Publié le 27 Feb 2024 - 15:50
DIALOGUE NATIONAL

Les grandes tendances

 

Si l’on se fie aux différentes interventions à la cérémonie d’ouverture, hier, du dialogue national, il y a peu de chances qu’il y ait élection avant le 6 mai. Les acteurs ont aussi plaidé pour une ouverture de la liste des candidats tout en préservant les acquis des 19 déjà validés. En ce qui concerne le sort du président, il dépend du consensus des acteurs.

 

Les concertations ont été lancées, hier, à Diamniadio. À entendre les différents intervenants, il n’y a aucune chance que l’élection présidentielle se tienne avant le 2 avril, comme le souhaitent certains acteurs de la société civile et de la classe politique.

Cela dit, de l’avis du président de la République, le plus facile dans l’exercice, c’est de trouver la date de l’élection. Il suffit d’être raisonnable et de tenir compte de certaines contraintes objectives. Parmi ces dernières, il y a le carême et le ramadan, car il est difficile de mener campagne en pareille période. ‘’Ce sera très difficile, mais il faudra l’étudier. Il faudra aussi voir certaines fêtes, musulmanes ou chrétiennes, et en tenir compte. Le khalife de Médina Gounass, par exemple, a envoyé plusieurs émissaires pour rappeler que le Daaka, c’est du 27 avril au 6 mai. Il faut aussi tenir compte de ces paramètres. Une fois que cela est fait, il est facile de trouver des consensus’’, indique le chef de l’État.

Si le problème de la date semble bénin aux yeux du président de la République, il en est autrement du problème de la liste qui semble le plus cristalliser la controverse. La vraie équation, estime le président Macky Sall, c’est de savoir si nous devons continuer avec les 19 ou pas. Alors que l’écrasante majorité des candidats validés sont en lutte pour le maintien de la liste, d’autres manœuvrent pour plus d’inclusion. Sur ce point, la proposition de Mahammed Boun Abdallah Dionne semble plutôt ‘’raisonnable’’, pour le président de la République.

Ce dernier a, en effet, proposé de travailler d’abord à préserver les acquis pour les 19 et ensuite voir quelles sont les modalités pour plus d’ouverture.

L’autre grande équation, c’est comment gérer la période post 2 avril. Selon le président Sall, s’il y  a un consensus sur la question, c’est tant mieux. Macky Sall a en tout cas réitéré sa décision ferme :  ‘’Moi, j’ai déjà donné mon avis : j’en ai assez, assez, assez. L’essentiel est de se mettre d’accord sur les règles du jeu pour assurer la continuité de l’État. Mais il faut qu’on soit raisonnable’’, a-t-il souligné, dénonçant l’excès de surenchère en cours dans l’espace politique.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président semble déterminé dans sa volonté de partir.

‘’Si les acteurs trouvent des consensus, nous allons trouver des moyens de les mettre en œuvre très rapidement. Même si nous devons faire des sacrifices, parce que j’ai hâte d’en finir et de partir. S’il n’y a pas de consensus, je vais saisir le Conseil (constitutionnel) pour lui demander de choisir un remplaçant à la date du 2 avril. Je pense que je suis très clair’’.  

Après la cérémonie d’ouverture, les travaux se poursuivent aujourd’hui à Diamniadio autour de deux commissions principales. L’une sera présidée par le ministre de l’Intérieur et a pour charge de fixer une date en tenant compte des contraintes. La deuxième commission sera dirigée par Ismaïla Madior Fall, au nom de la ministre de la Justice. Il s’agira de travailler sur les contraintes juridiques liées notamment aux délais. ‘’Parce qu’il faudra aussi respecter le Code électoral. La loi dit clairement qu’entre la date du décret et la date de l’élection, il y a au moins 80 jours. On peut l’abréger, compte tenu de la situation, mais cela passe nécessairement par un consensus… Sans consensus, ce n’est pas possible. C’est tout l’intérêt de cette rencontre’’, souligne le chef de l’État.    

Le représentant de l’Église a été le seul à préconiser l’organisation de l’élection avant le 2 avril

Lors de l’ouverture de la séance hier, étaient présents deux candidats sur les 19 validés par le Conseil constitutionnel, plusieurs dits ‘’spoliés’’ ainsi que les représentants des groupes parlementaires du PDS et de Benno Bokk Yaakaar.

Pour Mahammed Boun Abdallah Dionne, il ne faut pas qu’il y ait une interruption du processus. Toutefois, l’ancien Premier ministre ne voit pas d’inconvénient par rapport à une possible ouverture pour plus d’inclusion.

À l’en croire, si c’était clairement dit que les droits acquis des candidats validés seront préservés, il y aurait moins de bruit et de dissidences par rapport au dialogue.

Pour sa part, le candidat de Benno Bokk Yaakaar, Amadou Ba, s'en est remis à la sagesse de son patron. "Je m'en tiens à votre sagesse", affirme-t-il, confiant qu'il va attendre les travaux dans le fond pour défendre les positions de la coalition de la majorité. Il est largement revenu sur sa loyauté envers le président. ‘’Je puis témoigner que vous tenez au respect des institutions. Nous devons dialoguer et en ce qui me concerne, je suis partisan farouche du dialogue", a fait savoir le candidat de Benno Bokk Yaakaar.

