Le très gros retard du Sénégal
Une démocratie exemplaire mais avec un audiovisuel bancal. C'est le constat fait par des professionnels des médias, samedi, lors d'un débat sur le financement de l'audiovisuel public organisé par le Groupe futurs médias (GMF) dans le cadre de la célébration de ses dix ans d'existence.
''Le Sénégal est un exemple de démocratie en Afrique. Ce pays a une histoire sur tout. Mais dans le domaine de l'audiovisuel, il y a un gap. On s'est fait dépasser par beaucoup''. C'est le constat peu reluisant fait par l'ancien directeur général de la Radiotélévision du Sénégal (RTS), Mactar Sylla, samedi à Dakar, à propos notamment du financement de l'audiovisuel public. C'était au cours d'une table ronde axé sur le thème : ''Projet de code de la presse : quel financement pour le secteur audiovisuel au Sénégal ?'', organisé à l'initiative du Groupe futurs médias qui fête ses dix ans d'existence.
L'ancien directeur de Tv5 Afrique trouve anormal que des pays comme le Bénin financent leur télévision nationale à hauteur de 12 milliards F Cfa par an et que le Sénégal ne puisse même pas faire la moitié. La RTS, a-t-il fait savoir, vit au gré de la publicité ; elle dispose de seulement 3 milliards F Cfa par an. Une somme jugée dérisoire par les professionnels qui ont pris part à la rencontre. De l'avis de Mactar Sylla, l’État pourrait appliquer une taxe sur la fiscalité pour le financement de l'audiovisuel. Il est aussi possible d'user du secteur de la téléphonie dans le même sens avec le transport des chaînes, cela pourrait alléger les charges, à l'en croire.
Dans la même veine, M. Sylla se dit favorable à une politique audiovisuelle extérieure : ''On pourrait avoir un portail des médias du Sénégal et vendre cela à travers le monde.'' Venu exprès du Cameroun pour la rencontre, M. Sylla a proposé en outre différents créneaux à exploiter suivant son expérience professionnelle. Pour lui, il est temps au Sénégal de faire de la presse un levier économique à part entière. ''La communication est une activité économique. Ici, on croit que la communication est accessoire et [alors que] cela a des incidences sur le développement économique du pays'', a-t-il dit.
M. Sylla a insisté sur le fait que le pays doit faire de ce secteur ''une rampe de lancement vers les voies du développement''. Par conséquent, un budget doit être dégagé pour soutenir le secteur public, a-t-il indiqué, en présence de nombreux professionnels de l'information et de la communication, ainsi que de représentants du Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) et l'Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP). Selon lui, cela permettrait à la presse privée de bénéficier plus du marché de publicité.
De son côté, le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), Madiambal Diagne, a estimé qu'''on ne peut pas faire une presse sérieuse, professionnelle et rigoureuse sans financement''. Le patron du Groupe Avenir Communication, éditeur notamment du journal Le Quotidien, a ajouté ''qu'on ne peut pas faire de la presse le parent pauvre de l'économie''.
BIGUÉ BOB