Publié le 15 Sep 2023 - 23:48
PRÉSIDENTIELLE 2024

Les limites des candidats réformistes

 

Défaut de maillage du territoire, parrainage, émiettement et isolement, les candidats réformistes, qui ont du mal à créer de véritables dynamiques autour de leurs projets, malgré un discours qui porte, devront batailler ferme pour surmonter l’épreuve du parrainage.

 

Une présidentielle, c’est le rendez-vous entre un homme et son peuple. Mais il faut toute une machine en branle, prête à sillonner le pays, village par village, à la quête des suffrages des Sénégalais, pour espérer convaincre, afin de faire triompher sa cause. Ce qui manque de façon criante à nombre d'aspirants à la magistrature suprême. Souvent dans les médias, le discours de rupture qu’ils prônent passe plus ou moins dans les centres urbains et auprès de certaines opinions de la jeunesse et de l’élite.

Dans cette catégorie, on pourrait mettre l’ancien ministre Thierno Alassane Sall avec sa République des valeurs, l’ancien directeur général de la Sones Dr Abdourahmane Diouf, l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye qui s’engage pour une refondation des institutions, Bougane Guèye Dani qui nage dans les eaux de l’antisystème (un appel du pied à l’électorat de Pastef), le député Pape Djibril Fall qui s’érige en serviteur… Tous mettent en avant la volonté de rompre avec certaines pratiques politiciennes et l’instrumentalisation des institutions à des fins partisanes. Et tous les moyens sont bons pour entrainer une adhésion massive des Sénégalais.

Au niveau de l’Initiative citoyenne et républicaine Appel 2024 qui porte la candidature d’Abdoul Mbaye, on s’engage en un mandat de transition qui va permettre de remettre le Sénégal sur les rails. Acceptant de faire un mandat unique de cinq ans, l’ancien PM a prêté serment pour convaincre de sa bonne foi : ‘’Je jure devant Dieu (SWT), devant mon peuple, devant ma famille et en face de vous qui avez décidé de m'investir de votre confiance que si, par la grâce divine, je deviens président de la République du Sénégal, à la tête de l'équipe qui m'accompagnera pendant mon mandat, je respecterai et ferai respecter la loi…’’, confiait-il lors de son investiture.

Dans la même veine, Abdoul Mbaye, à l’instar de la plupart des candidats réformistes, promet de réformer la Constitution pour instaurer une véritable séparation des pouvoirs, de rendre la justice plus indépendante, de changer le mode d'élection des députés afin que le Parlement accueille de véritables représentants du peuple, de soumettre le choix des membres du gouvernement au respect de critères d'honnêteté et de compétence prouvées…

C’est dans le même cadre que s’inscrit la déclaration de campagne de Thierno Alassane Sall qui promet de ‘’réenchanter’’ le Sénégal. Ce qui passe, selon lui, par la lutte contre les inégalités, la corruption, les détournements de deniers publics, la mise en place d’une justice indépendante et des institutions fortes.

Selon l’ancien ministre de Macky Sall, ‘’le moment est arrivé pour notre nation de redécouvrir sa voie, celle de l'espoir, de la justice, de la connaissance, de l'égalité, de sa propre réalisation… La corruption et la mauvaise gouvernance doivent être éradiquées. Sans cela, aucun développement n’est possible. Ce sera, là, notre priorité’’.

A l’épreuve du vote utile

Malgré un discours qui accroche auprès des élites, des parcours plus ou moins élogieux, les candidats réformistes peinent à percer auprès des masses et du monde rural. S’y ajoute, auprès de leurs cibles privilégiées – l’élite et la jeunesse - il leur est souvent très difficile de s’imposer en raison du vote utile.

Pour la Présidentielle-2024, le défi sera surtout de convaincre cette catégorie de l’électorat dont une bonne partie est acquise à Ousmane Sonko dont la participation est sérieusement compromise.

