Publié le 9 Jan 2024 - 15:00
PRÉSIDENTIELLE 2024 - FAIBLE PRÉSENCE DES FEMMES

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Six femmes sur un ensemble de 93 candidats ont déposé leur dossier de candidature devant le Conseil Constitutionnel en vue de la présidentielle de 2024. Cette faible représentation des candidates semble témoigner d’une absence de leadership féminin dans nos formations politiques, souvent soumises à des pesanteurs socioculturelles qui entravent toujours leur ascension politique. 

 

Si notre pays a été longtemps cité en exemple pour ses avancées en matière de représentation politique des femmes, avec notamment la loi sur la parité, au regard des dossiers de candidatures déposés auprès du Conseil Constitutionnel, un constat s’impose. Sur les 93 dossiers de candidature pour l’élection présidentielle du 25 février prochain, on ne dénombre que 6 femmes : Anta Babacar Ngom, Aminata Touré, Aida Mbodj, Rose Wardini, Amsatou Sow Sidibé et Assome Aminata Diatta. Parmi ces candidates, seule Anta Babacar Ngom a pu valider ses parrainages, l’ancienne Premier ministre Aminata Touré (18.980 parrains) et Rose Wardini (31.000 parrains) doivent compléter un certain nombre de doublons, afin de valider ce passage périlleux des parrainages.

La lionne du Baol Aïda Mbodj, Amsatou Sow Sidibé et Assome Diatta n'ont pas pu avoir cette chance ; leur dossier de parrainage a été recalé par la commission de contrôle du parrainage. Cette sous-représentation de la gent féminine au scrutin le plus important de notre troisième république est aussi symbolisée par l’absence de candidate, lors de la dernière présidentielle en 2019. Sous le magistère de Macky Sall, seules trois femmes : Aminata Touré (Premier ministre 2013 -2014) puis Présidente du CESE (2019 -2020), Aminata Tall (2013-2019) et Aminata Mbengue Ndiaye (HCCT) depuis le décès d’Ousmane Tanor Dieng ont eu à exercer de hautes fonctions dans les hautes institutions dans notre pays.

L’Assemblée nationale, qui est composée de plus de 44 % de femmes, n’a jamais été dirigée par une femme. Sur le plan politique, les femmes leaders de parti ont du mal à s’imposer dans un paysage politique plutôt misogyne. Les profils de femmes leaders comme Aïssata Tall Sall (Osez l’Avenir) qui a rejoint la majorité, Pr Amsatou Sow Sidibé (CAR/Leneen) et Aminata Touré, sont symptomatiques de cette difficulté des femmes chefs de parti à se doter d’un appareil politique susceptible de porter leur candidature.

Selon plusieurs spécialistes, ces candidates auront du mal à fédérer autour d’elles, en raison de leurs ascendances politiques souvent issus des partis dominants : Mimi Touré (APR), Aida Mbodj (PDS), Aissata Tall Sall (PS). Cette ascendance politique les empêche souvent d’incarner une certaine forme de leadership capable d’agréger des forces autour de leur nom. Des candidates dont les partis souffrent d’un manque de structuration et d’animation et qui ne se rappellent des électeurs qu’en temps d’élections.  L’une des premières femmes à fonder et à diriger une formation politique Mariame Wone Ly, chef du Parti pour la renaissance africaine (Parena), a aussi souffert des pesanteurs socioculturelles qui ont souvent relégué la femme sénégalaise au second plan.  

Son parti a été officiellement reconnu, le 5 janvier 2000. L’historienne reconnaît avoir raté la candidature à la présidentielle de 2000 avec regret. « J’ai retiré ma candidature, parce que je n’avais pas confiance en la sincérité du scrutin. De plus, je ne voulais pas avoir un score ridicule qui pourrait décourager les femmes », a-t-elle reconnu quelques années après avoir rejoint la coalition présidentielle de l’époque (Cap21). Lors des élections législatives de 2001, son parti avait recueilli 3 351 voix, soit 0,18 %, et n'avait obtenu aucun siège à l'Assemblée nationale. 

Finalement, elle laissera cette primeur à Amsatou Sow Sidibé qui, en 2012, deviendra la première femme candidate à l’élection présidentielle.

Anta Babacar Ngom veut réussir là où ses ainées ont échoué 

Aujourd’hui, Anta Babacar Ngom de lAlliance pour la relève citoyenne (ARC) entend briser ce carcan socio culturel, en se présentant de cette nouvelle gent féminine décomplexée qui a réussi dans les affaires. Néanmoins, ce discours doit s’accompagner d’un fort travail de terrain et de structuration nécessaire pour affiner son offre politique dans l’avenir. Même Aminata Mbengue Ndiaye, secrétaire nationale du Parti socialiste, qui est l’une des seules femmes à diriger un parti historique, peine à imposer sa légitimité au sein de la maison Keur Léopold

« C’est regrettable que peu de femmes participent à l’élection présidentielle du 25 Février. Le premier facteur bloquant est le manque de moyens, car il faut reconnaître que disposer de ressources financières est indispensable pour prétendre concourir à l’élection, surtout présidentielle. (…) Je donne l’exemple de la candidate Anta Babacar qui est une capitaine d’industrie. Elle a véritablement les moyens de sa politique et cela s’est traduit par la validation de ses parrains. Le déplacement dans les régions, la mobilisation, la communication, la stratégie, l’organisation, les visites de proximité… tout cela nécessite une logistique. Il ne faut pas se leurrer, l’argent est indispensable pour une élection, même si certains soutiennent le contraire » souligne Adji Mbergane Kanouté, Vice-présidente du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar.

D’après la parlementaire, il faudra attendre l’élection présidentielle de 2029, pour voir une véritable percée de femmes au regard des acquis qui se sont consolidés. 

Mamadou Makhfouse NGOM 

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