Publié le 12 Sep 2022 - 22:35
BABACAR MBENGUE (DÉPUTE-MAIRE)

“Cette 14e législature sera une Assemblée de rupture’’

 

Après un séjour aux USA, Babacar Mbengue est revenu au Sénégal. Il s’est engagé en politique, à Hann Bel-Air, en 2000 exactement, entre les deux tours. Militant du développement dans sa commune, il est élu maire en 2009. Depuis, les populations lui font confiance. Il est à son troisième mandat. Il fera également partie des députés que l’hémicycle recevra ce matin. D’ailleurs, il partage ce qui constitue les grands défis de cette 14e législature. Il partage également son avis sur le cumul de mandats.

 

Au-delà du fait que vous venez d'une famille socialiste, qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager en politique ?

Vous savez, c'est peut-être le milieu. Je suis l'un des plus jeunes de la famille. Très tôt, j'ai eu à m'intéresser un  peu à tout ce qui était lié à politique, à certaines valeurs nationalistes. Comme vous l'avez dit, il y a  un peu l'influence du papa et certainement des oncles et de tous les amis qui tournaient autour. Très tôt, je m'étais dit que j'aurais bien aimé un jour m'investir en politique. C’est  pour vous dire que la politique était ma passion. J'ai  commencé à militer en 1992, pendant que j'étais  étudiant  aux États-Unis. Et à un moment donné, quand j'ai  commencé  à travailler, il m'était difficile  de faire les deux. J’étais totalement dévoué à mon boulot. J'étais en poste un peu partout en Afrique et je voyageais dans le monde. C'est  seulement en 2002 que je me suis dit qu’il était le moment  de m’'investir. J'ai eu la chance, le privilège d'avoir été approché par des amis, ici à Hann, qui sont venus me voir, me demandant de m'engager, pour pouvoir m'investir dans le milieu. Et c'est  comme ça que c'est parti.  J'étais candidat en 2002 à la mairie de Hann. On l’a raté de très peu, sous la bannière du CPC. Je me suis représenté en 2009 et depuis, je suis maire de la commune de Hann Bel-Air.

Pourquoi n’avoir pas choisi Rufisque où votre papa a milité, où il est connu et a une base affective ?

C'est  d’abord un défi personnel. J'ai une base naturelle à Rufisque. Que ce soit mon père comme ma mère, ils sont tous les deux  de Rufisque. J'ai toute ma famille du côté paternel comme maternel qui est à Rufisque. Mais aujourd'hui, en voulant passer sur ma trajectoire, je me rends compte que partout où je passe, on ne m'identifie pas comme Babacar Mbengue, fils d’Alioune Badara Mbengue. Ce qui est un honneur pour moi. J'avais un défi personnel, car il me fallait prendre mes marques à Hann, parce que je suis né ici. J'avais déjà ce choix qui me liait à Hann. Pour moi, aller à Rufisque, ce serait un peu continuer les œuvres de papa et il me fallait mes empreintes quelque part. C’est vous dire que c'est un challenge, un défi personnel.

Vous êtes désormais député-maire. Allez-vous garder ce statut, sachant que c’est la coalition Yewwi Askan Wi, sous la bannière de laquelle vous avez été élu, qui disait être contre le cumul de mandats ?

Inch’Allah, je compte exercer pleinement ma fonction de député-maire. Yewwi Askan Wi n'a jamais eu à poser ce débat. Il y a un parti issu de Yewwi Askan Wi qui prônait le non-cumul des mandats. Mais l'entendement que moi j'ai du cumul de mandats. On entend, depuis plusieurs décennies parler de député-maire. Ça existe partout. Vous allez en France, vous en trouverez. Ici, vous avez même des ministres maires.

La plupart des ministres de ce gouvernement sont concernés. Je pense qu'on  ne peut pas avoir un département aussi important qu'un ministère et ensuite pouvoir diriger une localité au point où certains ministres tiennent leur réunion communale à Dakar. Ce n'est pas une critique,  mais c'est un constat. Moi, en ma qualité de maire de Hann, je pense que c'est tout à fait cohérent qu'un parlementaire soit maire. Demain, pour la prochaine  législature, une fois qu'on sera installé, le débat va tourner autour de nos prérogatives. Nous en tant que maires, parce qu’aujourd'hui nul ne peut mieux connaître les problèmes à Hann en tant que parlementaire pour pouvoir le défendre à l'Assemblée.

