Publié le 8 Oct 2024 - 18:22
DÉCLARATIONS DE NAISSANCE, MAIRIE DE SICAP MBAO

Le calvaire des parents

 

À Sicap Mbao, les parents rencontrent d’énormes difficultés pour pouvoir déclarer leurs nouveau-nés à la mairie. Même s’il y a des naissances tous les jours dans cette commune, les déclarations ne se font que les lundis, mercredis et vendredis, depuis l’arrivée du nouveau maire. Certains bébés ne sont pas déclarés, trois mois après leur naissance.

 

Le nouveau-né doit être déclaré à la mairie dans les trois mois suivant sa naissance. Cependant, à Sicap Mbao, les parents rencontrent beaucoup de difficultés pour poser cet acte. Depuis l’arrivée du nouveau maire, les déclarations ne se font que trois fois par semaine, à savoir les lundis, mercredis et vendredis. Certains parents font des allers-retours depuis plusieurs mois, mais n’arrivent pas à déclarer leurs enfants.

Lundi matin, la cour de la mairie est remplie de monde. Certaines personnes sont assises à même le sol, d’autres sont debout dans une file d’attente, parlant de leur amertume sur la longue attente. À leur grande surprise, à 10 h moins le quart, un agent de la mairie se présente devant le portail pour leur annoncer qu’ils ont arrêté de prendre des gens et leur demande de revenir le mercredi ou le vendredi. “Tous ceux qui sont ici pour une déclaration de naissance peuvent rentrer jusqu’à mercredi ou vendredi. On a pris le nombre maximum pour aujourd’hui”, assène-t-il.

Ses propos provoquent un brouhaha et des échanges de paroles désobligeants entre la foule et les agents, car les premiers nommés ne veulent pas entendre ce que l’agent leur a dit. Après des tiraillements avec les agents, certains, en colère, quittent les locaux de la mairie. Sept personnes décident de rester devant la porte. Elles supplient l’agent de les aider à faire la déclaration, car elles disent faire des va-et-vient depuis des mois. Mais cela n’émeut pas l’agent qui leur sert une réplique cinglante : “Ne vous fatiguez pas. Ce que je viens de vous dire est inchangeable. Même si vous restez ici jusqu’à demain, on ne va pas vous prendre.”

Face à ce refus, ils proposent une liste sur laquelle ils pourraient s’inscrire pour être parmi les premiers à être servis demain mercredi. L’agent, qui refuse catégoriquement au début de leur donner une liste, finit par accepter après de longues minutes de négociations.

C’est le moment où une jeune dame du nom de Racky Tall, très remontée, lui lance à la figure, avant de s’en aller : “Ce que vous faites là, c’est injuste. Vous avez fait entrer des gens qui nous ont trouvés ici. Vous ne voulez pas que vos connaissances durent ici. Vous pensez que cela est normal ? Nous avons tous les mêmes droits et nous avons tous des occupations. Donc, il faut faire le travail comme il se doit et arrêter vos magouilles.”

En effet, au moment où certains se lèvent à 5 h et n’arrivent pas à faire leur déclaration, d’autres, qui ont des connaissances à la mairie, prennent leur temps et sont les premiers à être servis.

“Les déclarations de naissance ne se font que trois fois par semaine”

Pour sa part, Pape Saliou Samb regrette le fait que, dans son propre pays, il faille remuer ciel et terre pour déclarer son enfant. “Mon bébé aura trois mois ce vendredi, mais je n’arrive toujours pas à le déclarer à la mairie. Alors qu’au-delà de trois mois, ils n’accepteront plus les déclarations. Ils vous demanderont d’aller au tribunal et cela va constituer un jugement, car l’enfant n’aura plus un acte de naissance exact. C’est anormal”, déplore-t-il, avant de souligner que même à l’étranger, la déclaration de naissance n’est pas aussi difficile à obtenir.

Or, quel que soit le nombre de demandeurs, dénonce-t-il, les agents de la mairie ne prennent que 15 ou parfois 20 personnes au maximum.

Lui emboîtant le pas, Moustapha Diallo soutient que depuis plus d’un mois, il fait des va-et-vient à la mairie pour déclarer son enfant. “Tous les lundis, mercredis et vendredis, je viens ici, mais je n’arrive pas à déclarer mon bébé. Les autres jours, ils ne prennent pas les déclarations. Aujourd’hui, par exemple, les demandeurs de déclaration de naissance sont plus de cent, mais ils n’ont pris que 15 ; c’est grave”, peste-t-il, animé d’une colère froide. “C’est désolant, on est fatigué, on a d’autres occupations. Depuis tout ce temps, à 6 h, je suis là, mais rien. On a beaucoup supporté, mais là, on en a marre, car on n’a pas que ça à faire”, fustige le trentenaire, vêtu d’une chemise multicolore et portant un sac à dos en bandoulière.

Selon ses dires, le seul argument que les agents leur donnent pour se dédouaner, c’est un manque de registres. Mais, dit-il, ils ne les croient pas, car il soutient qu’il y a beaucoup de registres dans le bureau de l’agent qui gère les déclarations. “J’ai demandé la permission à maintes reprises, mais mon employeur, même s’il ne m’a rien dit, peut penser que je ne dis pas la vérité. C’est dégoûtant”, tonne Moustapha Diallo, avant de lancer que “n’eût été le fait qu’on ne peut faire la déclaration que dans sa zone, ils ne verraient personne ici”.

Le père de famille Ousmane Sarr vit le même calvaire. Cela fait quatre lundis successifs qu’il se présente à la mairie pour déclarer son fils. “La population de Sicap Mbao est fatiguée. Le maire ne travaille pas. Il est incompétent, il n’a rien fait. On n’a jamais eu ce genre de problème avant son accession à la mairie”, accuse-t-il.

À l’en croire, “auparavant, les jours ouvrables, à n’importe quelle heure de la journée, quand tu venais, ils te faisaient une déclaration sans aucune contrainte et cela ne prenait même pas 15 minutes. Choisir des jours pour faire la déclaration n’a jamais eu lieu avant son arrivée. Ils sont impolis, arrogants et ne respectent pas les citoyens. C’est inacceptable”.

Les parents, frustrés par cette situation, appellent à une amélioration des services de la mairie. Ils exigent que des mesures soient prises pour faciliter le processus de déclaration de naissance, afin que chaque enfant puisse obtenir son acte de naissance dans les délais impartis. “Nous ne demandons qu’un service efficace et respectueux. Chaque parent a le droit de déclarer son enfant sans devoir faire face à des obstacles insurmontables”, avait déclaré Racky Tall, en exprimant le sentiment général des usagers, avant de tourner les talons.

La situation à la mairie de Sicap Mbao soulève des questions sur l’efficacité de l’administration locale et sur la nécessité d’une réforme pour garantir que les droits des citoyens soient respectés. Les parents espèrent que les autorités compétentes prendront en compte leurs préoccupations et agiront rapidement pour remédier à cette situation difficile.

FATIMA ZAHRA DIALLO

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