Publié le 23 Dec 2023 - 02:20
CONGRÈS D’INVESTITURE AU PROFIT D’AMADOU BA

PS ET AFP : de forces de propositions à partis de contribution

Le choix du PS et de l’AFP d’investir Amadou Ba candidat de Benno Bokk Yaakaar semble hypothéquer l’avenir de ces deux formations de gauche qui n’ont plus présenté de candidat depuis la Présidentielle de 2012. Le maintien d’une candidature de l’APR au profit de BBY risque, à terme, de couper les directions de l’AFP et le PS de leur base militante qui réclame leur propre candidat.

En choisissant d’investir le Premier ministre Amadou Ba candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) pour la Présidentielle 2024, le Parti socialiste (PS) et l’Alliance des forces de progrès (AFP), deux piliers de Benno Siggil Senegaal, ont sans doute tiré un trait sur leurs ambitions politiques. Du moins selon des observateurs.

Ces deux formations qui constituent l’essentiel des forces alliées de l’Alliance pour la République (APR) au sein de Benno, semblent avoir renoncé à offrir un projet politique cohérent et ambitieux aux Sénégalais. Ainsi, pour la deuxième fois de suite, l’AFP et le PS ne présenteront pas de candidat au scrutin présidentiel. Un manque de prise de risque et d’audace qui risque de nuire à leur attractivité sur l’échiquier politique. Des formations politiques qui apparaissent au gré de leur évolution au sein de Benno comme des partis de contribution de l’APR plutôt que des forces de propositions.

Ce phénomène de désertification dans les rangs du Parti socialiste et de l’AFP pourrait, sur le long terme, s’amplifier. Les épouvantails de Taxawu Sénégal pour le PS et du Grand parti pour l’AFP apparaissent de plus en plus comme des attraits pour beaucoup de militants nostalgiques de la grandeur de la maison du parti du président Léopold Sédar Senghor.
En outre, la question de la désignation d’un candidat a fait l’objet de larges concertations internes.

Mais, selon Aminata Mbengue Ndiaye, le parti a finalement décidé de retenir l’option de rester dans BBY. “Dans une démarche propre à l’histoire de notre parti, attachés que nous sommes à la transparence, au dialogue et à la démocratie, la question de la désignation de notre candidat a fait l’objet de larges concertations internes et l’option de désigner un militant issu de nos rangs a même été évoquée. Cependant, les conclusions issues du séminaire organisé par le Bureau politique, les 11 et 12 février 2023, suite à des échanges constructifs et un débat ouvert et franc, ont recommandé la confirmation de l’ancrage du Parti socialiste au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar’’, a fait savoir l’ancienne mairesse de Louga.

Ce choix conjugué à l’absence de projet politique et de renouvellement des instances semble avoir précipité le parti dans une certaine léthargie avec comme seule perspective l’accès à certains postes ministériels ou la direction d’une institution publique (HCCT). L’empirisme de l’APR ne laissant peu de perspectives aux cadres socialistes obligés souvent à s’effacer ou à s’exiler vers d’autres partis pour assouvir leurs ambitions. Les départs de certaines personnalités socialistes comme Khalifa Sall (Taxawu Sénégal), Aissata Tall Sall (Osez l’Avenir) et Moussa Bocar Thiam (APR) illustrent cet état de fait.

Pis, d’autres observateurs estiment que si la nouvelle direction ne redresse pas la barre, le parti ancré depuis 2012 dans BBY risque de connaître un fort déclin pouvant le réduire à une faible expression dans le champ politique sénégalais.

Quant à l’AFP qui a aussi investi Amadou Bâ, le Premier ministre est fortement identifié à son leader Moustapha Niasse depuis la fondation du parti en 1999. Ce dernier devenu entre-temps un des caciques de Benno Bokk Yaakaar, a vu son influence décroitre au sein de la coalition présidentielle au fil des années au gré de l’appétit vorace des républicains soucieux de vouloir truster tous les postes. L’AFP ne compte que deux députés au sein de cette 14e législature. Le parti, qui manque d’un ancrage national solide, a finalement décidé de s’arrimer à la remorque de l’APR, véritable locomotive de Benno.

Risque de scission entre la classe dirigeante et la base militante pour la Présidentielle de 2024

Au congrès d’investiture, Amadou Ba n’a pas hésité à saluer l’importance de l’AFP au sein de Benno qui repose sur un ‘’compagnonnage étroit et sincère entre les responsables de l’Alliance des forces de progrès et le président de la République Macky Sall qui transcende les clivages partisans et qui sert l’intérêt supérieur du Sénégal’’.

