Un troisième agent arrêté, les travailleurs en grève
Les agents de la structure sanitaire où 11 bébés ont perdu la vie jeudi dernier, victimes de l’incendie de la salle du service de néonatalogie, refusent d’être les agneaux du sacrifice, après que trois d’entre eux ont été placés en garde à vue.
La tristesse laisse peu à peu place à la controverse. Le weekend dernier, toutes les parties citées dans ce drame qui a mis le Sénégal en deuil durant trois jours étaient encore sous le choc de l’enfer subi par les 11 bébés décédés dans l’incendie de la salle du Service de néonatalogie de l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane. Maintenant, place à la définition des responsabilités. Quelques heures après le drame, le procureur de Thiès avait promis que la loi serait appliquée dans toute sa rigueur contre toute personne dont la responsabilité est engagée dans la mort de ces nourrissons. Abdoulaye Ba va bientôt faire face à ses premiers mis en cause.
Après le placement en garde à vue dimanche de deux agents de l’hôpital, un troisième a été mis aux arrêts. Les trois, une sage-femme, une infirmière et le directeur des ressources humaines (DRH), pourraient être poursuivis pour ‘’délaissement d’un enfant dans un endroit solitaire ayant entrainé la mise en danger à la vie d’autrui’’.
Les agents étaient encore détenus au commissariat urbain de Tivaouane. Face à la presse hier, lors d’un sit-in au sein de l’hôpital, Sidy Lamine Ndoye a même donné les noms des concernés. Il s’agit d’A. Diop, sage-femme, C. Mbodj, aide-infirmière, et C. Diop, directeur des ressources humaines.
Mais pour le secrétaire général du Sutsas/Section Tivaouane, ces arrestations sont incompréhensibles. ‘’Le jour du drame, le directeur des ressources humaines effectuait sa garde administrative. Qu’est-ce qu’il a à voir avec un incendie qui s’est déclaré sur place ? Les agents subissent une grosse pression psychologique, depuis le début de ces auditions. Certains ont été entendus entre 4 h et 12 h. D’autres passent plusieurs fois devant les enquêteurs. Nous sommes surveillés par des agents de police qui nous suivent partout. On veut nous faire porter le chapeau, mais nous ne l’accepterons pas. Nous ne sommes pas les responsables de la mort de ces bébés’’, dénonce-t-il.
Le secrétaire général du Sutsas/Section Tivaouane : ‘’Nous ne sommes pas les responsables de la mort de ces bébés’’
Les causes de l'incendie qui s'est produit le 25 mai au Service de néonatalogie de l'hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh restent à établir. Mais des témoignages pointent du doigt un court-circuit électrique ayant provoqué le départ des flammes qui se sont propagées rapidement dans l'unité néonatale. Malgré leurs efforts, les agents présents au moment du drame n’ont pas pu sauver les bébés.
Partant de cette version, Sidy Lamine Ndoye se demande comment ces derniers peuvent être pris pour responsable : ‘’Ce sont les sages-femmes et les infirmiers qui sont ciblés ? On est avec nos collègues qui sont retenus arbitrairement. Le marabout a alerté depuis 2018 sur la situation de l’hôpital. Qui a la responsabilité de la construction des hôpitaux ? Les arrestations doivent cesser, car les agents sont innocents. Ce ne sont pas des sapeurs-pompiers chargés d’éteindre des incendies. Tant qu’ils seront en détention, le système sera paralysé.’’
Les agents de la santé de Tivaouane ont établi un plan d’action lancé avec un arrêt de travail observé hier. ‘’Au niveau départemental, nous avons été rejoints par le centre de santé Massamba Sall. Toute la région va aussi nous appuyer, que ce soit à Thiès ou à Mbour’’, ajoute même le SG du Sutsas/Section Tivaouane.
Ce plan pourrait même prendre une envergure nationale. Dans un communiqué publié ce weekend, l’Alliance des syndicats autonomes de la santé/And Gueusseum (Sutsas-SUDTM-Sat Santé/D-CNTS Santé-Sat/CL) se solidarisait au personnel de l'hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane, ‘’actuellement soumis à d’interminables interrogatoires pour un mortel feu (court-circuit électrique selon les déclarations du MSAS sortant) qu'ils n'ont pas allumé’’. C’est pourquoi les syndicalistes appellent leurs camarades à plus de vigilance et de soutien par la mobilisation, pour que ces travailleurs ne soient pas les ‘’probables agneaux d’un funèbre sacrifice’’.
Un plan d’action que pourrait rejoindre And Gueusseum
La Division des investigations criminelles (Dic) a été chargée, par le procureur de Thiès, pour faire la lumière sur ce drame qui a déjà emporté le ministre de la Santé et de l’Action sociale Abdoulaye Diouf Sarr. De manière globale, le président de la République a ordonné un audit par l’Inspection générale d’État (IGE) de l’ensemble des services de néonatalogie du Sénégal, dans leur construction, leurs installations et dans leurs équipements.
Par ailleurs, lors de la visite du chef de l’État à Tivaouane, vendredi dernier, le khalife général des tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, avait demandé aux enquêteurs de ne pas faire preuve d’excès de zèle et d’intégrer la volonté divine dans ce qui s’est passé.
Lamine Diouf