Près de 100 candidats attendus
Malgré la caution, malgré le parrainage, au moins 95 personnes ont réussi à déposer leurs dossiers pour participer à la Présidentielle de février 2024.
Une journée fatidique. Rarement, le Conseil constitutionnel n’a été aussi assailli pour les besoins du dépôt des candidatures pour une élection présidentielle. Jusque dans l’après-midi d’hier, alors même que le délai prévu pour le dépôt des candidatures avait expiré la veille, les candidats étaient dans les locaux de la haute juridiction pour accomplir la formalité. ‘’En fait, ce sont des candidats qui sont à l’intérieur du Conseil depuis hier à minuit. La loi leur permet donc de déposer légalement, puisqu’ils étaient là avant minuit’’, explique un expert à EnQuête.
Avec ce rush du dernier jour, il est clair que la présidentielle de 2024 va battre tous les records en termes d’aspirants à la magistrature suprême, peut-être même dans tout le continent. Malgré le cautionnement de 30 millions, malgré le parrainage, il y aura au moins 95 candidatures que les sept sages vont devoir examiner pour déterminer qui va participer à la prochaine élection présidentielle de février 2024. D’ailleurs, à cause de cette situation surprenante, le tirage au sort pour déterminer l’ordre de contrôle des parrainages, initialement prévu aujourd’hui, est reporté jusqu’à demain.
Dans un communiqué, la haute juridiction confirme : ‘’Initialement prévu pour le jeudi 28 décembre 2023, le tirage au sort déterminant l’ordre de contrôle des parrainages est reporté au vendredi 29 décembre’’. Jusqu’en début de soirée, les formalités pour les dépôts se poursuivaient dans les locaux du Conseil constitutionnel. Cela s’explique certes par l’intérêt croissant des Sénégalais pour la prochaine présidentielle, mais aussi par le fait que lesdites formalités prennent du temps, avec les neuf pièces à produire, sans parler du fichier électronique qu’il faut aussi ouvrir et vérifier sur place avec le mandataire avant de le mettre sous scellé.
Les doublons presque inévitables avec ce nombre de candidatures
Face à cette situation pour le moins inattendue, la période prévue pour les vérifications devra prendre un peu plus de temps. En tous les cas, selon les termes de la loi, les sept sages ont jusqu’au 12 janvier prochain pour procéder à la vérification et au contrôle des parrainages, soit 43 jours avant le scrutin. En effet : ‘’A l’issue de l’instruction, le Conseil constitutionnel procède, au plus tard, quarante-trois jours avant le premier tour du scrutin, à la notification, aux mandataires concernés, des dossiers déclarés invalides à cause d’un parrainage sur plus d’une liste, si ce fait va entrainer la non obtention du minimum requis de 0,6 % des électeurs inscrits au fichier et ou du minimum d’électeurs requis par région et dans au moins sept régions’’, dispose la loi électorale. Le cas échéant, ajoute le texte, le mandataire dispose de quarante-huit heures pour régulariser en remplaçant le ou les parrains invalidés.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec le nombre important de candidatures, la probabilité de se retrouver avec des doublons est très forte. Aux termes de l’arrêté n°032005 du 25 septembre fixant le nombre d’électeurs et d’élus requis pour le parrainage, le maximum de parrainages requis pour la présidentielle de février 2024 est fixé à 58 975 électeurs (0,8% du fichier)). Quant au minimum, il est fixé 44 231 électeurs (0,6% du fichier). Cela voudrait dire que si chaque candidat présente le maximum requis, il faudrait au minimum 5 602 625 parrains-électeurs sur un fichier de plus de sept millions d’électeurs pour qu’il n’y ait pas de doublons.
Il s’en est donc fallu de très peu pour qu’on soit dans une situation où il serait matériellement impossible de respecter la formalité liée au parrainage. Ce qui remet au goût du jour la décision de la Cour de Justice de la Cedeao relative à ce mécanisme.