C’est d’ailleurs conscients de cette limite que nombre d’entre eux mettent tout en œuvre pour plaire à l’opposant en prison, à ses militants et à ses sympathisants.

Il faut noter que pour cette élection à venir, le candidat qui sera soutenu par le président de l’ex-parti Pastef - dans le cas où il ne serait pas autorisé à participer - a des chances réelles de jouer les premiers rôles.

En 2019, la plupart de ces candidats réformistes avaient été recalés à l’étape même du parrainage, soit une vingtaine sur la trentaine de candidats à la candidature. C’est d’ailleurs là l’un des principaux défis auxquels ils vont devoir faire face.

Pour rappel, en ce qui concerne le parrainage, la loi prévoit un taux-plancher de 0,6 % et un taux-plafond de 0,8 %. Il faudrait également veiller à ce que les parrains ne soutiennent pas d’autres candidats et qu’ils soient répartis dans un certain nombre de régions. Ce qui est loin d’être gagné pour ces candidats peu implantés à l’intérieur du territoire.

Le danger de l’émiettement

L’autre grand ennemi de ces réformistes, c’est leur émiettement dans un environnement électoral où les grandes coalitions et les grands partis ont tendance à dicter leurs lois à toutes les élections. Depuis 2012, c’est la coalition conduite par le parti au pouvoir qui gagne à toutes les compétitions. Le candidat de l’opposition qui dispose le plus de soutiens arrive souvent à la deuxième position. Chez les réformistes, chacun se cantonne dans ses propres ambitions. Ce qui rend encore plus difficile leur tâche. Le vote utile aidant, les électeurs ont souvent tendance à recourir au candidat le mieux placé pour remporter la bataille, pas celui qui a le plus beau programme ou le meilleur profil. La question, c’est de savoir pourquoi ces gens qui ont approximativement le même discours, le même idéal, ont du mal à se mettre ensemble ? N’est-ce pas là un mauvais signal qui montre qu’à l’instar des autres partis, ils ne sont obnubilés que par le pouvoir et que leurs intérêts individuels priment sur l’intérêt du peuple ? Une chose est presque sûre : avec cet émiettement, ils ont très peu de chances de supplanter les partis traditionnels.

À côté de ces candidats réformistes dont le principal défi est de surmonter l’épreuve du parrainage, il y a les candidats avec des organisations certes présentes dans plusieurs parties du territoire, mais pas suffisamment implantées pour espérer jouer les premiers rôles à la Présidentielle. Parmi eux, l’ancien maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall, l’ancien ministre et candidat du Grand parti Malick Gakou. Tous deux des produits du système qui ont appris à faire leur mue au contact de l’opposition.

Pour le cas Khalifa Ababacar Sall, depuis quelque temps, il se démène comme un beau diable pour pallier cette insuffisance du défaut d’encrage à l’intérieur du pays, à travers notamment son programme ‘’Motali Yéene’’. Une tournée politique qui l’a déjà mené dans plusieurs recoins du Sénégal et du monde. Il en profitera sans doute pour essayer de refaire son image sérieusement écornée par la campagne de dénigrement dont il a pu faire l’objet, suite à sa décision de participer au Dialogue politique pour retrouver son éligibilité.

Pour sa part, Malick Gakou, qui n’avait pas dépassé en 2019 le cap du parrainage, doit avoir appris de ses épreuves pour espérer participer à la prochaine Présidentielle.

Pour rappel, à l’époque, Gakou avait eu un nombre important de parrains, dépassant largement le seuil requis, mais il a été pénalisé par le système cruel qui rejette le double parrainage. En sus, il devra également batailler ferme pour étendre ses tentacules au-delà de son Guédiawaye, pour espérer avoir des chances présidentielles.

Contrairement aux réformistes qui se caractérisent par leur isolement et leur dispersion, ces produits du système savent créer de véritables dynamiques autour de leurs projets pour maximiser leurs chances auprès de l’électorat.

Mor AMAR

Section: 
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