Rectifier le tir
Après le nul face au Burkina Faso (1-1), à Dakar, le Sénégal va affronter, cet après-midi (13 h), le Burundi, leader de la poule L, grâce à sa victoire contre le Malawi (2-3). Aliou Cissé et ses joueurs doivent se ressaisir pour se relancer dans ces éliminatoires de la Can Maroc-2025.
À l’issue de la première journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations 2025, le Sénégal occupe la 3e place du groupe L, derrière le Burundi (1er, 3 pts) et le Burkina Faso (2e, 1 pt). Une position à laquelle les Sénégalais ne sont plus habitués à voir occuper leur équipe nationale. Ce classement est la conséquence du nul décevant concédé face aux Étalons (1-1), vendredi dernier au stade Abdoulaye Wade de Diamniadio. Ce résultat est d’autant plus inquiétant que c’est la deuxième fois d’affilée que les Lions sont tenus en échec dans leur antre, après le partage des points avec la RD Congo (1-1) en match de la 3e journée comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2026.
Sur la route de Maroc-2025, Sadio Mané et ses coéquipiers doivent se ressaisir pour reprendre leur destin en main. Cela passe par une victoire sur la pelouse du Burundi, ce lundi à (13h). ‘’Contre le Burkina Faso, c’était une contre-performance. Mais on a la possibilité de rectifier le tir contre le Burundi’’, a assuré le sélectionneur national en conférence de presse de veille de match, hier.
Le système de jeu en question
Depuis un certain temps, le technicien tente de se réinventer, notamment avec le système à trois défenseurs. Le moins que l’on puisse dire est que cette reconfiguration tactique ne lui réussit pas ou donne peu de satisfaction. Du point de vue des résultats, la sélection nationale n’a remporté qu’un seul de ses trois matchs officiels (deux nuls) depuis l’après-Can, en Côte d’Ivoire. Et quand les Lions gagnent, c’est difficilement. Leur seule victoire a été obtenue face à la Mauritanie (1-0), à Nouakchott en juin dernier. L’unique but de la rencontre a été inscrit par Habib Diallo (27e).
Sur le plan du jeu, les joueurs semblent se perdre dans ce nouveau système. En mettant sur le banc les latéraux de métier, les pistons ont du mal à concilier leurs tâches défensives et offensives. À droite, Habib Diarra fait de son mieux pour jouer sa partition, mais le milieu de terrain de Strasbourg a du mal à couvrir le côté droit de la défense. Les Burkinabé avaient bien repéré cette faille en insistant sur ce flanc pour essayer de surprendre l’adversaire. Du fait de cette forte sollicitation défensive, le Strasbourgeois est peu présent dans le camp adverse.
Pour sa part, Ismaïla Sarr a donné du fil à retordre à son partenaire à gauche, contraint à une débauche d’énergie.
Pourtant, malgré ce constat et les critiques, Aliou Cissé persiste dans ses choix. En juin dernier, à la fin du nul contre la RDC, Sadio Mané avait fustigé le système mis en place par le sélectionneur. ‘’On doit revoir le système, car on a essayé de jouer plusieurs combinaisons et ça n’a pas marché’’, avait déclaré l’ancien attaquant de Liverpool en zone mixte.
Il est donc temps, pour le technicien, de revoir ses plans et envisager un éventuel retour aux fondamentaux.
Faire preuve d’efficacité
‘’J’assume totalement ce résultat’’, a déclaré Aliou Cissé à la fin du nul contre les Étalons. La responsabilité du coach est certes engagée, mais les joueurs ne sont pas exempts de reproche. Alors qu’ils tenaient le bon bout des trois points en menant au score (1-0), les Lions ont mal géré la fin du match en concédant l’égalisation dans les toutes dernières secondes de la partie (90e +5).
Ce relâchement en fin de match commence à devenir une fâcheuse habitude. Déjà à la Can en Côte d’Ivoire, c’est dans les cinq dernières minutes que la bande à Koulibaly avait pris le but de l’égalisation avant de se faire éliminer à la séance des tirs au but par les Éléphants en huitièmes de finale. Le scénario similaire s’est reproduit face aux Léopards du Congo en éliminatoires du Mondial-2026.
Offensivement, les attaquants n’ont pas été également efficaces. Contre le Burkina, le Sénégal aurait pu faire le break en la première période. Mais le trio offensif n’a pas été tranchant. À l’image de Nicolas Jackson qui avait au bout du pied la balle du 2-0. Malheureusement, le joueur de Chelsea a perdu ses appuis et manqué le cadre. À maintes reprises, il a également manqué ses passes qui auraient pu être des passes décisives.
