Publié le 7 Feb 2025 - 11:39
ENSEIGNEGNEMENT SUPÉRIEUR, MARCHÉ DU TRAVAIL ET OPPORTUNITÉ NUMÉRIQUE

Un jalon posé pour une meilleure employabilité des diplômés

 

Dans la perspective d’aligner le système éducatif sénégalais  aux besoins du marché du travail, tout en tirant parti des opportunités qu’offre la transformation numérique, une table ronde a été organisée, hier, par  le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en partenariat avec la Banque mondiale et la Société financière internationale.

 

Dans le but de préparer les jeunes à intégrer un marché du travail en pleine mutation, une table ronde a été conjointement organisée, hier, par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri), en partenariat avec la Banque mondiale (BM) et la Société financière internationale (SFI). Il s’agit d’évaluer les pratiques d'employabilité dans les établissements d'enseignement supérieur au  Sénégal, d’évaluer leur capacité digitale, de  comparer les performances à l'échelle régionale et mondiale, et de fournir des recommandations  pour soutenir des pratiques d'employabilité efficaces dans ces établissements.

À cette occasion, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Abdourahmane Diouf, a indiqué qu’il y a une volonté de renforcer les liens entre les universités, le secteur privé et le gouvernement. "C'est  dans cette synergie que se trouve la solution d’un système éducatif performant et d’un marché de l’emploi dynamique’’.

Il a ainsi souligné la volonté de faire de l’enseignement supérieur un levier majeur pour le développement économique et social.

Dans cette optique, le Dr Diouf renseigne qu’il est question de renforcer les programmes d’enseignement pour qu’ils intègrent des compétences pratiques et numériques directement en phase avec les besoins du marché ; d’encourager  les partenariats public-privé pour multiplier les opportunités de stages, d’apprentissage et d’emploi pour nos étudiants. Il s’agit également de développer les politiques digitalisées des universités pour améliorer l’accès à des ressources numériques, à travers diverses plateformes, mais également de suivre les diplômés avec l’instauration d’un suivi minutieux de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.  ‘’Toutes ces questions feront l’objet de contrat de performance entre le ministère  de l’Enseignement supérieur et les universités publiques. Ces contrats avec l’ensemble des universités publiques  seront signés avant la fin du mois de mars’’, a annoncé le ministre.

A l’endroit des universités et les écoles d’enseignement supérieur, le ministre a dit qu’elles ont la responsabilité de réformer leurs programmes pour  les aligner avec les compétences demandées par le marché. En ce qui concerne les entreprises, Abdourahmane Diouf note que leur rôle est crucial dans l’accompagnement des jeunes à travers des partenariats forts, des stages et des opportunités d’embauche.

S’adressant aux partenaires techniques et financiers, il soutient que leur expertise et leurs ressources sont des catalyseurs indispensables pour soutenir la vision des politiques. ‘’Le Sénégal est à un tournant décisif dans son parcours de développement. Notre jeunesse, qui représente la majorité de notre population, est l’atout le plus précieux de notre nation. Cependant, elle est également confrontée à de nombreux défis, notamment un taux de chômage préoccupant, en particulier parmi les diplômés de l’enseignement supérieur’’, a soutenu le ministre.

Dans ce contexte, selon lui, l’employabilité et la transformation numérique ne sont pas seulement des concepts, mais des impératifs. ‘’Nos établissements d’enseignement supérieur doivent évoluer pour former des citoyens capables de répondre aux exigences d’un monde où les compétences numériques, l’innovation et la flexibilité professionnelle sont devenues essentielles", a-t-il dit.

Collaboration entre l'industrie et le monde académique

Dans la même veine, la représentante de l’IFC, Nouma Dione, considère que la collaboration entre l'industrie et le monde académique est cruciale pour combler le déficit de compétences. "L'implication du secteur privé peut apporter une expertise du monde réel, des technologies de pointe et des perspectives du marché directement dans les contextes éducatifs’’, a-t-elle soutenu.

