Publié le 12 Aug 2024 - 09:34

Réforme et modernisation de la Justice : Quelques propositions

 

  1. Nous prenons aujourd’hui un pari risqué. En effet, nous ne sommes point spécialiste du droit, quoique nous l’ayons étudié durant notre cursus universitaire et l’ayons pratiqué au cours de notre carrière. Cependant, nous nous considérons comme citoyen et comme porteur de droits. La justice joue un rôle important dans le leadership, la gouvernance et le management, question dont s’occupe le Centre d’Excellence pour le Leadership et le Management pour le Développement de l’Afrique (CELMAD) dont nous sommes le Président. « Les juges se prononcent en dernier ressort sur la vie, les libertés, les droits, les devoirs et les biens des citoyens » C’est pourquoi,  les Assises de la Justice ne sauraient point ignorer le point de vue d’un citoyen, si naïf, soit – il. Mieux, le Gouvernement l’a même sollicité à travers la plateforme mise en place à cet effet, en préparation des assises.

 

  1. Pour toutes ces raisons, nous voudrions nous autoriser à faire quelques suggestions sur le rapport des Assises nationales de la Justice. Nous voudrions d’abord nous permettre de remercier le Président de la République d’avoir convoqué ces assises et de féliciter les participant.e.s et les facilitateurs et facilitatrices pour la qualité du rapport que nous avons lu avec intérêt in extenso.

 

  1. Après des commentaires généraux, nous nous appesantirons sur les quatre recommandations essentielles avant nos recommandations spécifiques.

Commentaires généraux 

Vision sociétale pour sous-tendre la réforme constitutionnelle et celle de la justice

  1. La question des réformes de la justice ne saurait être dissociée de celle d’une vision de transformation sociétale, éthique, équitable, inclusive, structurelle et durable. Les autorités actuelles parlent de « transformation systémique ». C’est pourquoi, il m’avait semblé plus judicieux, si l’on ne veut pas réduire les réformes à des questions d’ajustement technique, de décliner de manière plus explicite, la vision et les institutions devant la sous-tendre avant de convoquer des assises pour la réforme de la justice. En effet,  les spécialistes en organisation citent souvent l’adage de Louis Sullivan (en architecture) que « la forme suit la fonction » nous rappelant que le modèle opératoire en affaires doit être défini pour mettre en œuvre une stratégie définie. Bien sûr, nous pouvons comprendre que les citoyen(ne)s aient eu urgence à voir la « justice réformée » vu le rôle que les anciennes autorités lui avaient fait jouer. En outre, certainement l’offre électorale du Président actuel incluait des points relatifs à la justice.

 

  1. Le rapport propose des réformes institutionnelles (révision de la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature), création d’une cour constitutionnelle à la place du conseil constitutionnel et d’une nouvelle entité « la Haute Autorité de Justice ». Vu les considérations précédentes et nos commentaires ci-dessous, il semblerait plus prudent de mieux analyser l’architecture judiciaire actuelle, d’examiner les différentes fonctions à assumer pour une justice performante, les performances actuelles, de faire une analyse critique des propositions de réforme déjà faites (Assises, CNRI, Pacte de Bonne Gouvernance, Lettre de politique sectorielle de la justice 2018 – 2023, différents rapports de la cour suprême, d’autres instances, Examens périodiques universels…), les incidences sur les autres institutions et la constitution, et les bonnes pratiques, afin de suggérer des propositions détaillées, y compris dans les fonctions. Les rédacteurs et rédactrices en ont conscience car le rapport mentionne clairement la nécessité d’une étude approfondie de ces recommandations. Ces suggestions s’inscrivent dans ce cadre. 

L’Ethique et la déontologie jouent un rôle cardinal quelles que soient les institutions mises en place

 

