Ces “graves manquements” relevés dans la gestion de l'institution
Absence des états financiers de l'exercice budgétaire 2023, défaut d'une comptabilité des matières, soupçons de détournements de deniers publics… Voilà les graves manquements soulevés par le vice-président de la Chambre de commerce, Papa Ibrahima Diagne, par ailleurs Grand Serigne de Dakar, qui demande aux autorités d'intervenir pour empêcher la tenue de l'Assemblée générale ce jeudi.
A 48 heures de l'Assemblée générale de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Dakar prévue le jeudi 26 décembre, la colère ne faiblit pas chez les patrons. À la suite du dossier publié, hier, à la une de ‘’EnQuête’’, certains patrons sont revenus à la charge, soit pour apporter des précisions soit pour enfoncer le président de la chambre et appeler l'État à prendre ses responsabilités. Parmi eux, des personnalités du bureau actuel qui reprochent à leur président des “manquements graves”.
Vice-président de l'institution, Papa Ibrahima Diagne n'y va pas du dos de la cuillère. “Vous avez parlé de problème interne et de la guerre de légitimité. Mais la situation interne est bien plus grave. Nous allons vers une élection à haut risque et l'État doit prendre toutes ses responsabilités”, peste le président de la section agricole de la Chambre de commerce de Dakar.
Plusieurs raisons sont brandies par M. Diagne pour étayer son propos. La première, c'est la mauvaise gouvernance comptable et financière de la structure. De l'avis du vice-président de la Chambre de commerce, des “manquements graves” ont été constatés à la suite de la présentation des états financiers des exercices de 2020, 2021 et 2022, le 3 décembre dernier, par le commissaire aux comptes. Dans une lettre adressée à ce dernier, le président de la section agricole de la CCIAD liste ses différents griefs.
D'abord, a-t-il tenu à souligner, “l'ensemble des rapports transmis n'ont été ni signés ni certifiés. Concernant l'exercice 2022, je relève que le rapport fourni est une version provisoire. Je remarque également que les états financiers de 2023 n'ont pas été établis. Je précise que votre appréciation sur les droits d'enregistrement de la CCIAD peut être assimilée à un acte de détournement de deniers publics”. Le membre du bureau ne s'en limite pas. Outre ces manquements, il relève aussi une “absence de comptabilité des matières” qui “remet en cause tous les marchés réceptionnés ainsi que la fiabilité de l'ensemble des états financiers”.
Dès lors, écrit-il au commissaire aux comptes, “ces constats graves sur la gouvernance méritent qu'on en tire toutes les conséquences.
Dans sa réponse, le commissaire aux comptes a tenu à faire quelques précisions et apporter des clarifications. En ce qui concerne les exercices 2020, 2021 et 2022, précise-t-il, “des rapports définitifs signés et datés ont été transmis au président de la chambre”. Relativement à l'exercice 2023, il a souligné que les états financiers de 2023 n'ont pas encore été établis par la CCIAD et versés à son dossier. Toujours dans ses réponses rapportées, El Hadj Papa Ibrahima Diagne, le commissaire aux comptes, précise : “Les insuffisances procédurales, notamment l'absence d'une comptabilité des matières, constituent des obstacles à la production d'informations comptables et financières fiables. La mise en œuvre des préconisations de notre cabinet devrait permettre, à notre avis, d'améliorer la qualité des états financiers de la CCIAD.”
Fort de tous ces arguments, El Hadj Ibrahima Diagne n'a pas manqué de saisir les autorités de tutelle, à savoir notamment le ministre chargé du Commerce et son homologue chargé du Budget. Dans un courrier en date du 18 décembre, il les invite à prendre des mesures préventives avant que l'irréparable ne se produise. “Pour un souci de transparence et de bonne gouvernance de l'institution consulaire, j'attire votre attention”, écrit-il, avant d'ajouter : “Après avoir examiné les états financiers établis par le commissaire aux comptes, nous avons constaté que la gestion de l'institution est désastreuse. Cette situation délétère n'autorise pas le vote du budget avant la levée des réserves majeures sur la gestion comptable et financière.”
‘’Toutes les chambres du Sénégal sont dans l'illégalité’’
Dans le même sillage, le vice-président a souligné que le mandat de l'actuel président est arrivé à terme depuis le 27 novembre. “Il n'est donc pas habilité à conduire le vote du budget pour 2025”, insiste-t-il, sollicitant une rencontre élargie au bureau pour une prise en charge efficace des problèmes.
Papa Ibrahima Diagne est formel. L'Assemblée générale ne peut pas se tenir dans ces conditions. Il ajoute : “Il faut aussi relever que le projet de budget que nous avons reçu en réunion de bureau est différent du projet qu'on nous a donné pour l'AG. Nous ne pouvons pas accepter un vote de budget dans ces conditions. Aujourd'hui, c'est l'autorité étatique qui doit prendre une décision. Toutes les chambres du Sénégal sont dans l'illégalité. On aurait dû mettre une délégation spéciale dans l'ensemble des chambres du Sénégal. C'est ça la vérité. L'autorité doit tirer toutes les conséquences de cette situation catastrophique.”
D'après le projet de budget qui a été présenté, le budget pour l'année 2025 est projeté à plus de 2 883 000 000 F CFA, soit une baisse de 120 000 000 F CFA en valeur absolue et 4,16 % en valeur relative par rapport à celui de 2024.
MBAGNICK DIOP MEDS “Je n'ai jamais reçu de subvention d'aucun régime” Dans notre édition d'hier, ‘’EnQuête’’ revenait sur les subventions accordées par l'État du Sénégal à un certain nombre d'organisations patronales (quatre au total), sur les recettes collectées par le Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec). Cité parmi les bénéficiaires, le Mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS), par la voix de son président, a réagi pour démentir catégoriquement avoir reçu de l'argent d'un quelconque régime. “Le MEDS tient à informer l'opinion publique, ses membres et ses partenaires qu'il n'a jamais bénéficié d'un quelconque appui financier ou matériel, directement ou indirectement de l'État du Sénégal, tous régimes confondus depuis sa création en l'an 2000”, rectifie la direction de la communication du MEDS, qui réaffirme sa détermination à rester autonome et indépendant, avec une liberté d'action et de pensée. Il résulte des vérifications faites par ‘’EnQuête’’ qu'effectivement, le MEDS ne fait pas partie des organisations bénéficiaires du fonds Cosec, constitué de certains prélèvements faits sur la base des flux des importations. Sous Macky Sall, une partie de ces fonds était annuellement allouée aux organisations siégeant au niveau du Conseil d'administration de cette structure publique, à savoir, comme écrit dans notre édition d'hier, le Conseil national du patronat, la Confédération nationale des employeurs du Sénégal, le Groupement des entreprises du Sénégal et l'Unacois et non le MEDS. Ces dernières se partagent, en sus des 100 millions qui leur sont dévolus, huit des neuf sièges de postes d'administrateurs réservés au privé dans le Conseil d'administration du Cosec. Ils exercent également, tour à tour, le rôle de président du Conseil d'administration qui revient de droit au secteur privé. Nous présentons nos excuses au MEDS, à son président qui nous a joints pour apporter des clarifications, et à ses membres pour les désagréments causés. |
MOR AMAR