Nouma Dione note  qu’en s'associant aux établissements d'enseignement supérieur, les entreprises peuvent contribuer à façonner les programmes d'études, offrir des opportunités de stage et proposer des programmes de mentorat. ‘’Cela garantit que les diplômés sont équipés de compétences pertinentes et recherchées", dit-elle.

En outre, elle est revenue sur  les défis auxquels sont confrontés les établissements d'enseignement supérieur (EES) qui sont nombreux et complexes. ‘’Ces défis vont de la préparation des étudiants à un avenir où l'intelligence artificielle (IA) joue un rôle central, à la réinvention de l'offre académique pour répondre aux demandes de l'industrie", a-t-elle remarqué.  

Pour y faire face, l'intégration de technologies avancées et de la littératie en IA dans les programmes d'études est essentielle, à ses yeux.  "Cela garantit que les étudiants développent les compétences technologiques de plus en plus demandées par les employeurs. Cette double approche permet non seulement de réduire les coûts et d'améliorer l'agilité institutionnelle, mais aussi d'augmenter considérablement l'employabilité des diplômés dans un marché du travail axé sur l'IA et les compétences numériques", a déclaré Nouma Dione.

‘’Le chemin vers l'emploi devient paradoxalement plus sinueux à mesure que l'on gravit les marches du savoir"

Pour sa part, la directrice des Opérations de la Banque mondiale au Sénégal, Keiko Mowa, a  rappelé le contexte et la raison de leur  engagement. Elle souligne que le Sénégal se distingue par sa jeunesse démographique : la moitié de sa population résidente à moins de 19 ans, les moins de 15 ans représentent 39 % de cet effectif. Cependant, dit-elle, cette vitalité se heurte à une réalité plus complexe dans le domaine de l'emploi.  "Malgré une démocratisation croissante de l'enseignement supérieur, le paradoxe est saisissant : le chemin vers l'emploi devient paradoxalement plus sinueux à mesure que l'on gravit les marches du savoir", a-t-elle déclaré. Keiko Mowa note qu’une   étude de 2022 montre que le taux de chômage des personnes hautement qualifiées double celui des personnes ayant une éducation de base. "Cette situation souligne l'urgence de repenser le lien entre les salles de classe et le monde professionnel, tant dans les établissements publics que privés", a-t-elle soutenu. Face à ce défi, la Société financière internationale (IFC) et la Banque mondiale déploient une initiative conjointe jugée innovante. Il s’agit d’un programme visant à accompagner les établissements d'enseignement supérieur dans deux dimensions cruciales : l'amélioration de l'insertion professionnelle et l'accélération de leur transformation numérique. "Cette démarche s'inscrit dans une approche globale du groupe de la Banque mondiale. L'évaluation s'appuiera sur une expertise éprouvée, notamment à travers des initiatives similaires menées en Tunisie, au Ghana, en Jordanie, au Nigeria et en Afrique du Sud", a renseigné Keiko Mowa.

Cette expérience, souligne-t-elle, est renforcée par les programmes Vitae D4TEP de l’IFC qui ont déjà accompagné plus de 150 universités dans les marchés émergents pour optimiser l'adéquation entre formation et emploi. Les volets concernés sont l'analyse des pratiques d'employabilité existantes, évaluation de la maturité numérique des établissements, benchmarking  international et élaboration de recommandations opérationnelles pour renforcer l'insertion professionnelle de diplômés.

Au Sénégal, souligne Keiko Mowa, l'engagement de la Banque mondiale pour un enseignement supérieur en adéquation avec les enjeux d’employabilité s’est concrétisé à travers l’Institut supérieur d'études professionnelles (Isep) de Thiès qui offre une formation  axée sur les compétences numériques et les besoins du marché du travail. "Ces résultats nous ont incités, avec le gouvernement du Sénégal, à élargir notre action à travers le projet Espoir-Jeunes, doté d'une enveloppe de 206,9 millions de dollars cofinancée avec l’AFD. En s'inspirant du modèle de l'Isep de Thiès, ce financement permettra de créer huit nouveaux établissements similaires dans des régions prioritaires", a-t-elle dit.

BABACAR SY SEYE

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