Ouverture du procès du plus célèbre opposant au régime
Le procès du plus célèbre opposant au régime angolais s'est ouvert mardi à Luanda.
Le journaliste militant Rafael Marques est poursuivi pour dénonciation calomnieuse par sept généraux, dont le bras droit du président angolais José Eduardo dos Santos. D'importantes forces de l'ordre avaient été déployées près du palais de justice en prévision de l'audience dont le juge Adriano Cerveira a confirmé qu'elle se déroulerait à huis clos. La salle d'audience bondée a été évacuée, tandis que l'audience a suivi son cours cinq heures durant avant d'être renvoyée au 23 avril. A la fermeture des portes, une dizaine de jeunes venus soutenir Rafael Marques, icône du combat contre le président angolais, se sont heurtés aux forces de l'ordre. Ils brandissaient des pancartes et scandaient des slogans demandant de "libérer Rafael" et "d'emprisonner les généraux". Plusieurs ont été arrêtés, a constaté l'AFP. La police n'était pas en mesure de confirmer le nombre d'arrestations.
L'affaire, très suivie en Angola comme à l'étranger, remonte à la publication en 2011 au Portugal du livre "Les Diamants du Sang: Torture et Corruption en Angola". Rafael Marques de Morais y accuse les généraux d'avoir cautionné des "crimes contre l'humanité" contre la population de la région diamantifère des Lundas, dans le nord-est de l'Angola. Le journaliste y décrit les tortures et homicides perpétrés par les entreprises d'extraction de diamants ou par leur société de sécurité, détenues par les généraux. La Société minière du Cuango et ITM-Mining sont notamment visées, ainsi que Teleservice en tant que société de sécurité contractée par les deux premières.
Parmi les sept généraux incriminés, figurent un très proche du président José Eduardo dos Santos, le ministre d'Etat et chef de la Maison militaire, le général Manuel Helder Vieira Dias Junior "Kopelipa", mais aussi deux anciens commandants en chef de l'armée.
Tous contestent les accusations de violations des droits de l'homme, tortures et meurtres. "Il n'y a aucun lien entre les Forces armées angolaises et les crimes exposés", a affirmé Joao Manuel, l'un des avocats des généraux, qui demandent des dommages et intérêts de 1,2 million de dollars.
‘’Simulacre d'enquête’’
"La liberté d'expression et d'information a comme limite le respect des droits, de l'intégrité et de l'image d'autrui", a renchéri Fernando de Oliveira, autre avocat des plaignants, représentant la société ITM Mining, qui a porté plainte pour diffamation.
"L'accusé est un défenseur des droits de l'homme qui combat pour la dignité du peuple", a répliqué Luis Nascimento, l'un des avocats de Rafael Marques, dénonçant "le simulacre d'enquête" mené par le ministère public et une "accusation sans fondement" de la part des généraux. Emprisonné 43 jours sans procès en 1999 pour un article accusant le président angolais d'être responsable de la corruption en Angola, Rafael Marques, qui risque cette fois-ci jusqu'à un an de prison, est devenu le symbole de la lutte pour la bonne gouvernance et la démocratie.
Depuis 2008, il dénonce les cas de corruption et de violences contre les citoyens sur son site Maka Angola, une initiative qui fait écho aux aspirations d'une partie de la jeunesse avide de liberté et de justice sociale et qui demande le départ du président, au pouvoir depuis plus de 35 ans. Fin 2012, les généraux avaient déjà porté plainte au Portugal contre le journaliste et sa maison d'édition Tinta da China pour diffamation. Début 2013, le dossier a été classé, la justice portugaise estimant que la publication du livre relevait de l'exercice de la liberté d'expression et d'information. "Les irrégularités de procédure observées depuis l'inculpation de Rafael Marques en janvier 2013 montrent clairement qu'il ne bénéficiera pas d'un procès équitable", a mis en garde la semaine dernière la Fédération internationale des droits de l'homme, alliée à plusieurs autres ONG.
En juin 2012, le ministère public angolais a classé la plainte déposée par le journaliste contre les généraux, visant à les faire condamner pour les crimes décrits dans l'ouvrage, la jugeant "sans aucun fondement".
(jeuneafrique.com)