Publié le 1 Mar 2024 - 10:50
CRISE POLITIQUE

Partir à tout prix !

 

En quelques jours, le président de la République aura réaffirmé plusieurs fois sa volonté ‘’ferme’’ de quitter le pouvoir le 2 avril. Par-là, Macky Sall espère lever la contrainte constitutionnelle pour une tenue de l’élection au-delà du 2 avril, tout en matérialisant sa volonté d’une reprise de la liste. Mais sa stratégie doit forcément être validée par le Conseil constitutionnel qu’il a promis de saisir pour requérir son avis.

 

On ne compte plus le nombre de fois que le président de la République Macky Sall a annoncé que le 2 avril, il va quitter ses fonctions à la tête du Sénégal. Hier, sur son compte X (ex-Twitter), il a encore tenu à le rappeler. Ce, malgré les conclusions du Dialogue national qui lui demandent de rester jusqu’à la désignation de son successeur. ‘’Le Dialogue national a proposé le 2 juin 2024 comme nouvelle date de l’élection présidentielle au Sénégal. Je remercie les forces vives pour ces assises. Toutefois, je tiens à préciser que je quitterai mes fonctions au terme de mon mandat le 2 avril, comme je l'ai déjà indiqué. La date de mon départ reste absolument ferme’’, insiste-t-il.

À en croire son ‘’ami’’, le journaliste Madiambal Diagne, cette décision du chef de l’État ‘’est irrévocable’’. Macky Sall, informe-t-il, lui a annoncé ‘’qu'il va écrire au Conseil constitutionnel ce 1er mars 2024 pour préciser qu'il quitte ses fonctions au terme de son mandat et qu'il invite le Conseil constitutionnel à installer un président intérimaire à la date du 2 avril 2024’’.

C’est la nième fois que le président de la République, depuis la décision du Conseil, tient ce genre de propos. Comme pour convaincre son auditoire qu’il a hâte de partir. 

Face à des médias sénégalais il y a quelques jours, il l’a martelé une dizaine de fois. Au moins huit fois, rien que dans la version française. À chaque fois, il a tenu à montrer sa grande fermeté sur la question. ‘’Le 2 avril 2024, soulignait-il dès l’entame de l’entretien, avant même les questions des journalistes, sera le terme de mon mandat à la tête du pays et la fin de ma relation de contrat avec le peuple sénégalais en tant que président de la République. Je voudrais que ce débat soit tranché. D’ailleurs, c’est un débat qui n’avait pas sa raison d’être. Mais dans notre pays, tout le monde est expert en tout et on a voulu me faire un procès d’intention, pour me prêter des ambitions qui ne sont pas les miennes’’.

Pourquoi partir ?

Le long de l’entretien, le chef de l’État réitérera le même vœu, avec parfois des mots très forts, comme s’il voulait coute que coute convaincre de sa bonne volonté. ‘’Je dis ici très clairement et très nettement que le 2 avril, ma mission se termine à la tête du Sénégal. Il faut que cela soit très clairement étayé’’.

Pour ceux qui n’ont jusque-là pas compris, Macky Sall avait tenu à s’expliquer autrement. ‘’Ayant prêté serment le 2 avril 2019, le 2 avril boucle les cinq années calendaires. Donc, c’est la fin du mandat. Et moi je compte m’en arrêter à ce mandat’’.

Dans la même logique, toujours dans la version française de l’interview, il répétait, tout en affirmant que la continuité de l’État sera assurée. ‘’Je compte, après le 2 avril, quitter mes fonctions de président de la République. Maintenant, il est clair que le pays ne peut pas rester sans président de la République. Le dialogue va faire sa proposition. S’il y a un consensus, tant mieux. Après le dialogue, le Conseil pourrait être amené à clarifier’’.

En ce qui le concerne, selon lui, ‘’il n’a jamais été question de dépasser le terme de (son) mandat constitutionnel, malgré les procès d’intention’’.  Et d’ajouter : ‘’Je m’en tiens à cela et je le dis très clairement et très solennellement : le 2 avril, je vais terminer ma mission à la tête du Sénégal.’’

Par ces mots, le président de la République est convaincu qu’il n’y a plus aucun obstacle juridique pour que l’élection se tienne au-delà du 2 avril. À ceux qui estiment que le Conseil lui avait enjoint d’organiser l’élection avant le 2 avril, il rétorque sur un ton ferme : ‘’Je veux faire clairement la dichotomie entre l’élection et la fin du mandat. C’est deux choses liées, mais qui sont différentes. Le 2 avril, le président finit son mandat ; c’est clair pour tout le monde. Mais l’élection peut se tenir avant ou après le 2 avril. Tout dépendra de ce que les acteurs décideront à l’issue des concertations. Ou s’il n’y a pas de consensus, de ce que le Conseil, qui est l’arbitre constitutionnel, va décider.’’

