Publié le 29 Aug 2024 - 16:36
SUPPRESSION DU CESE ET DU HCCT

Une "destruction créatrice" ?

 

Le débat s'intensifie sur la légalité de l'action du président de la République de convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée nationale, pour la suppression du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT). Il est important de se demander s'il est nécessaire de supprimer ces institutions.

 

L’Assemblée nationale est convoquée en session extraordinaire, aujourd’hui, pour l’examen du projet de loi portant modification de la Constitution, qui concerne la suppression du CESE et du HCCT, suite au décret pris par le président de la République. Le motif avancé par le gouvernement dans cette volonté de dissoudre ces institutions est qu’il souhaite rationaliser les dépenses.

Elimane Haby Kane de Legs Africa pense que cela n'en vaut pas la peine. "Si c’est pour rationaliser les dépenses, ça ne vaut pas la peine de supprimer le HCCT et le Cese. Ces deux institutions réunies représentent 15 milliards. Que représentent 15 milliards sur un budget de 7 000 milliards ? Donc, ce n’est pas pour rationaliser les dépenses. Si c’est à cela que l'on pense, il faut agir sur d'autres aspects, notamment sur l'utilisation de l'argent mal employé à l'intérieur de ce budget de la dépense publique", a indiqué le manager, psychologue-conseiller et sociologue de formation.

D’après lui, le problème se situe au niveau de la nomination des personnes, mais aussi du pouvoir que l’on accorde à ces institutions. Plaidant pour que ces institutions ne soient pas supprimées, il déclare : "Dans une démocratie, plus on a d’espaces ouverts de dialogue, mieux c’est. Parce que nous sommes dans un régime présidentialiste où le pouvoir est concentré."

De son côté, le professeur Abou Kane de la faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg/Ucad) pense que la suppression du Cese et du HCCT est une "destruction créatrice". Il affirme que "le président Diomaye n’est certainement pas convaincu de l’utilité des deux institutions qu’il veut supprimer". Monsieur Kane souligne qu’au début de son mandat, beaucoup d’observateurs disaient qu’il ne pouvait pas dissoudre le Cese et le HCCT puisque c’est la Constitution qui les intègre dans l’architecture institutionnelle du pays.

"Effectivement ! Mais peu de gens croyaient que le président allait demander à l’Assemblée nationale d’examiner un projet de loi modifiant la Constitution, en tout cas pas si vite (avec l’actuelle configuration de l’Assemblée nationale). Dans tous les cas, c'est Diomaye qui gagne : soit le Cese et le HCCT sont supprimés, soit l’Assemblée nationale (dont la configuration actuelle ne l’arrange pas) refuse et s’expose elle-même à une dissolution", fait-il remarquer.

Pour l’Assemblée, le Pr. Abou Kane estime qu’il n'y a pas dix solutions pour échapper à la dissolution prématurée. "Certains considèrent que ces institutions peuvent être utiles si on leur enlève leur étiquette de site de recasement d’hommes politiques. Cela pourrait s’avérer aussi difficile que de transformer un lion en herbivore, si l’on sait que la raison de leur création est éminemment politique", indique-t-il.

Qu’est-ce qu’une destruction créatrice ? Il explique que c’est un concept rendu célèbre par l’économiste Joseph Schumpeter en 1942. C’est, dit-il, un processus selon lequel les innovations fragilisent les entreprises déjà bien installées (grâce à d’anciennes innovations) tout en générant de nouvelles opportunités qui favorisent la croissance. "On peut dire que les entreprises obsolètes disparaissent pour laisser la place à de nouvelles entités", explique M. Kane.

Il poursuit : "L’innovation de produits et l’innovation de procédés sont les deux types d’innovation les plus importants parmi les cinq identifiés par Schumpeter ; les trois autres étant l'innovation de modes de production, l'innovation de débouchés et l'innovation de matières premières.’’

Ainsi, le Pr. Abou Kane considère que le président Diomaye joue le rôle de l’entrepreneur innovateur. Il note que Schumpeter met au centre de son analyse l’entrepreneur innovateur, qui est celui qui réforme et révolutionne le système de production en introduisant de nouvelles méthodes. L’innovation, dit-il, est la capacité, pour l’entrepreneur, à mettre en œuvre de nouvelles combinaisons dans le processus de production.

De la légalité du décret portant convocation de l’Assemblée nationale en session extraordinaire

Depuis que Bassirou Diomaye Faye a transmis au président de l’Assemblée nationale le décret portant convocation de l’Assemblée nationale en session extraordinaire, certains s’interrogent sur la légalité de cette action. Ils souhaitent que les députés s’y opposent.

Le député de Yewwi Askan Wi, Amadou Ba, a pris le contre-pied et a averti l’autre camp. Pour lui, l’Assemblée nationale ne dispose d'aucune compétence ni d'aucun moyen pour contester la convocation de la session extraordinaire convoquée par le chef de l’Etat.

De plus, il estime que l'ensemble de la procédure d'examen et de vote de l'ordre du jour établi par le président, qui est immuable, doit être parachevée dans un délai de 15 jours sans possibilité de prolongation. "Les députés BBY ne peuvent juridiquement ni différer ni rejeter l’examen, comme ils l’avaient fait avec la DPG. Ils sont poings et mains liés", indique-t-il. Et d’ajouter : "Le président de la République est par ailleurs totalement dans ses prérogatives en fixant la date d’ouverture de la session extraordinaire. Il faut bien un point de départ pour calculer le délai constitutionnel de rigueur que doit durer une session extraordinaire."

À en croire Amadou Ba, "tout ce que peuvent faire les députés BBY, c’est voter contre, car la révision constitutionnelle supprimant le HCCT et le Cese doit recueillir 3/5 des suffrages exprimés (qui est différent des 99 députés souvent énoncés)".

Le député, président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, a abondé dans le même sens. "Au lieu d'affronter le débat de fond sur le dégraissage institutionnel et les économies budgétaires, on fait du juridisme avec des arguties et des arguments spécieux pour semer la confusion. Le président a strictement respecté l'article 63 de la Constitution qui lui donne le droit de convoquer une session extraordinaire à une date fixée et sur un ordre du jour déterminé", a-t-il pesté.

Il note que son prédécesseur, Macky Sall, avait usé, "sans polémique inutile", de la même prérogative pour convoquer par décret l'Assemblée nationale en session extraordinaire le 17 juillet 2023 à 10 h.  

BABACAR SY SEYE

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