Il faut dissocier le monde de la politique du monde des médias
Le temps de la politique françafricaine n’est pas toujours le temps médiatique, analyse un expert sénégalais qui connaît bien les médias français, pour avoir séjourné en France et travaillé sur le sujet.
La semaine dernière, l’éditorial sur le Sénégal signé par la rédaction du ‘’Monde’’ a été interprété par certains comme une ‘’commande’’ du Quai d’Orsay.
Selon ce journaliste qui connaît bien les médias français, pour avoir séjourné en France et travaillé sur le sujet, il faut dissocier le monde des médias du monde de la politique. ‘’Ce que je peux dire, c’est que des médias comme ‘Le Monde’ et ‘Libération’ sont des médias très sérieux et indépendants, qui ne sont pas à la solde des régimes politiques français. ‘Le Monde’ a un ton équilibré et équidistant’’, affirme notre interlocuteur.
Qu’en est-il alors de cet éditorial consacré au Sénégal et qui marque une position très tranchée sur l’actualité politique nationale ? Le formateur explique : ‘’L’édito est une tradition au journal ‘Le Monde’. C’est en dernière page et consacré à l’actualité internationale. Ce n’est vraiment pas quelque chose de circonstanciel. Encore que dans cet édito en question, le journal n’a pas non plus ménagé le camp adverse.’’ Toutefois, insiste-t-il, le penchant gauche du journal peut expliquer certaines positions sur l’actualité internationale et notamment africaine. ‘’Je dois préciser que c’est un média de centre gauche, qui défend un certain nombre de principes, mais qui, à mon avis, est loin de ce dont certains l’accusent. Comme je l’ai dit, ils ont un ton équilibré et équidistant’’, analyse le spécialiste des médias.
L’opinion de Sandaga plus importante que l’opinion de Saint-Germain-des-Prés pour Dakar
À noter que depuis le mois de mars 2021, avec l’éclatement de l’affaire de mœurs opposant le président de Pastef/Les patriotes à la masseuse Adji Sarr, certains milieux de la gauche française, dont le leader le plus en vue est Jean-Luc Mélenchon, ont pris fait et cause pour le leader de l’opposition dans son combat contre le régime du président Sall.
Pour sa part, ‘’Le Monde’’ n’a pas été en reste. Il y a environ un an, dans un autre édito signé la rédaction, le journal parlait du Sénégal, ‘’une vitrine démocratique en danger’’.
Malgré les critiques plus ou moins fondées, il serait difficile de reprocher au ‘’Monde’’ une quelconque accointance avec le régime politique français. On ne saurait en dire autant des médias du groupe France Médias Monde, qui sont financés par l’État français.
Du côté de Dakar, on tient à mettre en exergue un changement de paradigme qui ne plaît pas forcément aux médias français. S’y ajoute, le président Sall accorde plus d’importance à l’opinion de Sandaga qu’à celle de Saint-Germain-des-Prés, parce que c’est eux qui votent. ‘’Ces gens écoutent les médias locaux et non les médias français. Il fut un temps où nos présidents couraient derrière ces médias, mais ce n’est plus le cas. Bien entendu, nous permettons à tous de travailler librement et ne fermons la porte à aucun média, mais la priorité, nous la donnons aux médias sénégalais’’, plaide ce responsable du régime.
Avant d’ajouter : ‘’Pour le président Macky Sall qui est né après les indépendances, l’opinion de Sandaga est bien plus importante que l’opinion de Saint-Germain-des-Prés. Pour Senghor, pour Diouf et pour Wade qui ont chanté nos ancêtres les Gaulois, l’opinion de Saint-Germain-des-Prés est plus importante ; ce n’est plus le cas.’’