Vers une ouverture du front alternatif à l'impérialisme occidental
À Johannesburg, les Brics souhaitent se pencher sur leurs relations avec les pays africains, avec comme toile de fond l’élargissement de l’organisation à d’autres pays.
S’il y a une chose qu’on ne peut pas nier dans les relations internationales actuelles, c’est que l’Afrique est sur toutes les lèvres. Depuis plusieurs années maintenant, les sommets entre d’autres régions du monde et le continent noir se multiplient : France-Afrique, Union européenne-Afrique, États-Unis – Afrique, Chine-Afrique, Russie-Afrique, Turquie-Afrique, etc. Maintenant vient le sommet Brics-Afrique. De toutes ces réunions cherchant à tirer leur épingle du jeu avec le continent considéré comme celui du futur, sauf par ses propres habitants, la cohabitation entre ce dernier groupe de pays (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et l’Afrique semble être la moins contre nature.
À Johannesburg, en Afrique du Sud, s’ouvre aujourd’hui, et pour deux jours, le 15e Sommet des Brics, sur le thème ‘’Les Brics et l’Afrique : partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif’’. Si cette rencontre n’a pas la valeur d’un sommet Brics-Afrique, elle pourrait déclencher quelque chose de plus poussé : l’intégration de nouvelles puissances africaines dans cette organisation qui cherche à briser l’hégémonie occidentale dans la marche du monde.
Afrique-Brics : comme une évidence ?
Exit l’influence occidentale pour faire place à un monde sous influence multilatérale ? Dans une note écrite par Sergueï Lavrov, on constate que la diplomatie multilatérale ne reste pas à l’écart des tendances mondiales. ‘’Les activités d’une association telle que les Brics symbolisent une véritable multipolarité et sont un exemple de communication interétatique honnête. Au sein de cette association, des États ayant des systèmes politiques différents, des plateformes de valeurs distinctes et des politiques étrangères indépendantes coopèrent avec succès dans divers domaines’’, assure le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
Ce multilatéralisme fait partie du combat international affiché par le président de la République du Sénégal. Macky Sall participe à ce sommet, sur invitation du président sud-africain Cyril Ramaphosa. Dans son agenda, figure une réunion sur le partenariat Chine-Afrique, en sa qualité de co-président du Forum sur la coopération sino-africaine. Une rencontre à laquelle prendront part le président chinois Xi Jinping et un groupe restreint de chefs d’État africains. En marge de cela, nul doute que les positions assumées de Macky Sall pour un siège de membre permanent de l'Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU et une place africaine au G20 trouveront un écho favorable à Johannesburg.
Sergueï Lavrov : ‘’Nous poursuivrons notre soutien à nos amis africains dans leurs efforts pour jouer un rôle de plus en plus important.’’
Le chef de la diplomatie russe l’a même laissé entendre, dans sa note de veille du sommet des Brics. Selon Sergueï Lavrov, ‘’la Russie s’est toujours prononcée en faveur du renforcement de la position du continent africain dans l’ordre mondial multipolaire. Nous poursuivrons notre soutien à nos amis africains dans leurs efforts pour jouer un rôle de plus en plus important dans la résolution des problèmes fondamentaux de notre époque. Cela s’applique aussi pleinement au processus de réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, dans le cadre duquel, selon notre conviction profonde, les intérêts légitimes des pays en développement, y compris l’Afrique, doivent être garantis avant tout.’’
Ce discours fait mouche, car de plus en plus de pays tapent à la porte des Brics. En plus des chefs d’État (excepté le président russe qui sera représenté par son ministre des Affaires étrangères) et des représentants des cinq pays officiels de l’organisation, une cinquantaine de chefs d'État sont également attendus au sommet qui se tient jusqu'à jeudi 24 août.
Selon le président Cyril Ramaphosa, les Brics réfléchissent à accueillir de nouveaux membres pour étendre leur influence, dans un ‘’monde de plus en plus complexe et fracturé, car de plus en plus polarisé en camps concurrents’’.
Les Brics plus lourds que le G7
Il faut dire que les Brics ont des arguments à faire valoir. Le bloc, qui produit près d'un quart de la richesse mondiale (23 %) et rassemble 42 % de la population globale, revendique un équilibre économique et politique mondial multipolaire, notamment au regard des États-Unis et de l'Union européenne. Leur contribution combinée au PIB mondial est de 31,5 %, dépassant celle du G7 (30,7 %). D'ici 2030, les pays du groupe des Brics, avec leur élargissement proposé, pourraient contribuer à plus de 50 % du PIB mondial.
En 2014, les pays membres ont lancé la Nouvelle banque de développement (NDB), basée à Shanghai en Chine, avec un capital initial de 50 milliards de dollars. La NDB sert d'alternative à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, en finançant des projets d'infrastructures et de développement durable.
En outre, les Brics ont établi le Contingent Reserve Arrangement (CRA), un mécanisme de liquidité conçu pour soutenir les pays membres confrontés à des difficultés de paiement.
Dans sa note, Sergueï Lavrov ajoute : ‘’La stratégie de partenariat économique jusqu’en 2025 est en cours de mise en œuvre et définit les points de référence de la coopération à moyen terme. La plateforme de recherche énergétique des Brics, lancée à l’initiative de la Russie, fonctionne. Le Centre des Brics pour la recherche et le développement de vaccins a été lancé pour promouvoir des réponses efficaces aux défis posés au bien-être épidémique de nos pays. Des initiatives sur l’élimination des "refuges" pour les personnes corrompues et les actifs criminels, sur le commerce et l’investissement dans le but d’un développement durable et sur le renforcement de la coopération dans le domaine des chaînes d’approvisionnement ont été approuvées. La stratégie des Brics en matière de sécurité alimentaire a été adoptée.’’
Le Sénégal aux Brics ?
Aujourd’hui, une quarantaine de pays ont demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt pour rejoindre les Brics. Parmi eux, l'Iran, l'Argentine, le Bangladesh, l'Arabie saoudite, l'Éthiopie, le Nigeria, l’Égypte et même le Sénégal, selon certaines indiscrétions. Tous ces candidats potentiels partagent un but commun : créer un nouvel ordre mondial qui leur soit favorable. Et beaucoup voient la possibilité d'intégrer les Brics comme un moyen d'atteindre cet objectif. Car depuis la création du groupe, la promesse des Brics de se poser comme grand défenseur du ‘’Sud global’’ a rencontré un accueil favorable.
Avec les luttes d’influence exacerbées par la guerre en Ukraine qui se déplacent lentement, mais surement sur le continent noir, avec comme point d’orgue la crise nigérienne, l’opportunité de trouver de nouveaux partenaires d’envergure internationale n’est pas à négliger pour les États africains.
Lamine Diouf