Moi, j'ai vu des députés voter des lois à l'Assemblée sans comprendre, avoir une idée, la quintessence même de  vote et de l'impact que ce projet aura sur le pays. C'est pour vous dire encore une fois que du point de vu des textes, ils ne l'interdisent pas. Il est interdit d'être ministre député, il est interdit d'être député DG d'une société nationale, mais parce qu'on peut être député et DG d'une entreprise privée. Il y a beaucoup de députés  qui sont des administrateurs de société. Le problème  ne se pose pas, mais la loi, ici, ne l'interdit pas.

Donc, souvent j'entends effectivement des gens intervenir sur le cumul de mandats, mais le cumul de mandats ne pose pas de problème. Ce parti est souverain. Les partis sont libres de dire qu’ils ne veulent pas de cumul de mandats, mais ça n’engage que ceux qui le diront. Mais au sein de Yewwi Askan Wi, il n'a jamais été question, vous pouvez voir les textes, de cumul des mandats. 

Peut-on s’attendre à ce que Taxawu Sénégal, mouvement auquel vous appartenez, puisse avoir son groupe parlementaire ?

Les textes, dans le règlement intérieur de l'Assemblée, ne l'interdisent pas. J’ai parcouru très rapidement les textes, mais dans l'entendement que j'ai aujourd'hui, il faut être à 10 % de la représentation nationale. On est 165 députés. Si on a 17 députés, on peut avoir un groupe parlementaire. Mais on doit être cohérent. Aujourd'hui, on a vendu un produit aux Sénégalais. Quand je dis nous, c'est Yewwi Askan Wi. Nous avons présenté une liste. Wallu a présenté une liste. La logique aurait voulu que ces deux coalitions soient représentées à l'Assemblée, que ce soit Yewwi-Wallu, c'est mon point de vue et je soutiens aujourd'hui cette démarche. Maintenant, si dans Wallu, vous voulez mettre le groupe Taxawu, Pastef, vous voulez mettre un autre groupe, le Pur parce que chacune de ces trois forces a 17 députés, on va créer un précédent dangereux et on risque de fragiliser la coalition. La coalition ne parlera plus d'une voix. Il y a un accord important qui a été trouvé au sein de Yewwi.

Nous irons ensemble à l’élection présidentielle de 2024, mais nous cautionnons une candidature plurielle. Et ça, c'est un accord qui a été scellé. Si trois, quatre candidats issus de Yewwi veulent se présenter, ils pourront le faire. Mais en cas de deuxième tour, les autres partis s'alignent derrière le parti qui est devant. C'est pour vous dire que l'entente est déjà là. Mais si à l'Assemblée nous ne parlons pas d'une  voix, parce qu’avoir un groupe parlementaire, c'est avoir l'avis du groupe Pastef, Taxawu, la division commence à  ce niveau. Et on risque après un an et demi de vie parlementaire de constater qu’il sera difficile de recoller les morceaux pour parler, pour aller se retrouver au sein de Yewwi pour parler. Moi, je pense que du point de vue de la logique et d’un point de vue pratique, aujourd'hui, il faudrait que nous travaillions à avoir un groupe Yewwi et un groupe Wallu ; ce qui est très fort. 

Avant même la mise en place des groupes parlementaires, est-ce que la présidence de l'Assemblée nationale ne risque pas de saper l'unité Yewwi-Wallu, sachant que certains plébiscitent Barthélemy Dias, d’autres soutiennent Mamadou Lamine Thiam, et Ahmeth Aidara se met en avant ?

Nous sommes maintenant et il faut vraiment le dire avec fierté, une vieille démocratie. Il est tout à fait normal, à la veille de l'installation de cette législature qui est une législature de rupture, parce c'est  la première fois que nous ne retrouvons entre force de l’opposition et pouvoir presque au coude-à-coude, que les candidatures se multiplient. Benno Bokk Yaakaar a 83 et  l'opposition 82. Parce que vous avez deux indépendants qui ont clairement dit qu'ils sont issus de l'opposition. Le vote, c'est autre chose. C'est à partir de lundi que nous allons constater les choses. Dès l'instant où vous faites ce premier diagnostic, il est normal, aujourd'hui, que les candidatures surgissent de partout. Aujourd’hui, on parle d’Ahmeth Aïdara, le lendemain de Lamine Thiam, ensuite de Barthélemy Dias et demain, certainement, d'un autre. Mais pour moi, le plus important c'est qui sera présenté le 12 septembre à 10 h. Est-ce qu'on a trouvé une stratégie ? Je pense que c'est le cas. Parce que là, nous sommes dans la phase déterminante où les leaders se parlent. Déjà chez nous, on a prévu un séminaire dans les prochains jours où l'ensemble des députés de l'intercoalition se retrouvera et nous parlerons d'une voix.