  1. Les questions complexes ne requièrent pas seulement des solutions techniques mais plutôt ou plus encore, des solutions de leadership incluant la vision. Du reste, au Sénégal, des réflexions, bien sûr dont il faut faire la critique, ont formulé des suggestions (voir ci-dessus). En effet, quelle que soit la qualité des institutions, elles sont dirigées par des êtres humains. Il en résulte l’importance de l’éthique, de la déontologie, du leadership, de la gouvernance et du management, des femmes et des hommes faisant ou devant faire fonctionner ces institutions, même si ces personnes ont été nommées par l’Exécutif. « Une sorte de barrière psychologique s'installe entre le désignateur et le désigné : le « devoir d'ingratitude » comme l'appelait G. Vedel, et que je dénommerais plutôt « devoir d'amnésie » pour englober aussi l'effacement du poids ou des présupposés pouvant résulter de nos antécédents professionnels. »  Nous pourrions aussi citer Badinter. Le rôle du Conseil Constitutionnel durant la période électorale présidentielle 2024 au Sénégal, de la Cour Constitutionnelle du Niger durant la tentative de « tazarché » (« continuité en haussa ») de 2009 au Niger avec le Président Tandia ou du « Supreme Court » du Kenya durant l’élection présidentielle de 2017, en constituent des exemples éloquents en Afrique. Hors du continent, nous pouvons citer le rôle de la Cour Suprême des Etats Unis à l’égard de Nixon dans l’affaire du Watergate ou de la justice par rapport à l’Affaire Clinton – Monica Lewinsky. C’est pourquoi, nous pensons que le texte des Assises devrait donner plus de place à l’ « éthique et la déontologie » tant dans la formation des magistrats que dans l’exercice de leur fonction. A sa décharge, le rapport souligne l’importance de la déontologie et de l’éthique pour les juges (et tous les acteurs de la justice) (p. 41-42 et recommandation 12). En effet, les juges, in fine, rendent les décisions sur la base de leur « intime conviction ». Le cadre dans lequel ils ou elles agissent est prédéterminé par le législateur votant les lois, l’autorité judiciaire concernée (actuellement le Conseil Constitutionnel pour certaines lois ; les Assises de la Justice proposent d’étendre cette validation de constitutionnalité à toutes les lois) validant les lois et l’Exécutif les promulguant.  Pour les Assises Nationales de 2009, nous avions envoyé un texte (adressé directement à un participant qui nous avait sollicité, à cause du devoir de réserve vu nos fonctions à l’époque) un texte sur l’éthique et la déontologie. Les grandes lignes de ce texte nous paraissent toujours valables.

Approche holistique pour un « secteur » si crucial dans la société

 

  1. L’approche « holistique » s’avère aussi nécessaire dans la mesure où, même sans parler de la justice en général, rien que « le ministère de la Justice évolue dans un environnement institutionnel qui le met en relation avec d’autres administrations exerçant des missions complémentaires ou connexes à la sienne, dans des domaines aussi variés que l’exercice de l’action publique, la protection des mineurs, la lutte contre la corruption, la promotion des droits humains : institutions de régulation, ARTP, ARMP, CCNDH, OFNAC et CENTIF, Comité sénégalais des droits de l’homme, CNLTP, ONLPL. » Le rapport des Assises explique clairement que « La refondation de la Justice entretient par ailleurs des liens profonds avec le renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie, ce qui appelle la création de nouveaux organes. » (p.58) 

 

 

  1. Cette approche « holistique » requiert de considérer tous les droits tels qu’édictés dans notre constitution et dans la conception de l’Etat de droit, notion soulignée par le rapport (p. 58). « Cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. ». « Dans l’État de droit l’existence d’un pouvoir judiciaire indépendant et impartial est une exigence structurelle de l’État et non plus un octroi des pouvoirs législatif et exécutif. Cette nouvelle conception du rôle du pouvoir judiciaire ne peut pas ramener l’indépendance du juge au champ de la décision. Mais elle implique toute une indépendance à l’avant et après la décision. Elle implique l’existence de modèles organisateurs du système judiciaire qui puissent rendre visible et efficace, non seulement, l’indépendance de chaque juge mais du pouvoir judiciaire dans son ensemble ». Le Secrétaire général de l’ONU a décrit l’état de droit comme « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. »   C’est pourquoi, il faudra revoir toutes les lois discriminantes, y compris et surtout celles liées au genre et aux vulnérabilités, et les rapports et traités afin d’assurer l’égalité des citoyen.ne.s. et de considérer tous les droits, y compris ceux des traités et engagements internationaux, de l’UEMOA, de la CEDEAO, de l’UA (incluant agenda 2063) et de l’ONU (incluant agenda 2030).