Membre du groupe des candidats dits ‘’spoliés’’, Mamadou Diop Decroix a, pour sa part, salué l'initiative du dialogue qui tranche d'avec la méthode Senghor qui avait imposé l’article 35 pour faire passer son successeur. ‘’Que je sache, la proposition la plus éloignée qui a été évoquée par vous-même, c'est au mois de juin. Est-ce qu'on va s’entretuer pour ça ? Je pense que le peuple sénégalais ne mérite pas ça’’, plaide le leader d’AJ.

Il a, par ailleurs, déploré ce qu’il considère comme la ‘’tyrannie de la pensée unique’’ et les gens de mauvaise foi qui passent leur temps à jeter le discrédit sur les autres.

Il faut noter que la plupart des intervenants ont plaidé pour une reprise du processus, pour une élection plus inclusive.

Tirs groupés contre la presse étrangère et certaines chancelleries

Ancien ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio est largement revenu sur le traitement de l’actualité sénégalaise par les médias étrangers. À l’instar d’autres intervenants, il a dénoncé ce qu’il considère comme un traitement partisan et injustifié. ‘’Ce qui me fait le plus mal dans cette crise, c'est l'implication des médias étrangers et de certaines chancelleries’’, a dénoncé le député ancien ministre des Affaires étrangères sous Wade. ‘’Il y a une radio internationale, quand elle parle de la situation au Sénégal, elle est comme une actionnaire majeure de la politique au Sénégal. C’est incroyable comment ces gens pensent que le destin du Sénégal est entre leurs mains et c'est eux qui doivent en décider. C'est inacceptable’’, s’emporte le ministre d’habitude très calme.

Selon lui, ces gens qui souhaitent le pire au Sénégal se trompent lourdement. ‘’J'ai entendu une radio internationale ce matin (hier matin) dire quelque chose d'extraordinaire. J’ai entendu dire : ‘Le président Sall a convoqué deux groupes dans une même salle. Il sait qu'ils ne peuvent pas s’entendre, donc on va vers le mur.’ C’est extraordinaire ! Quel est l'intérêt de réunir dans la même salle des gens qui sont d'accord ?’’, s’interroge le député.

Très en verve, l’ancien ministre n’a pas manqué d’égratigner les États-Unis sans les nommer. ‘’Nous n'accepterons le diktat d'aucun pays au monde, y compris les pays qui prétendent être de grandes démocraties et qui nous ont fait la démonstration de leur capacité  à utiliser leurs forces de défense et de sécurité dans leurs institutions pour faire valider le vote d'un président de la République. Ce sont ces mêmes pays qui ont dit que le vote de notre Assemblée nationale est illégitime. Au nom de quoi ? Qu'est-ce qui leur donne ce droit ?’’.

À l’instar de plusieurs intervenants, il en appelle à la responsabilité des uns et des autres pour préserver la stabilité du pays dans un contexte géopolitique complexe, avec le terrorisme à nos portes, dans un contexte marqué par une présence des lobbies du pétrole et du gaz, des narcotrafiquants…

‘’Tous se prennent comme partie prenante et actionnaires du défi à relever’’, lance-t-il, avant d’ajouter : ‘’Chers compatriotes, donnons-nous la main ; construisons le Sénégal, notre patrie. Sauvons le Sénégal ensemble. Comme disait le père Kéba : sauvons le Sénégal et c'est possible.’’  

Macky Sall : ‘’Les plus grandes chaines avaient envoyé leurs correspondants, espérant que le pays va brûler.’’

Dans sa conclusion, le président de la République est, lui aussi, revenu sur ces griefs contre la communauté internationale dans ses prises de position sur l’actualité sénégalaise. ‘’Certains prédisent les pires scénarios pour le Sénégal. Il y a quelques jours, si vous avez bien observé, les plus grandes chaines du monde avaient envoyé des correspondants, croyant que le pays va imploser, après cette décision du Conseil constitutionnel. Je leur ai dit : vous allez prendre vos cliques et vos claques et rentrer comme vous étiez venus’’, lance-t-il, ironique.  

Triomphant, Macky Sall se réjouit que certains soient déjà rentrés et que les autres qui y croient toujours ne vont pas tarder. ‘’Je ne pense pas que ce pays va imploser. Le Sénégal va surmonter toutes ces épreuves. Avec le pétrole et le gaz, les gens sont autour et essaient de tout faire pour nous monter les uns contre les autres. C’est pourquoi cette rencontre est très importante. Je ne doute pas que nous allons trouver des solutions’’.  

C’est d’ailleurs dans le même esprit que le chef de l’État inscrit le dialogue qu’il assume pleinement. Dans ce cadre, il a annoncé que le projet de loi portant amnistie générale va être adopté dès ce mercredi en Conseil des ministres. ‘’Chacun a sa responsabilité. La mienne, je l’assume. Et vous savez que moi je n’ai pas peur d’assumer mes positions, même si je suis seul à les soutenir. Il faut que ça soit clair. Voilà ma position en tant que président de la République. J’ai engagé le gouvernement dans cette voie’’.

Mor AMAR

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