Publié le 9 Feb 2024 - 12:18
DÉBAT SUR LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE  

L’art engagé, une arme à double couteau 

Youssou Ndour (Archives)

 

Ils sont nombreux les internautes sénégalais à s’en prendre ou à adouber les artistes qui ont pris position dans le débat autour du report de la Présidentielle. À l’heure des réseaux sociaux, la parole des artistes et des leaders d’opinion et stars est attendue par l’opinion publique qui leur exige de prendre position sur tel ou tel sujet.

 

Plus de 640 000 vues et 1 200 commentaires : c’est l’audience du tweet de Youssou Ndour du 5 février 2024. Un post qui montre à bien des égards que les positions des artistes ne laissent personne indifférent. ‘’La situation du pays m’inquiète. Sans équivoque, je ne suis pas d’accord avec le report de l’élection présidentielle…’’, dixit le leader du Super Étoile.

Longtemps critiqué par certains pour sa complaisance avec le pouvoir et face aux ‘’dérives autoritaires’’ de Macky Sall, l’ancien ministre de la Culture est sorti du bois pour dénoncer le report. Une attitude qui a suscité un vif débat sur la toile. Certains saluant sa position, tandis que d’autres mettant en avant son devoir de neutralité en tant qu’artiste.

Même si, au Sénégal, on a une longue tradition d’engagement des artistes avec le groupe de rappeurs de Y en a marre et de plusieurs autres artistes lors des émeutes de mars 2021, le débat continue de diviser l’opinion publique.

L’accès facile des réseaux sociaux a contribué à promouvoir ce phénomène, comme le pense le rappeur Xuman : ‘’Les outils de communication digitale ont démultiplié la portée des messages ou de la parole. Une vidéo ou un tweet peuvent atteindre les quatre coins du monde en une fraction de seconde.’’

En effet, dans ce microcosme d’acteurs culturels, les positions politiques ou sociales sont aussi diverses que les genres musicaux. Chacun a son camp. Même si un bon nombre préfère être neutre publiquement, mais en privé, ils soutiennent des idéaux, des idéologies ou des convictions.

Dans ce rapport entre les artistes et leur public, on constate que certains fans ne se contentent pas de l’aspect ludique. Pour eux, il y a une certaine attente en phase avec leurs évolutions ou changements sociaux.

Aux États-Unis, les musiques noires (rap, jazz) ont toujours eu un engagement politique trop fort en faveur des droits des Noirs. D’autres n’en ont cure. Ils se limitent à la distraction. Les autres facettes de l’artiste ne les intéressent point.

 C’est le cas de Ndèye Khady Sarr qui est un fan de Youssou Ndour depuis une dizaine d’années. ‘’Son engagement ou ses positions politiques ne m’ont jamais intéressée. Je prends du plaisir à écouter ou à regarder ses tubes’’.

Effet de l’artiste Taylor Swift

Cependant, la journaliste Jennifer Padjemi, autrice de ‘’Féminisme et Pop culture’’, estime qu’il n’y a pas de relations anodines entre l’artiste et son public, et qu’il puisse y avoir une influence directe ou subtile. ‘’Les objets culturels qu’on consomme ont forcément un impact sur nous. Les œuvres artistiques consommées peuvent avoir des impacts sur le plan politique’’, décrypte-t-elle sur les ondes de RFI.

Pour rappel, lors des élections de mi-mandat en 2018, aux États-Unis, la pop star Taylor Swift avait poussé plus de 250 000 personnes à s'inscrire sur les listes électorales. Soit autant qu’en deux mois. À tel point qu'on parlait déjà d’’’effet Swift’’.

Toutefois, le public n’est pas toujours passif ; les admirateurs peuvent parfois être actifs et décoder les messages de leurs artistes. Leur engagement politique ou social peut être différent de ceux de leurs artistes.

Dans certains cas de figure, les fans peuvent se retourner contre leurs artistes. ‘’Mon engagement est remis en cause aussi bien par les gens du pouvoir que ceux de l’opposition. Mais il est plus facile de tirer sur le régime que l’opposition. Plusieurs rappeurs ont été victimes d’insultes et de calomnies en raison d’une audience qu’ils ont eue au palais. C’était une rencontre purement professionnelle’’, se désole l’ancien membre du groupe de rap Pee Froiss.

C’est ce risque que certains artistes ou célébrités ne veulent pas courir, au risque d’être exposés. Ils préfèrent alors rester distants aux sujets brûlants. En France, Karim Benzema a été victime d’attaques racistes, lors de son soutien à la Palestine. Kanye West a subi les affres des insultes de milliers de fans lorsqu’il a soutenu publiquement Donald Trump. Au Sénégal, le chanteur rufisquois, Mame Gor Djazaka, proche du président Macky Sall, a vu en novembre 2020 quelques exemplaires de CD de son album brûlés par des étudiants à l’université Cheikh Anta Diop (Ucad) en protestation contre son soutien au chef de l’État.

Plusieurs acteurs de la société : gouvernements, journalistes ou simples citoyens pensent que l’artiste doit rester dans son champ d’action. C’est-à-dire remporter des prix, remplir son rôle. Il ne doit pas sortir de son cadre d’expression culturelle ou sportive.

Une idée que réfute le journaliste culturel Aboubacar Demba Cissokho. ‘’L’engagement politique ou social est un principe intangible dans le domaine de l’art et de la création. C’est une liberté fondamentale. L’artiste a des opinions sur le plan politique et social. C’est un citoyen comme les autres. Il peut prendre position et militer. Les gens se trompent ; les artistes sont des citoyens comme les autres. Leur avis en tant que citoyen ne doit pas compter moins que leur positionnement en tant qu’artiste’’.

Amadou Camara Gueye

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