Pour se remettre sur les rails, les Lions doivent faire leur examen de conscience et retrouver leur efficacité aussi bien offensive que défensive.
COMMENTAIRE Cissé, stop ou encore ? Le Aliou Cissé bashing se poursuit de plus belle. La dernière malheureuse prestation des Lions a remis une pièce dans la machine. Les rangs des détracteurs grossissent. Ils s’en donnent à cœur joie, sur les réseaux sociaux. Il faut dire que coach Cissé jouit d’une longévité devenue rare dans le football moderne à la tête d’une sélection. Or, les récents exemples sont mauvais. Cela s’est très mal terminé pour l’ancien sélectionneur allemand Joachim Löw, qui est resté à la tête de la Mannschaft pendant quinze ans, de 2006 à 2021. Après le sacre à la Coupe du monde en 2014, la Mannschaft a accumulé les désillusions. La même fin guette Didier Deschamps à la tête de la sélection française. DD est plus que jamais décrié et des pans importants du football français réclament sa tête. Ce qui a perdu Löw est en train de perdre Deschamps : l’usure du temps, le discours qui cesse d’être opérant, l’impossibilité de se séparer des joueurs avec qui on a gagné malgré des prestations en berne, la motivation moindre, les méthodes d’entrainement désuètes, l’absence de remise en question… Qu’en est-il d’Aliou Cissé ? Il a été nommé à la tête de la sélection, le 4 mars 2015, en remplacement du Français Alain Giresse. Neuf ans après, il a introduit les Lions dans le gotha du football africain. Grande favorite de la Can ivoirienne, la bande à Sadio Mané a été sortie dès les huitièmes de finale par les futurs vainqueurs (la Côte d’Ivoire). Une pilule qui a du mal à passer. Depuis, il y a comme une cassure entre le sélectionneur et la fan base des Lions qui nourrissait de grandes ambitions pour la dernière Can. Quelle est la part de responsabilité du sélectionneur dans cette contreperformance ? Elle est grande, mais pas entière, selon moi. Certes, il est comptable de la sélection des joueurs, de la mise en place tactique, de la composition de l’équipe, mais, à l’analyse des matchs et des prestations des Lions, il est clair qu’il paie l’inefficacité chronique des joueurs devant les buts, alors que la sélection regorge des meilleurs artificiers du continent. Y a-t-il un problème mental derrière ce constat ? Difficile de répondre à cette question. Aliou Cissé n’est pas un esthète et il ne le sera sans doute jamais. Le Sénégal n’est pas l’Espagne et ne jouera jamais comme la Roja. Mais avec lui, la sélection est devenue une redoutable machine à gagner. Solide derrière, dotée d’un bon pressing, l’équipe nationale sait très bien jouer en transitions rapides. Elle s’en sort moyennement en attaques placées, eu égard au profil de nos joueurs majeurs : des attaquants puissants, des excentrés rapides, des défenseurs solides et très peu de créateurs. Néanmoins, elle se crée énormément d’occasions franches, presque à chaque sortie. D’autant que le sélectionneur se trompe rarement sur les approches tactiques des matchs. Il me semble, dès lors, injuste de lui reprocher les ratés incroyables de nos attaquants et consorts. La preuve : le dernier match des Lions aurait pu se solder par une victoire aisée, si les attaquants avaient fait le job, en première mi-temps. Et malheureusement, pour le sélectionneur, c’est la même musique, depuis des années. Le reste, c’est l’histoire du football : une équipe domine les débats, ne punit pas son adversaire et se fait punir en retour. Mais la plus grande avancée du magistère de coach Cissé est d’avoir fait de la Tanière un sanctuaire. Avant Cissé, les regroupements de l’équipe nationale ressemblaient à des foires. Aujourd’hui, les joueurs évoluent dans un environnement serein, propice à la performance et les conditions d’hébergement se sont sensiblement améliorées avec le concours du président de la fédération, Me Augustin Senghor. Se pose dès lors la question de l’usure du temps. Coach Cissé est-il capable de se renouveler, de renouveler son discours et de mener vers les sommets la relève dont les figures de proue sont Lamine Camara et Pape Matar Sarr ? La question reste ouverte. Mais il est clair que le coach jouit d’une parfaite connaissance du football africain, des adversaires des Lions et de l’environnement du football sénégalais. Il peut encore rendre de grands services. |
LOUIS GEORGES DIATTA