Toute personne impliquée sera devant la justice, selon le Proc de la République
Amadi Diouf, le procureur de la République, a informé, hier, à travers une note, qu’il a demandé aux enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic) chargés de ce dossier, de lui signaler à l'issue des enquêtes toute personne dont la responsabilité peut être engagée de façon indiscutable pour une quelconque infraction en rapport avec les faits dénoncés. Lesquelles personnes, selon Amadi Diouf, seront rigoureusement traduites devant les juridictions et punies conformément à la loi.
Hier, à la suite du dépôt de plaintes par des citoyens et du collectif Sunuy milliards dou ress, le ministère public a publié un communiqué pour faire l’état des lieux sur les détournements des fonds destinés à la Covid-19. Dans la note, il a informé qu’à la suite de la saisine du garde des Sceaux, ministre de la Justice, par la Cour des comptes, le parquet de céans a été subséquemment destinataire du rapport définitif de cette cour portant contrôle de la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19, pour la gestion 2020-2021, audit dont la mission consistait à passer en revue et à vérifier, au-delà des actes de gestion, si les ressources mobilisées ont été utilisées conformément à la réglementation en vigueur et aux principes de bonne gestion.
Ledit rapport, qui se fonde sur les pouvoirs et les compétences de la cour tels qu'il résulte de la loi organique 2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des Comptes, a expliqué le procureur de la République, a fait des recommandations tendant à l'ouverture de poursuites judiciaires à l'encontre de personnes nommément désignées auxquelles la cour impute un ensemble de manquements tenant, entre autres fautes, à des violations manifestes du Code des marchés publics, nonobstant les dérogations contextuelles prévues, des ouvertures de comptes bancaires sans autorisation du ministre des Finances et contraires à la réglementation régissant les banques et établissements financiers, des surfacturations sur les prix, des paiements en espèce supérieurs aux montants autorisés, des dépenses non justifiées et des soustractions, détournements et actes de blanchiment de capitaux.
La cour, dans le cadre de ses avertissements, soulignait, par ailleurs, que les faits relatés dans le rapport définitif sont, selon Amadi Diouf, des présumés constitutifs de fautes de gestion ou d'infractions pénales.
À ce titre, a-t-il poursuivi, il importe de rappeler que douze recommandations tendant à l'ouverture d'une information judiciaire ont été adressées au garde des Sceaux, ministre de la Justice. ‘’L'analyse des informations contenues dans le rapport faisant présumer de potentielles violations de la loi et l'existence d'infractions pénales, notamment des atteintes aux deniers publics et autres infractions assimilées telles que la corruption et l’abus de fonction.
J'ai demandé aux unités de la police judiciaire de la Division des investigations criminelles, dans le respect des principes directeurs de la procédure pénale et les droits des mis en cause d'ouvrir, conformément aux dispositions des articles 67 et suivants du CPP, des enquêtes préliminaires aux fins de constater la matérialité des faits dénoncés, d'en rassembler les preuves, d'élucider les circonstances qui ont entouré les actes sus évoqués et d'identifier, s'il y a lieu, l'ensemble des auteurs et des personnes qui ont facilité ou aidé à la commission des faits ou profité d'une manière ou d'une autre des produits du crime. Ces enquêtes, au regard de la gravité des faits dénoncés et de la nature des fonds en question, devront être débutées sans délai et conduites avec célérité, ainsi qu’une grande rigueur aussi bien professionnelle que procédurale’’, a annoncé le maitre des poursuites.
Le procureur souligne que ces enquêtes qu’il a décidé de faire engager, ‘’justifiées par les dispositions des articles 2 et suivants du Code de procédure pénale, revêtent, au vu de ce qui précède, une importance capitale en tant qu'elles permettent, à terme, de sanctionner et de dissuader des faits qui sont d'autant plus graves qu'ils perturbent gravement l'ordre public économique et l’ordre public de manière générale’’.
‘’De plus, les actes dénoncés qui marquent de fortes suspicions de captation de ressources par des fonctionnaires censés servir l'intérêt public défigurent et sapent les efforts de l'État dans ses initiatives tendant à offrir des services de base (eau, santé, assainissement, éducation, etc.) aux couches les plus vulnérables de la société, outre qu'ils diminuent nos capacités communes à promouvoir des politiques publiques efficientes. En plus d'annihiler la confiance que les populations doivent nourrir dans un cadre républicain à l'endroit des institutions publiques.