C'est pour vous dire que pour le moment, rien n’est joué. Mais j'ai espoir et je suis convaincu d'ailleurs que nous allons avoir un candidat pour l'intercoalition Yewwi-Wallu. 

On va installer les nouveaux députés ce lundi matin. Pour vous, quels sont les grands défis pour cette 14e législature à laquelle vous participez ? 

Alors, les grands défis… Tout à l'heure, je vous parlais de législature de rupture. Oui, parce qu’on a tous suivi cette majorité mécanique à l'Assemblée et il y a un autre fait qui est souvent constaté, c'est le taux d'absentéisme qui est très élevé. Ça, c'est l'inconvénient de la majorité mécanique. Parce que quand vous avez 130 députés et que l'opposition se retrouve avec 30 députés, ça pose un problème. Aujourd’hui, on est à 83-82. Ce qui veut dire que le débat sera objectif à l'Assemblée. Ce n'est plus n'importe quel projet de loi qui va venir passer comme unilatéral à La Poste. Parce que certains projets de loi, il faut les faire passer au 2/3. Sur les 165, il faut avoir au moins  110 voix pour que ça passe. Ce qui n'est plus le cas. Il y aura un débat  qui va s'installer.

 L'autre élément qui est important, c'est le taux d'absentéisme. Nous avions constaté, comme tout le monde, souvent des images où vous avez l'impression qu'au sein de l'hémicycle, on n’a qu'une cinquantaine de députés. Et ça choquait souvent l'opinion par des images qui circulaient sur les réseaux sociaux, ou vous avez une presse qui mettait ça à la une. L'autre élément qui est important, c'est le débat opposition-pouvoir  à la veille de l’élection présidentielle où il est question de traiter trois points. Le premier, c'est la candidature du président pour un troisième mandat ou pas. Les deux autres points, c'est la candidature et la participation de Khalifa Ababacar Sall  et de Karim Wade.

C'est pour vous dire que de ce point de vue, il est clair qu’on va aller vers des propositions de loi. Ça, les élus issus de l'opposition y travailleront certainement, soutenus par des députés issus de la majorité. Quand je dis que le débat sera objectif, il sera enfin question de dire que nous sommes là pour le peuple et donc pas de dire que je suis un député  de Khalifa ou de Macky  Sall. Je pense déjà que c'est  une rupture, le discours va changer et le débat sera à un certain niveau. Parce qu'on a souvent eu des prises de parole de certains parlementaires où l’on s'est demandé si c'est important même de prendre la parole, de faire certaines interventions devant tout le monde. 

On  annonce déjà Khalifa 2024. On comprend un peu mieux sur quoi vous vous basez, mais si aujourd'hui ce projet de loi ne passe pas, est-ce qu'on peut s’attendre à ce que Barthélemy Dias  soit mis en avant ?

Le débat, il ne faut pas en faire un  débat de personnes. Barthélemy Dias lui-même a dit que son candidat c'est Khalifa Ababacar Sall. Barthélemy Dias se bat nuit et jour pour la participation de Khalifa Ababacar Sall. Barthélemy Dias a  eu lui-même et il n'a plus à le prouver que c'est  un symbole de fidélité, de courage, d'engagement. Aujourd'hui, c'est quelqu'un qui s'est pleinement investi pour Khalifa Sall. Aujourd'hui, il  s'agit de créer des conditions pour une participation de notre candidat Khalifa Sall. En tout cas, nous travaillons à ça, inclus notre camarade, ami et frère Barthélemy Dias et d'autres et que ce soient des gens de la société civile, notre ami Cheikh Guèye, les militants de Taxawu de manière générale et comme ceux de la société civile. Maintenant, c'est le Conseil constitutionnel qui va valider les candidatures. C'est un processus. Une fois qu'on arrivera à ce stade, on ose espérer que Khalifa sera candidat. Mais comprenez que c'est  le seul moment où l’on pourra avoir la confirmation de qui sera candidat. Mais avant cela, personne ne pourra vous dire que la candidature de Khalifa sera retenue ou pas.

B. BOB et FATOUMATA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)

 

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