''Je prépare un cocktail musical''
En plein préparatifs de la sortie de son nouvel album, Gorgui Ndiaye a reçu EnQuête dans son cadre de répétition. Le chanteur confie les contours de cette nouvelle production, après un bon moment d'hibernation. Gorgui parle en outre de ses rapports avec le chanteur Mame Goor Jazaka, originaire comme lui de la ville de Rufisque.
Qui est Gorgui Ndiaye ?
Il me sera difficile de dire qui je suis. Je suis artiste musicien et un gawlo ; on ne fait que chanter dans notre famille. J’ai donc commencé à chanter à l’école en faisant du théâtre. J’ai commencé à faire de la musique en 1996. J'ai depuis lors cinq albums à mon actif.
Vous êtes absents des bacs depuis deux ans alors que la tendance au Sénégal est à la sortie d’opus chaque an. Pourquoi ce silence ?
Il est vrai que je suis resté deux ans absent du marché du disque, mais j’étais présent sur la scène musicale sénégalaise. Cette absence est juste due au fait que, pour moi, le showbiz n’est pas une course de vitesse. Je me dis que quand on sort un produit, on doit faire de sorte qu’il soit de qualité. Que tout le monde reconnaisse sa finesse. C'est pourquoi, chaque fois que je sors un album les gens l’écoutent. Je dois ce résultat à un travail de longue haleine qui ne peut se faire en une année. Cela demande beaucoup de réflexions. Je suis patient.
Vous avez tout de même sorti un single qui cartonne sur le petit écran...
Je suis en studio actuellement. J’ai fait deux titres. Il m’en reste quatre. J’espère pouvoir terminer d’ici à la Tabaski, incha’Allah. Ce single s’appelle ''Histoire d’amour''. Ce titre est un vécu de certains de mes amis. Je veux que d'autres s’y identifient aussi.
Vous chantez beaucoup l’amour, comme si vous êtes en panne d’inspiration ?
Non, du tout. J’ai chanté la Casamance. J’ai un titre sur les élections. C’est juste que l’amour est un sujet vaste et n’est jamais démodé. Chaque jour, il y a une nouvelle personne qui vit une nouvelle forme d’amour qu’elle soit fraternelle ou charnelle. Et puis, on vient de boucler les élections, le Sénégal a vécu des moments difficiles. Pour divertir notre public, on lui propose une chanson d’amour.
A part ''Histoire d’amour'', vous proposez quoi d'autre à vos fans ?
Je ne peux pas ne pas chanter l’amour. Cela dit, il y a un titre qui parle de la lutte. C’est un sujet d’actualité, je ne pouvais pas l’occulter. J’ai une fois encore chanté la Casamance ; il est largement temps que la paix revienne dans cette zone. J’ai adoré le message de Balla Gaye 2 lors de son dernier combat (NDLR, le 22 avril 2012). Il a porté un tee-shirt où il était inscrit ''Nous soutenons la Casamance''. C’est un message fort, il faut que les Sudistes s’unissent pour la paix. J’ai aussi chanté Serigne Touba car je suis un talibé de Serigne Fallou Mbacké. J’ai chanté Serigne Mansour et la femme noire. On parle de parité, donc le thème sur la femme à toute son importance ici.
Est-ce une manière de décourager le xessal (dépigmentation) ?
Il est important de garder la couleur de sa peau. On doit être fière de ce teint [noir]. Yacine Boubou Samba Linguère était noire mais avait une bravoure inégalable. Il faut comprendre à travers ce titre de femme noire celle qui croit en elle. Qu’elle ne soit pas complexée.
Qu’apportez-vous de nouveau du point de vu sonorités ?
Comme à chaque nouvel album, je viens avec différents rythmes. Il y aura du ndawrabine ; je suis un Lébou. Il y aura des rythmes du Nord. Il y a un morceau aux sonorités hal pulaar dans l’album. Il y aura du bougarabou (danse diola) avec le titre Casamance. Je propose un véritable cocktail musical. C’est pour cela que je prends du temps pour produire mes albums. Je ne me précipite jamais.
Beaucoup d’artistes s'étaient engagés dans le débat électoral lors de la présidentielle 2012. On ne vous a pas vu ni entendu...
