafigura.
20 août 2006. Des déchets toxiques, précisément 500 tonnes de boue, mélange de soude caustique, de résidus pétroliers et d’eau, sont déversés en plusieurs coins de la capitale ivoirienne par la multinationale Trafigura, 3e négociant mondial indépendant en produits pétroliers dans le monde. Elle a pu transporter son chargement toxique à bord du navire Probo Koala sans être inquiétée. Cela, après signature d'un protocole d'accord avec la compagnie ivoirienne Tommy qui n'avait que 5 mois d'existence, après avoir refusé de s'inscrire dans les normes en payant les tarifs proposés par Amsterdam Port Services, l'entreprise en charge d'éliminer ces déchets nocifs qui exigent le paiement de 1000 euros par m3.
Ce business de la multinationale Trafigura a finalement causé la mort de quinze personnes, toutes ivoiriennes, sur plus de 100 000 victimes enregistrées lors du «désastre sanitaire, politique et environnemental». Aujourd'hui encore, des victimes souffrent d'irritations cutanées et oculaires, entre autres complications sanitaires.
Ces informations contenues dans le rapport lancé conjointement hier à Dakar par les Ong Greenpeace et Amnesty international ont permis de toucher du doigt la problématique des déchets toxiques qui continue de porter un lourd préjudice à l'Afrique et aux Africains, «avec la complicité de politiques véreux.» Selon le rapport, «de nombreux États ont contribué à cette tragédie et n'ont pas pris les mesures appropriées pour empêcher que cette criminalité ne se reproduise, pour réparer les souffrances des victimes ou pour contraindre les responsables de ces faits à rendre compte de leurs actes».
«Moins de 20% des victimes indemnisées»
Après trois années d'investigations, les défenseurs des droits de l'Homme ont pris la résolution de réclamer justice pour toute les victimes ivoiriennes, d'inciter les gouvernements africains à prendre des mesures juridiques pour mettre un terme à de tels agissements, mais aussi de déclencher des poursuites judiciaires contre la multinationale néerlandaise Trafigura qui a «profité de flous juridiques et des conflits de juridiction».
Le président d'Amnesty international au Sénégal, Seydi Gassama, et le chargé de campagne de Greenpeace, Raoul Musembulal, ont exigé que Transfigura soit traduite devant les hautes juridictions du Royaume uni pour cette «criminalité d'entreprise», et exigent la levée d'une immunité judiciaire accordée naguère par le gouvernement ivoirien de l'ex-président Laurent Gbagbo.
Sur la base d'un règlement à l'amiable avec l'Etat ivoirien, Transfigura a versé 185 millions d'euros (plus de 120 milliards de francs Cfa) en guise de compensation financière. «A ce jour moins de 20% des victimes ont été indemnisées, indique le rapport. mais on s'interroge encore sur les montants qu'elles ont reçus», lit-on.
MATEL BOCOUM