Les observatoires territoriaux relèvent des manquements

L'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) produit régulièrement des rapports, suite à des travaux d’études et des enquêtes menées dans les zones abritant des entreprises minières. Le dernier rapport publié par l’Initiative, dixième du genre, fait l’objet de nombreuses critiques de la part des observatoires territoriaux des secteurs extractifs. Ils notent des insuffisances.
Les observatoires territoriaux des secteurs extractifs (OTSE) ne sont pas satisfaits du 10ème rapport de l’ITIE. Ces démembrements du Forum civil se sont regroupés à Saly Portudal, dans le cadre d’un atelier de consolidation de leurs plans d’actions, sur l’initiative du Forum Civil de créer des cadres de concertation au niveau des collectivités territoriales qui abritent des entreprises extractives. Ainsi, Fatou Tine souligne que la rencontre a été ‘’l’occasion de faire une analyse ainsi que l’exploitation des données de l’ITIE’’.
Dès lors, révèle la Secrétaire Général de l’OTSE de Ngoundiane, ‘’l’ITIE qui veut promouvoir la transparence dans le secteur extractif fait preuve de manquements. Le constat est que le rapport de l’ITIE est purement descriptif, il n’y a pas de commentaires. Et cela ne nous facilite pas du tout l’exploitation des données. Également, pour ce qui est du périmètre de compétences de l’ITIE, nous avons constaté qu’il y a beaucoup d’entreprises qui interviennent dans le secteur extractif, qui récoltent des milliards par année, mais qui ne figurent pas dans le rapport. Certes, on nous dit qu’il y a un chiffre d’affaires qui est recommandé pour que l’entreprise puisse être prise en compte dans le rapport de l’ITIE, mais nous lançons un appel à l’Etat du Sénégal à prendre des dispositions pour que ce montant-là soit revu à la baisse, afin que le maximum d’entreprises soit enrôlé. Nous pensons que lorsque l’on parle de transparence, l’on ne doit pas laisser de détails ».
Selon elle, à côté de l’exploitation, il y a des entreprises qui sont dans la transformation. « Par exemple, illustre-t-elle, à Ngoundiane, il y a des entreprises qui ne sont pas dans l’exploitation, mais qui transforment les minerais. C’est que dans le décret parlant des bénéficiaires effectifs, il est fait cas des entreprises qui interviennent dans la chaîne de valeur. Donc, pour plus de transparence, nous lançons un appel à l’Etat du Sénégal de prendre les dispositions nécessaires pour prendre en compte le maximum d’entreprises ».
Sur cette lancée, poursuit Fatou Tine, « également, le constat est que sur les données publiées par l’ITIE, nous sentons qu’il n’y pas une fiscalité particulière pour les industries extractives, alors qu’au Sénégal les ménages supportent beaucoup de taxes, au moment où on a des entreprises qui récoltent des milliards et qui sont soumises au même régime fiscal que les autres. Donc, il me paraît opportun de voir comment réformer pour créer des sortes d’impôts spécifiques au secteur extractif. Cela nous permettrait, par exemple, de réduire le coût du sac de ciment qui est excessivement cher au Sénégal, alors qu’il y a des entreprises qui sont dans la cimenterie ».
Par ailleurs, explique Fatou Tine très en verve, « l’autre aspect dans ce rapport 2022 de l’ITIE, on ne sent pas certains détails. Par exemple, on ne sent pas exactement la part des collectivités territoriales, alors que c’est un aspect qui devrait y apparaître. Donc, nous lançons un appel à l’ITIE de voir à l’avenir comment donner le maximum de détails dans ses rapports ».
Rendre opérationnels les fonds miniers
Pour ce qui est des fonds miniers qui sont destinés aux populations, elle indique « qu’il faut voir comment les rendre opérationnels. Par exemple, il y a le fonds d’appui au développement local prévu par le code minier de 2016, alors que, jusqu’à présent, il y a des entreprises qui ne s’acquittent pas de ce paiement obligatoire. C’est pareil pour ce qui est des fonds de réhabilitation. On nous dit que l’entreprise qui s’installe et qui commence à exploiter doit ouvrir un compte fiduciaire au niveau de la Caisse des dépôts et consignations pour pouvoir, au moment de son départ, réhabiliter les sites exploités. Maintenant, dans le rapport, on nous a indiqué les montants versés, mais on ne dit pas quelle entreprise a versé et quelle entreprise ne l’a pas fait. Donc, je pense que pour beaucoup plus de transparence et d’assurance pour ces populations qui cohabitent avec ces exploitations-là, on doit avoir des informations claires », recommande Fatou Tine.
Enfin, martèle la SG, « nous lançons vraiment un appel à l’Etat du Sénégal sur certains aspects surtout en ce qui concerne le fonds d’appui et de péréquation destiné aux collectivités territoriales où l’on note des retards, alors que nous avons opté pour une décentralisation pour créer des territoires compétitifs et porteurs de développement durable. Donc, nous devons vraiment voir, avec l’exploitation du pétrole et du gaz, comment renforcer, sur le plan financier, les collectivités territoriales pour véritablement aider les populations qui vivent dans cette situation déplorable, alors qu’elles cohabitent avec des entreprises qui récoltent des milliards par année ».
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)