Quand le Président manque d'assurance !
La «crise» du mode de scrutin pour l'élection des conseillers de ville est la première grande entorse politique et institutionnelle dans la gouvernance Macky Sall. Et à dire vrai, elle aurait dû ne jamais survenir, eu égard à de multiples raisons dont la plus fondamentale est en lien direct avec l'histoire politique récente d'un Président de la République en exercice élu dans dans des conditions exceptionnellement particulières.
Que cherche vraiment le chef de l'Etat à travers cette entreprise périlleuse pour laquelle il prend le risque de coaliser des forces politiques sur un autre front que celui, déjà mouvementé, de la traque des biens mal acquis ? On savait que son parti, l'Alliance pour la République (APR), jeune formation sortie des flancs du vieux parti routier qu'est le Pds, traîne une faiblesse généralisée qui lui ôte toute perspective autonomiste par rapport à ses alliés, pour un temps encore.
Mais on découvre, avec ce forcing basé sur l'usage sans état d'âme d'une majorité parlementaire mécanique, comment une victime politique d'un ancien régime aux limites de l'autoritarisme a pu ainsi muter en une sorte de bourreau vindicatif contre une frange importante de la classe politique.
Car, on ne comprend pas pourquoi le nouveau code électoral sénégalais, matière sensible autour duquel les acteurs politiques et de la société civile ont toujours cherché un minimum de consensus national, a-t-il pu être l'objet d'un quasi unilatéralisme jusque dans les modes de scrutin. Il a été plus ou moins facile sans doute de s'entendre sur plus d'une centaine d'articles «œcuméniques» lors de la Revue du code électoral, comme s'en réjouissent certains.
Mais ce n'est pas extraordinaire, loin s'en faut ! Le génie et la générosité politiques du pouvoir aurait consisté à trancher avec sincérité, justice et équité les nœuds gordiens du nouveau code général des collectivités locales : les clefs de répartition entre scrutins majoritaire et proportionnel, l'élection des futurs conseillers de ville, notamment. Une grande partie des enjeux de pouvoir sont à ce niveau là. La majorité présidentielle n'en a presque rien lâché, appétit vorace oblige !
Résultat des courses, c'est le Président de la République lui-même qui donne l'impression de manquer d'assurance quant à ses capacités intrinsèques à soutenir les combats électoraux qui l'attendent. Sa démarche, réfléchie mais clivante et peu inscrite dans l'intérêt général de la démocratie, n'autorise pas à penser qu'il a joué franc jeu, en dépit du détachement apparent dont il sait faire preuve.
PAR MOMAR DIENG