Moustapha Niasse, fondateur et secrétaire général de l’AFP, n’a pas officiellement annoncé sa retraite politique, mais son ombre tutélaire plane toujours au-dessus du parti. Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’UGB, estime que le grand risque pour l’AFP est la dislocation avec la disparition progressive au sein des instances du parti de Moustapha Niasse, fait-il savoir dans les colonnes du quotidien ‘’l’Indépendant’’. Le départ de Malick Gackou et d’autres dissidents, sans oublier la candidature d’Aliou Sarr, ancien ministre du Commerce, ont aussi affaibli l’AFP.

En outre, le maintien de l’AFP au sein de Benno peut aussi, à terme, couper la direction de la base dirigeante qui veut une candidature progressiste porteuse d’un projet politique pour la Présidentielle.

Selon l’analyste Mamadou Sy Albert, ces choix du PS et de l’AFP de ne pas présenter de candidat sont incompréhensibles, car Moustapha Niasse avait promis un candidat progressiste en 2024. ‘’Il est inconcevable que les deux partis de sensibilité sociale-démocrate puissent ne pas être représentés lors de ce scrutin. Même s’ils sont conscients de leur faiblesse et de leur incapacité à remporter le vote présidentiel, le bon sens politique pourrait les conduire à faire émerger un candidat unitaire issu d’un pôle de gauche regroupant toutes les formations de gauche au sein de Benno. Ainsi, ils auraient pu juger de leur poids sur l’échiquier politique sénégalais’’, affirme-t-il.

D’après Sy Albert, ce choix de se ranger derrière Amadou Ba, qui n’est même pas le chef de l’APR, témoigne d’un profond déclin de ces deux partis qui s’arc-boutent sur des logiques de préservation d’avantages d’une classe dirigeante. ‘’Je pense que la base militante de ces deux partis ne peut pas se satisfaire d’un candidat libéral comme Amadou Ba. Ils auraient pu obtenir plus de crédibilité auprès de leur base en proposant un candidat issu de leurs rangs afin de redynamiser les activités au sein de leurs formations politiques respectives”, conclut-il.

Mamadou Makhfouse NGOM

Section: 
LOI DE FINANCES 2024 : Le régime engage la course contre la montre
GRÈVES DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ ET DANS LES UNIVERSITÉS : Le régime face à un front social en ébullition
3E ALTERNANCE : La gauche invitée à accompagner le nouveau régime
JOURNÉE NATIONALE DES DAARA : Le ministre de l'Éducation nationale en tournée dans les foyers religieux
SUPPRESSION DES VILLES : Diomaye-Sonko acte-t-il la volonté de Macky Sall ?
OUSMANE SONKO AUX DÉPUTÉS DE PASTEF : ‘’Cette Assemblée nationale doit réconcilier les Sénégalais avec l’organe parlementaire’’
ASSANE DIOMA NDIAYE SUR LE MANDAT DE LA CPI CONTRE NETANYAHU ET CONSORTS : ‘’Le Sénégal, en tant que signataire du Statut de Rome, a l’obligation de respecter ses engagements internationaux’’
LEADERSHIP PARLEMENTAIRE : Les alliances cachées et les ambitions dévoilées
CRISE POLITIQUE AU MALI : Le limogeage de Choguel Maïga, symbole des fractures au sein de la junte
RÉSULTATS PROVISOIRES DES LÉGISLATIVES : La suprématie de Pastef confirmée
GESTION DES RESSOURCES NATURELLES : Haro sur le pillage 
PR. ALIOU THIONGANE - CADRE PASTEF MATAM : ‘’La restructuration du parti s’impose à Matam’’
Moustapha Diakhaté convoqué
THIÈS : La coalition Pastef rafle toutes les 15 communes
ASSEMBLÉE NATIONALE : Le projet de loi de finances pour 2025 finalisé dans les prochains jours
MARCHÉS DE L’ARACHIDE : L’État cherche un consensus  
Pikine
LÉGISTATIVES 2024 : Unité égarée : L'échec des coalitions de l'opposition
LÉGISLATIVES À MÉDINA YORO FOULA ET À VELINGARA : Pastef obtient 15 081 voix, soit plus de 53 % des suffrages
LÉGISLATIVES EN MAURITANIE ET EN AFRIQUE DU NORD : La razzia de Pastef et le faible taux de participation