Publié le 1 Sep 2023 - 07:59
GABON

Qui est Brice Clotaire Oligui Nguema, tombeur d’Ali Bongo Ondimba ?

 

Au Gabon, le CTRI a annoncé avoir nommé à sa tête Brice Clotaire Oligui Nguema, commandant en chef de la garde républicaine. Un général formé au Maroc et originaire du Haut-Ogooué, le berceau des Bongo.
 
 
Ce mercredi matin, son nom a d’abord été scandé par les éléments de la garde républicaine, dont il est le commandant en chef, au sein même du palais présidentiel. Puis, peu de temps après, la confirmation est tombée : Brice Clotaire Oligui Nguema est désormais le président du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qui a annoncé qu’il prenait le pouvoir, à Libreville ce 30 août, à la télévision nationale Gabon 24.
 
Ex-aide de camp d’Omar Bongo Ondimba
 
Brice Clotaire Oligui Nguema n’est pas un inconnu des Gabonais, tant il fréquente les arcanes du pouvoir des Bongo depuis des décennies. Originaire de la province du Haut-Ogooué, le berceau de la famille de l’ancien président Omar Bongo Ondimba (OBO), à laquelle sa mère était apparentée, il avait vu le général André Oyini le prendre sous son aile et lui faire gravir les échelons au sein de l’armée.
 
Dans les rangs du CTRI ce 30 août figure d’ailleurs également Aimé-Vivian Oyini, fils de feu André Oyini et aujourd’hui chef d’état-major de la garde républicaine. Les deux hommes se connaissent donc de longue date et particulièrement bien. Formé à l’académie royale militaire de Meknès, au Maroc, et bénéficiant du parrainage de l’influent général et de son lien familial avec le chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema va devenir l’un des aides de camp d’Omar Bongo Ondimba.
 
« Il faisait partie des “petits” du président, qu’on voyait passer dans les couloirs », se souvient Anne-Marie Dworaczek-Bendome, ancienne collaboratrice d’OBO. L’ancien de Meknès reste au côté du président jusqu’au décès de ce dernier, en 2009 à Barcelone. Cependant, en délicatesse avec une partie de la famille du défunt, notamment avec le futur président Ali Bongo Ondimba (ABO), il est écarté de Libreville et envoyé en service à l’étranger.
 
L’exil, puis le retour
 
Attaché militaire du Gabon au Maroc puis au Sénégal, il passe dix années en exil. Il ne rentre qu’en 2019, sous l’impulsion notamment de Brice Laccruche Alihanga, qu’il connaît depuis son enfance et qui est alors directeur de cabinet d’ABO : un an après l’accident vasculaire cérébral du président, que Oligui Nguema considère comme son cousin, et surtout peu de temps après une tentative de coup d’État infructueuse mais dans laquelle la garde républicaine aurait été impliquée, le gradé est rappelé au Gabon. Il prend la tête de la puissante Direction générale des services spéciaux (DGSS), les renseignements de la garde républicaine.
 
Brice Clotaire Oligui Nguema y remplace Frédéric Bongo, le demi-frère du président, lui-même mis à l’écart après s’être attiré des inimitiés au sein du clan familial. « Fred », comme un symbole, est alors nommé... attaché militaire du Gabon en Afrique du Sud. À l’époque, Oligui Nguema affirme à qui veut l’entendre son indéfectible soutien au chef de l’État, au point qu’il est porté, en avril 2020, à la tête de la garde républicaine.
 
« Une révolution de palais »
 
Commandant en chef, il modifie même le slogan de ce régiment, qui jure fidélité au président et non plus à la patrie. Le général de brigade (deux étoiles) fait ensuite en sorte de raffermir sa mainmise sur la garde républicaine, verrou du pouvoir d’Ali Bongo Ondimba.
 
Très apprécié par ses hommes et ayant permis une grosse augmentation des effectifs, il a également obtenu que son régiment soit l’un des mieux équipés du pays. En 2023, en prévision des élections, il a encore reçu quatre blindés légers AML-90 et recruté 679 nouveaux agents.
 
C’EST AVANT TOUT UNE RÉVOLUTION DE PALAIS, D’UNE BRANCHE DE LA FAMILLE CONTRE UNE AUTRE
 
Le CTRI soutient désormais qu’il assure, provisoirement, la gestion du pays. Ali Bongo Ondimba, lui, se trouve en résidence surveillée et ne semble visé par aucune accusation. Plusieurs de ses proches ont en revanche été arrêtés et font l’objet d’une enquête pour « trahison contre les institutions de l’État, malversations financières internationales en bande organisée » ou encore « trafic de stupéfiants et falsification de signature ».
 
Tous sont des proches de Noureddin Bongo-Valentin et de la première dame, Sylvia Bongo-Ondimba. À l’heure actuelle, celle-ci n’est plus au côté d’Ali Bongo Ondimba, avec lequel Jeune Afrique a pu s’entretenir. « C’est avant tout une révolution de palais, d’une branche de la famille contre une autre », souligne un ancien du Palais du bord de mer.
 
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COUP D'ÉTAT AU GABON 

Les Gabonais de Dakar jubilent

Des militaires gabonais ont annoncé ce mercredi matin, avoir renversé le régime d'Ali Bongo, quelques heures après la proclamation des résultats en sa faveur, avec 64,27% des suffrages valablement exprimés. Certains ressortissants gabonais vivant au Sénégal ont exprimé leur joie de voir la famille Bongo quitter le pouvoir.

FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)

Après plus de 50 ans de règne, la dynastie Bongo a pris fin ce mercredi. Des militaires gabonais ont annoncé avoir renversé le gouvernement d'Ali Bongo qui avait succédé à son père, à la tête du pays depuis 14 ans. Cette nouvelle est tombée juste après la proclamation des résultats en faveur du président sortant avec 64,27 % des suffrages valablement exprimés.

EnQuête est allé à la rencontre des ressortissants gabonais vivant au Sénégal pour recueillir leurs avis sur la situation actuelle de leur pays. "Je ne parle pas de coup d'Etat. Ali Bongo a été battu dans les urnes et son refus d'accepter les résultats a conduit à ce qui se passe actuellement au Gabon. Je ne vois pas ça comme un Coup d'Etat, mais une restauration de l'Etat", déclare Osvaldo Vanga, étudiant gabonais résidant au Sénégal depuis 5 ans. Il dit sa joie et attend les putschistes au tournant : "J'avoue qu'à l'annonce du Coup d'État, j'ai été très en joie, d'ailleurs, c'est toujours le cas, mais je mets également un certain nombre de réserves, parce que, jusqu'à ce jour, il y a une seule déclaration qui a été faite. Donc, j'aimerai voir ce qu'ils vont faire et ceci se fera à travers les décisions qu'ils prendront. Donc, pour l'instant j'ai un sentiment de joie, mais très mesuré", poursuit-il.

Embouchant la même trompette, une autre étudiante gabonaise en Master 1, Fabienne Nyomba, parle de ce mercredi comme d’un jour mémorable pour le peuple gabonais. "C'est un jour mémorable pour notre nation. Enfin le Gabon est entré dans l'histoire, parce qu'on a beaucoup supporté.  Après 50 ans de pouvoir de Omar Bongo, son fils vient et fait 14 ans et pendant ces longues années, le pays n'avance pas. En plus de cela, il est malade et comment une personne malade peut se présenter à une élection présidentielle? C'est une honte pour un peuple, c'est une honte pour un pays, parce qu'à l'international, on est mal vu, à la limite, on n'est plus respecté à cause de ça", fulmine-t-elle.

Elle ajoute : "Moi, je suis heureuse que les Bongo soient partis, qu'on les ait enlevés de là, car on en avait marre. En 14 ans, on n'a pas de route, on n'a pas d'électricité, on n'a pas d'eau. Les gens sont obligés de se laver avec de l’eau de pluie. Même dans la capitale, à Libreville, les gens se lavent avec les eaux de pluie. Je réaffirme ma joie et mon sentiment de joie vis-à-vis de ce qui se passe au Gabon actuellement. Nous sommes pour la liberté et nous vaincrons. La patrie où la mort, nous vaincrons".

Les militaires ont également annoncé l'annulation des résultats et Fabienne espère qu'il y aura une autre élection et la victoire reviendra à celui de droit.

Les militaires rendront-ils le pouvoir au peuple ?

"On ne connaît pas les réelles motivations des militaires qui ont pris le pouvoir, même si ces derniers ont lu une déclaration à la télévision, mais j'aimerais en savoir un peu plus, histoire de me positionner", déclare Osvaldo Vanga. Avant d'ajouter: "Je ne peux affirmer que les militaires laisseront le pouvoir tout simplement, parce qu'ils n'ont pas encore pris de décisions. J'estime que c'est en prenant des décisions que l'on pourra avoir une idée de la trajectoire qu'ils prendront et qu'à partir de là, on saura nettement s'ils envisagent se maintenir au pouvoir ou organiser une élection".

Selon le ressortissant gabonais, la décision de rendre le pouvoir doit émaner d'une concertation entre les différentes parties de la société et à partir de cette concertation ils trouveront utile de mettre soit un civil à la tête durant la période transitoire ou de laisser aux militaires le soin de diriger.

David Ekomie, un autre ressortissant gabonais, s’insurge contre les résultats du scrutin qui ont été annoncés. "Ali Bongo n'a jamais gagné. Les chiffres qui ont été déclarés sont faux. L'opposition a à sa disposition des PV. Et c'est la même chose avec la société civile.  Et bien avant que les autorités compétentes gabonaises ne donnent leurs résultats, il y avait déjà une chaîne de télévision sénégalaise qui a obtenu certains PV qui ont donné le professeur Ondossa vainqueur. C'est d'ailleurs les mêmes chiffres que possèdent la société civile et l'opposition, donc, c'est simplement une inversion des résultats qui a été faite.  D'ailleurs, c'était la même chose en 2016. Il n'y a rien d'étranger, c'est une coutume chez eux", s’étrangle-t-il.

D’ailleurs, il souligne qu’il a eu peur, lorsque l'internet a été coupé au pays. "On est à l'étranger loin de la famille et les moyens de communication les plus utilisés sont WhatsApp, Instagram ou Facebook. Mais avec la coupure de l'internet, tu ne peux plus les utiliser. Tu ne sais pas comment ta famille se porte et elle non plus. On peut penser au pire, mais heureusement que tout est rentré dans l'ordre", dit-il soulagé que les Bongo débarrassent le plancher.

 

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