C'est pourquoi, conformément aux engagements internationaux et régionaux que le pays a souscrits à travers particulièrement la Convention des Nations Unies contre la corruption adoptée à Mérida (Mexique) le 9 décembre 2003, la Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003 et le Protocole AP/P3/12/01/ de la CEDEAO portant sur la lutte contre la corruption adopté à Dakar, le 21 décembre 2001, j’ai demandé aux officiers de police judiciaire de me signaler, à l'issue des enquêtes, toute personne dont la responsabilité peut être engagée de façon indiscutable pour une quelconque infraction en rapport avec les faits dénoncés, lesquelles personnes seront rigoureusement traduites devant les juridictions et punies conformément à la loi.
Ces instruments sus évoqués invitent les états parties à ouvrir des enquêtes pour tous les actes de corruption d'agent public ou du secteur privé et pour les infractions qui leur sont assimilées, notamment le détournement, la soustraction, le vol, le recel de deniers publics, la surfacturation, le trafic d'influence et le blanchiment de capitaux. De plus, et dans le même esprit, des enquêtes de patrimoine devraient être judicieusement engagées par les enquêteurs, dans le sens de faciliter le recouvrement des avoirs et de tracer, au besoin, les produits du crime, dès lors qu'il est établi que les ressources du fonds de riposte proviennent des réajustements du budget de l'État, de contributions volontaires motivées par l'élan de solidarité des citoyens et du concours des partenaires techniques et financiers’’, a juré le procureur de la République.
‘’Qu’on ne rejette pas tout que sur des fonctionnaires. Il faut que toutes les chaînes de responsabilités soient situées jusqu’aux ministres’’
Du côté du collectif Sunuy milliards dou ress, on se désole que le procureur ait attendu que des citoyens sénégalais réengagent le combat pour que le travail juridique soit fait sur ce dossier. Ils ne comprennent pas que la machine ne soit mise en marche qu’après l'initiative d’une plainte.
Selon Aliou Sané, dans un pays, un État, une justice qui se respectent, il ne devrait pas attendre cela. D’autant plus, selon lui, qu’ils ont eu tout le temps de le faire. D’ailleurs, le premier acte qui aurait dû être posé, à ses yeux, est la prise de mesures administratives, c’est-à-dire la suspension de toutes les personnes qui sont mises en cause dans cette affaire de leurs fonctions. ‘’Ce qui n'a pas été fait. Donc, nous n’accepterons pas qu’on nous jette de la poudre aux yeux. Nous allons continuer d’être vigilants dans cette lutte. Nous avons déposé cette plainte. Le combat va continuer. Dans quelques jours, nous allons appeler la presse pour partager le reste de notre plan d’action, parce qu’il n’est pas question que ce rapport de la Cour des Comptes connaisse le même destin que toutes les autres dizaines de rapports qui dorment dans les tiroirs du procureur de la République. Nous sommes déterminés à nous battre pour le peuple, pour que ce qui doit être fait soit fait et que la justice pour une fois fasse son travail. Cette justice qui est très expéditive quand il s’agit d’activistes, d’opposants politiques. Il faut user de la même diligence conformément aux exigences du peuple sénégalais, pour que ceux qui doivent être arrêtés le soient. Qu’il n’y ait pas de boucs émissaires surtout’’, a demandé le coordonnateur du mouvement Y en marre.
Avant d’ajouter : ‘’Qu’on ne rejette pas tout que sur des fonctionnaires. Il faut que toutes les chaînes de responsabilités soient situées jusqu’aux ministres, parce qu’on a le sentiment qu'il y a des enfants gâtés de la République. Certains ministres, sous prétexte qu’ils sont proches du président de la République ou de son entourage et de la famille, sont des intouchables. Il faut que cela cesse. Il ne faut pas entretenir des enfants gâtés de la République qui bouffent, dilapident l’argent des Sénégalais et qui, d’une manière ou d’une autre, sont impliqués dans des choses de façon impunie. Cette plainte collective a été signée par des autorités de la société civile, sans oublier les plaintes individuelles.’’
CHEIKH THIAM