‘’S’il y a consensus validé par le Conseil, je peux me sacrifier’’

Malgré cette décision ferme, le chef de l’État ne ferme pas toutes les portes pour une possible reconduction. À l’entendre, il ne cracherait pas sur une telle demande, s’il y a un large consensus validé par le Conseil constitutionnel pour qu’il assure l’intérim jusqu’à l’entrée en fonction de son successeur. Il parle de sacrifice. ‘’Dès lors que ce que dit la Constitution dans son article 36 al 2 ne fait pas l’unanimité, moi je n’ai pas envie, pour tout ce que j’ai fait pour ce pays comme efforts pour le développement économique et social du Sénégal, ce que j’ai fait comme sacrifices pour mettre le pays là où il est aujourd’hui, je ne veux pas être l’objet de polémiques stériles par rapport à des ambitions qui ne sont pas les miennes. Donc, je considère avoir fini mon travail à la tête du pays à la fin du mandat’’. Macky Sall s’est voulu très clair sur ce point. ‘’Il n’y a que deux options possibles : soit les acteurs trouvent un consensus, je peux me sacrifier ; je le ferai pour l’intérêt supérieur de la Nation. Parce que je suis pressé de partir. S’il n’y a pas de consensus, je vais écrire au Conseil pour lui demander de désigner celui qui va nous succéder à partir du 2 avril’’, s’est-il justifié.

Ainsi, à travers ces discours répétés, le chef de l’État tient à convaincre les plus sceptiques que c’est contre son gré qu’il a été amené à annuler l’élection qui devait se tenir le 25 février. ‘’Je suis convaincu que si nous avions continué en fermant les yeux sur ce qui était en train de se faire, nous pourrions le regretter. Dieu seul sait et l’histoire pourra nous juger par rapport à ce qui a été fait et aux actes qui ont été posés’’, réagissait-il aux questions des journalistes. Tout en affirmant : ‘’Moi, je l’ai fait au détriment de ma réputation ; je l’ai fait au détriment de ma propre personne. Mais je sais et c’est pourquoi j’insiste sur l’inclusion. Si on ne veut pas d’un processus ouvert, transparent et inclusif, nous pourrons vivre des conséquences qui ne seront pas les meilleures pour notre pays. Maintenant, si le problème c’est le président de la République, lui le 2 avril, il va terminer sa mission. Ce n’est donc plus un sujet.’’

À en croire le président de la République, avec cette nouvelle donne, le Conseil constitutionnel devrait valider la date fixée au-delà du 2 avril, parce qu’il n’y a plus de violation des articles 27 et 103, selon son interprétation.

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

L’épée de Damoclès !

Avec ce départ programmé, le président de la République et son gouvernement semblent convaincus qu’il n’y a plus d’obstacle à la réalisation de leur vœu : tenue de l’élection au-delà du 2 avril, revoir la liste des candidats. À partir de là, la question qui se pose est de savoir qui pour assurer l’intérim après le 2 avril ?

Pour le journaliste Madiambal Diagne, le président saisit le Conseil dès ce vendredi pour lui demander son avis sur la question. Deux hypothèses sont envisageables. Soit le Conseil estime qu’il y a vacance du pouvoir et recourt à l’article 31 alinéa 2 de la Constitution. Soit il décide que nous sommes dans une situation exceptionnelle et fixe les nouvelles règles du jeu.

En ce qui concerne l’article 31 al 2, il prévoit : ‘’Si la présidence est vacante par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les 60 jours au moins et 90 jours au plus, après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel.’’

Dans ce cas, c’est une nouvelle élection qui va être organisée et le processus sera forcément repris, avec de nouvelles candidatures.

Seulement, cet article ne prévoit pas, parmi les conditions de réalisation de la vacance, l’arrivée à terme du mandat du président en cours. Il ne prévoit que la démission, le décès et l’empêchement définitif. D’ailleurs, selon certaines informations, le chef de l’État n’écartait pas l’hypothèse de la démission pour provoquer la reprise du processus. S’il ne le fait pas, il va laisser au Conseil la faculté de définir les règles, y compris le maintien ou non de la liste des candidats.

À entendre le ministre de l’Intérieur Maitre Sidiki Kaba qui précise que le dernier mot appartient au Conseil, si le président quitte ses fonctions à la date du 2 avril, le processus doit être repris. ‘’En examinant cette situation, on (le dialogue) a dit qu’on va demander au président de la République de rester pour assurer l’intérim, si le Conseil constitutionnel est d’accord. Tout ce que j’ai dit, ce sont des recommandations du dialogue que nous allons présenter au président lundi. Ce dernier va saisir le Conseil constitutionnel. Si le Conseil est d’accord, il prend le décret’’.

Il ajoute : ‘’Soit le conseil dira, qu’avec l’article 36/2, le président de la république ne peut pas partir, vous allez rester pendant 2 mois pour que vous puissiez remettre la clé au président qui sera démocratiquement élu. Ou bien, le conseil constitutionnel constate qu’il y’a vacance de pouvoir et c’est le président de l’Assemblée nationale qui devient automatiquement président de la République’’. A ce propos, Me Kaba souligne que le président de l’Assemblée nationale sera tenu d’organiser l’élection dans un délai de 60 à 90 jours. Il précise que, dans ce cas de figure, il n’y a plus de liste de 19 candidats. ‘’Il faudra dès lors, procéder à la reprise de tout le processus et la réouverture de toutes les candidatures. C’est ce qui va se passer’’, indique le ministre, si c'est le président de l’Assemblée nationale qui organise l’élection.

Autrement dit, les acteurs doivent choisir entre les propositions du Dialogue national qui préconisent la préservation des droits acquis et une ouverture partielle ou bien l’éventualité d’une reprise de tout le processus.

MOR AMAR

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