Publié le 27 Jul 2024 - 20:21
UN AN APRÈS LA PRISE DE POUVOIR DU CNSP

Le général Tiani se rêve en nouveau Seyni Kountché

 

À la veille du premier anniversaire du coup d'État orchestré par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au Niger, le général Abdourahamane Tiani s'est adressé aux Nigériens pour faire le bilan de cette première année au pouvoir. Dans son discours, il a mis en avant les défis rencontrés et les réalisations accomplies depuis la chute du président Mohamed Bazoum, en juillet 2023.

 

Cependant, une analyse approfondie des actions et des déclarations du CNSP révèle des contradictions significatives et des zones d'ombre, notamment à travers l'anatomie de la junte établie par le chercheur français Emmanuel Grégoire.

Le général Tiani a rappelé les raisons invoquées pour justifier le coup d'État, soulignant des "menaces existentielles" telles que le terrorisme et l'ingérence étrangère ainsi que la nécessité de rompre avec un régime qualifié de "corrompu et oppresseur". Présentant la prise de pouvoir comme un mouvement de "libération nationale", il a articulé les ambitions du CNSP autour de quatre axes stratégiques : le renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale, la promotion de la bonne gouvernance, le développement des bases de production et l'accélération des réformes sociales.

L'actuel homme fort du pays a particulièrement insisté sur la montée en puissance des forces de défense et de sécurité (FDS) du Niger, attribuant à ces dernières des "succès significatifs dans la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme". Il a également abordé des initiatives économiques telles que le programme de grande irrigation pour atteindre la souveraineté alimentaire et des projets ambitieux comme la construction d'une raffinerie de pétrole à Dosso et la création d'un institut de pétrole et de gaz à Zinder.

L'anatomie de la junte par Emmanuel Grégoire

Emmanuel Grégoire a entrepris une analyse détaillée des principaux acteurs du CNSP, retraçant leur parcours et leur rôle au sein de la junte. Voici un aperçu des profils des quatre généraux clés :

1.Général Abdourahmane Tiani : Né en 1964 à Toukounous, il a gravi les échelons de l'armée depuis soldat de 2e classe jusqu'à devenir général. Proche de l'ancien président Issoufou par le mariage, il a commandé la garde présidentielle pendant une décennie avant de diriger le coup d'État contre Bazoum. Décrit comme taiseux et calculateur, il vit reclus par crainte d'un coup d'État contre lui-même.

2.Général Salifou Mody : Né en 1962 à Zinder, il a été impliqué dans tous les coups d'État au Niger, depuis 1995. Ancien chef d'État-major des forces armées nigériennes, il est considéré comme l'idéologue du CNSP et son chef d'orchestre. Il rêve d'une dictature militaire à la Seyni Kountché et a été un acteur clé dans le renversement de Bazoum.

3.Général Salaou Barmou : Chef d'État-major des forces armées nigériennes, il est originaire de Maradi et a été formé aux États-Unis. Considéré comme compétent et partenaire des Américains, il a néanmoins échoué à défendre leurs intérêts face à la junte, illustrant son poids limité au sein du CNSP.

4.Général Mohammed Toumba : Ministre de l'Intérieur, il est issu de l'élite militaire nigérienne et a dirigé des opérations contre Boko Haram. Son rôle dans la junte est perçu comme mineur, se contentant souvent d'exécuter les ordres.

Contradictions et zones d'ombre

Malgré les déclarations ambitieuses du général Tiani, plusieurs contradictions émergent. Bien que Tiani loue les succès des forces de défense et de sécurité (FDS), la situation sécuritaire s'est détériorée avec des pertes militaires et civiles importantes, les soldats étant de plus en plus réticents à partir en mission, exprimant une préférence pour la gestion sécuritaire de Bazoum.

Par ailleurs, le CNSP semble manquer de projet politique clair et de compétences économiques, prenant des mesures au coup par coup, sans vision cohérente. De plus, la junte a rompu avec la France et la CEDEAO, tout en exigeant le départ des Américains, une position anti-occidentale qui contraste avec les formations militaires reçues par certains de ses membres en Occident, illustrant une ambivalence dans leur discours.

Enfin, pour sécuriser leur pouvoir, les généraux ont militarisé de nombreuses fonctions civiles, affaiblissant la hiérarchie militaire et exacerbant le mécontentement des soldats de terrain.

Toujours selon ce chercheur, l’objectif des militaires est "d’instaurer un régime d’exception, d’accaparer les postes stratégiques de l’Administration où ils se substituent sans aucune compétence aux civils nommés par le président déchu Bazoum et de se substituer aux élus des instances régionales et municipales qu’ils ont dissoutes".

Témoignages d'Abdou Hamid Guèye et Hadj Maalem Oumarou

Hadj Maalem Oumarou, ancien conseiller du président déchu Mohamed Bazoum, a partagé ses réflexions sur l'année écoulée.

Selon lui, "quoi qu’il en soit, il y a un minimum de respect et de dignité pour le président déchu". Par ailleurs, il reconnaît que des reproches peuvent être faits à l'administration du CNSP, notamment concernant "la fermeture des frontières et les problèmes d’insécurité".

Néanmoins, il souligne que "le CNSP est applaudi par la majorité de la population, même s’il y a des mécontents".

Pour Abdou Hamid Guèye, ingénieur en informatique et Nigérien vivant au Sénégal, "c’est la première fois que je vois le peuple nigérien uni comme un seul homme. C’est un changement de paradigme". Guèye observe que les Nigériens ont acquis une souveraineté inédite, évoquant un sentiment de patriotisme jamais vu auparavant. Il note que "les anciens régimes ont travaillé à faire émousser le sentiment d'appartenance à un autre État".

Il loue également l'unité des différentes ethnies et la capacité du président à s'exprimer dans les deux langues principales du pays, tout en reconnaissant les défis persistants. Pour lui, "les Nigériens vivent la situation avec dignité et fierté".

Un an après le coup d'État, le bilan du CNSP est marqué par des réalisations revendiquées, mais aussi par des contradictions profondes. Les défis à venir pour le CNSP seront de maintenir leur cohésion interne tout en répondant aux attentes et aux besoins des Nigériens, une tâche qui s'annonce ardue et difficile.

AMADOU CAMARA GUEYE

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