J’étais sur le terrain. Youssou Ndour est notre grand-frère, on a essayé de l’aider. Alors si on ne m'a pas vu activement sur le terrain, c’est parce que sa candidature n’a pas été validée. Si on avait accepté sa candidature, les choses se seraient passées autrement. Je dois vous dire que je suis le premier à avoir chanté Abdoulaye Wade alors qu’il n’était pas encore président de la République. Dans un de mes opus, ''Le choix'', je l’appelais déjà Président. Je lui disais que le Sénégal l’attendait et que s’il venait à être élu, qu’il s'emploie à faire de sorte que nul n’ait faim, soif ou malade. C’est ce que le peuple attendait de lui, il ne l’a pas fait. En 2012, j’ai composé le titre ''Élection'' pour appeler au calme et dire que le Sénégal est un et indivisible. C’était mon engagement en tant que gawlo. On est du côté du peuple. On ne soutient aucun homme politique, même si on a soutenu Youssou Ndour qui est actuellement ministre de la Culture. Sa nomination ne relève pas de la chance mais du mérite. Un jour, dans une de nos discussions, il m’a dit : ''Tout ce que j’ai je le dois au Sénégal. Ce sont les Sénégalais qui m’ont toujours soutenu''. Celui-là ne peut pas aujourd’hui tourner le dos à ce même peuple, au contraire, il sauvegardera les intérêts de ce peuple.
Vous perdez aucune occasion de rappeler vos origines rufisquoises. Les Rufisquois vous rendent-ils cet amour ?
Je pense que oui. Nul ne peut avoir plus que sa terre de naissance. Je suis le dernier artiste de Rufisque à embrasser la carrière de chanteur. Mais chaque fois qu’on évoque un artiste de cette ville, toutes les pensées se tournent vers moi. Je le dois aux Rufisquois qui assistent à mes prestations partout dans Rufisque. Je suis un artiste du Sénégal, du monde, mais de Rufisque avant tout.
Pourtant, il se dit que vous ne faites pas le plein quand vous vous produisez à Rufisque...
Non, ce n’est pas vrai. Je fais le plein à craquer. C’est juste que, des fois, il y a des crises qui font que les soirées sont vides. Ce ne sont pas seulement les Rufisquois, mais c’est général. On voit même de grands chanteurs qui peinent à faire le plein des fois. Les gens ont parfois d’autres préoccupations que d'aller en boîte.
Vous avez décidé d'évoluer à Rufisque. Cela ne vous porte pas préjudices ?
Je me produis dans d’autres boîtes de nuit. Si j’ai décidé de rester à Rufisque, c’est lié au fait que tout le monde doit avoir une base. Il faut s’enraciner avant de s’ouvrir. On disait de Youssou Ndour ''l’enfant chéri de la Médina''. Aujourd’hui, il a dépassé le cadre de ce quartier. Il est devenu un artiste universel. C’est mon souhait.
Quels rapports entretenez-vous avec les autres artistes chanteurs qui habitent Rufisque ?
On a de bons rapports. Certains sont mes frères, d’autres mes pères ou mères. Khar Mbaye Madiaga est ma mère. Ismaël Lô est mon frère. Il m’appelle au téléphone pour me donner des conseils. Ouza est mon père, mon oncle, il me conseille aussi. Les artistes en quête de notoriété sont aussi mes frères.
Vous n’avez pas cité Mame Goor Jazaka ; il se dit que le courant ne passe pas entre vous deux ?
Non, Mame Goor est un ami. Ce sont des gens qui le racontent. Mais je n’ai pas d’ennemis et personne ne me dérange. Par contre, je ne sais pas si je dérange des gens. Je crois en moi et je sais où je vais.
Peut-on s'attendre à un duo avec Mame Goor ?
Un duo il faut le sentir. La musique, c’est le cœur qui la fait. Ce n’est pas parce que certains émettent l’idée de nous voir faire un duo que je vais le faire. Il faut que je le sente. Je veux faire quelque chose avec Youssou Ndour.
Et avec Mame Goor ?
Cela viendra. Mais pas maintenant.
BIGUÉ BOB