Armistice et histoires sénégalaises !
Le destin est parfois curieux. Le pouvoir est toutes griffes dehors, déterminé à dissocier le 15e sommet de la francophonie de toutes manifestations politiques légales, même à une semaine d’intervalle, même à plus de 30 km de distance. Mais il se débrouille on ne se sait trop ni comment ni pourquoi pour faire coïncider deux événements en principe majeurs dans l’agenda de la république : le discours de politique générale censé indiquer la voie tracée par le chef de l’Etat pour arriver à l’émergence, et le limogeage du procureur de la cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI).
Quelle main hasardeusement baladeuse a pu construire cette simultanéité inattendue entre deux faits qui n’ont rien de commun en apparence ? Voulait-on noyer le discours fleuve d’un chef de gouvernement pris dans le piège des détails qui lassent et ennuient en détournant, au beau milieu de cette journée du 11 novembre, l’attention de l’opinion sur le très médiatique procès de Karim Wade et Cie ? L’Etat a (toujours) ses mystères que la raison ignore, mais tout de même, le jeu d’ombres et de silences entretenu sur une ligne allant de l’Assemblée nationale à la Crei n’est pas sans intriguer.
Hier 11 novembre, était célébrée en France (et ailleurs) la fête de l’Armistice, épilogue de la première guerre mondiale. Pour l’occasion, et ici au Sénégal, l’Etat aurait peut-être tenté d’amorcer un grand virage dans le dossier de la traque des biens supposés mal acquis en sacrifiant littéralement celui qui est depuis plus de deux ans le symbole craché d’une politique répressive légale à laquelle une bonne partie de l’opinion a donné son onction. En écartant le procureur Alioune Ndao, l’Etat donnerait-il des gages de sa volonté de tourner une page judiciaire qu’il semble traîner comme un boulet et dans laquelle il n’aurait plus des certitudes fermes ?
Dans la dynamique du tout-émergence, les plus hautes autorités pourraient bien avoir opté pour une décrispation politique totale, laquelle viendrait en appoint aux promesses du dernier Doing business de la Banque mondiale, afin de se donner les moyens d’une maturation encore plus affirmée de l’environnement des affaires, si tant est que le dossier des biens mal acquis soit un vrai frein aux investissements. On appelle cela le réalisme.