Certains favoris esquivent le parrainage citoyen, les petits candidats pris dans un engrenage
Pendant que certains candidats auront du mal à dormir à cause de ce risque trop élevé de tomber dans le piège des doublons, d’autres ont moins de pression. C’est le cas par exemple du candidat de Benno Bokk Yaakaar Amadou Ba qui n’a voulu prendre aucun risque. Selon les informations, il aurait tout bonnement opté pour le parrainage par les élus, beaucoup moins risqué.
A côté du candidat de la majorité présidentielle, les seules entités pouvant parrainer un candidat de par leurs élus, sans recourir à des entités tiers, c’est l’ex-Pastef qui a présenté deux candidats (Sonko et Diomaye), le Parti démocratique sénégalais et Taxawu Sénégal de Khalifa Ababacar Sall. A part eux, aucun candidat n’a les moyens de recourir aux parrainages par les élus sans l’appui d’autres entités.
Selon certaines informations qui n’ont pas été confirmées par le Parti d’Ousmane Sonko, l’ancien directeur de cabinet de Wade, Habib Sy, aurait réussi à obtenir le parrainage de quelques députés de l’ex-Pastef. Il faut souligner que ce dernier n’a eu de cesse de multiplier les initiatives pour donner des gages au maire de Ziguinchor. Tout en étant candidat à la candidature, il n’avait pas hésité à annoncer qu’il parraine celui qui a été désigné par Sonko comme plan B, en l’occurrence Bassirou Diomaye Faye.
Habib Sy ne s’en est pas limité là. Invité par RFM, il disait : ‘’Si la candidature de Sonko est validée, je vais retirer ma candidature pour le soutenir. Si c’est invalidé, je ne suis pas de Pastef pour me permettre de me prononcer sur leur conduite. Moi je me présenterai comme le candidat de la transition. Je demanderai à toute l’opposition de soutenir cette candidature, parce que je suis leur doyen. J’ai fait 36 ans d’opposition, je pourrai tranquillement conduire l’opposition au pouvoir pour remettre à l’endroit un certain nombre de choses. Je n’ai pas besoin de durer au pouvoir parce que cela ne m’intéresse pas.’’
Le compte à rebours commence dès demain
Pour le moment, les favoris n’ont pas trop communiqué sur le mode de parrainage qu’ils ont choisi. Ce qui est sûr c’est que le choix pour le parrainage citoyen peut être lourd de conséquences dans la mesure où une fois que le choix est fait, il est impossible d’y revenir. Quant aux outsiders et autres petits candidats, ils n’ont pas trop le choix. Ils sont obligés de faire avec le parrainage citoyen.
Rappelons que le tirage au sort pour déterminer l’ordre de passage des candidats pour le contrôle, initialement prévu aujourd’hui, aura finalement lieu demain 29 décembre 2023. Les opérations de contrôle pourraient être lancées dès le lendemain et tout risque d’aller très vite, comme c’était le cas en 2019, car cette phase doit être bouclée avant le 12. Il faudra attendre 35 jours avant le scrutin pour voir la publication de la liste des candidats retenus.
C’est à la suite de cette publication, que les candidats recalés pourront introduire des recours. ‘’Les réclamations doivent parvenir au Conseil constitutionnel avant l’expiration des quarante-huit heures qui suivent le jour de l’affichage de la liste des candidats’’, souligne la loi électorale en ses articles L121 et suivants. Le Conseil constitutionnel, selon la loi, examine ces recours et statue sans délai.
"La Cour de Justice de la Cedeao avait prévenu
Il faut rappeler que la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest avait demandé à l’Etat de revoir la loi sur le parrainage pour divers motifs. Selon la haute juridiction communautaire, le Code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi 2018-22 du 04 février 2018 ‘’viole le droit de libre participation aux élections’’.
Suite à ce constat, les juges de l’organe communautaire ordonnaient à l’Etat du Sénégal ‘’de lever tous les obstacles à une libre participation aux élections consécutifs à cette modification par la suppression du système du parrainage électoral’’ ; ils avaient ainsi donné six mois à l’Etat, à compter de la notification de la décision, pour soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution de cette décision."
Mor AMAR