 

  1. Cette approche requiert l’analyse des interrelations et des interconnexions des recommandations formulées. Un exemple concerne le personnel et les infrastructures. Par exemple, il est plus important de s’assurer de la réduction des prisonniers que de développer davantage d’infrastructures pour accueillir ceux ou celles qui ont enfreint la loi. Nous comprenons, vu la surpopulation carcérale, l’urgence de la construction des infrastructures. Cependant examiner des méthodes alternatives à la prison, accélérer le traitement des dossiers, la digitalisation et la réhabilitation (voir exemple de la Norvège) constituent aussi des éléments à approfondir. A juste titre, le rapport inclut certains de ces facteurs. De manière générale, il s’agit donc de former des citoyen.ne.s respectant la loi (les détenteurs de droits) et l’Etat et les institutions porteuses d’obligations et de responsabilités pour un droit déterminé. Ainsi, si l’Etat de droit était appliqué, y compris le respect de la manifestation, la non-utilisation de la justice à des fins politiques, certainement les arrestations auraient été réduites voire inexistantes, conduisant à une population carcérale moins nombreuse. C’est pourquoi, nous considérons le « jub, Jubbanti, jubal » comme un facteur essentiel de réforme de la justice, car conduisant à l’éducation de citoyen.ne. s respectueu.x.ses de la loi, exerçant leurs droits comme ayant droit et au fonctionnement des institutions fonctionnant de manière équitable et ainsi développant leur crédibilité et la confiance des citoyen.ne.s. Le texte a souligné l’importance de l’éducation citoyenne. Cependant la responsabilité des partis politiques, conformément à la loi les régissant, devrait être rappelée dans l’éducation de leurs militant.e.s ainsi que dans les moyens à utiliser dans les joutes politiques. Les médias, l’école, certaines institutions, notamment de la société civile, jouent aussi un rôle important dans ce cadre. L’impact positif de l’éducation citoyenne, y compris dès le plus bas âge, aura certainement comme effet de diminuer les infractions, donc le nombre de prisonnier.e.s.

 

  1. Dans ce contexte de refonte, nous pensons que le problème de fond de nos institutions résulte de l’insuffisante transition de la « royauté » à la « république ». Nous avons déjà développé une telle position dans une émission télévisuelle et allons l’étayer davantage dans des publications subséquentes. Nous avons été très honoré qu’une éminente personnalité, de surcroît juriste de renom, l’avocat et ancien ministre, Me Ndoye, ait donné une onction de vérité conceptuelle à ce commentaire. Il a même suggéré une refonte de notre constitution prenant en compte cette assertion. La justice ne fait pas exception à cette royale sanction. Ne dit-on pas souvent « ndawal Buur », « Borom reewi-mi »… Notre tradition inclut l’aspect égalitaire concernant la justice « fa mbaxana doone benë ». C’est pourquoi, des réformes de la justice, incluant des aspects institutionnels ou de refonte de texte, requièrent de considérer une approche plus holistique y compris de revue constitutionnelle. Cela permettrait d’éviter des décalages ultérieurs et des rattrapages. L’ajustement du règlement intérieur de l’Assemblée nationale (même si la démarche peut inclure des relents politiques) en donne un exemple. La question des ressources notamment budgétaires (infrastructures, personnel…) nécessite aussi des arbitrages et une réallocation financière. En outre, l’option de « digitalisation » aura aussi des incidences sur les performances des institutions judiciaires et donc sur le nombre de personnes physiques requises et leurs qualifications ou requalifications pour assurer les fonctions nécessaires. Cela entraînera ainsi des conséquences sur la nature et le nombre des infrastructures judiciaires notamment les prisons et les tribunaux, mais aussi sur les compétences des magistrats au-delà du droit. Du reste, le développement des TIC et la digitalisation (inclus dans le rapport) induisent l’acquisition de compétences dictées par de nouvelles considérations juridiques telles que la cybercriminalité, la protection des données et la gestion des relations d’affaires.

Autorité judiciaire et non « pouvoir » judiciaire

 

  1. Les réformes doivent aussi prendre en compte l’exactitude des concepts. Or, il y a beaucoup d’abus dans les concepts utilisés, pas seulement au Sénégal. Nous voudrions limiter nos commentaires à la notion de « pouvoir judiciaire ». Bien sûr autant Locke que Montesquieu parle de « pouvoir exécutif, législatif et judiciaire » et de leur séparation. Pour Montesquieu: « Lorsque le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif se trouvent dans les mains d’une même personne ou d’un même organe souverain, il n’y a point de liberté » et il ajoute « Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. De quelque façon cet auteur ne réputait pas le pouvoir judiciaire comme un tiers pouvoir placé sur le même plan du législatif ou de l’exécutif. Il devrait être en quelque façon invisible et nul et les juges ne sont plus que la bouche de la loi. Pour Montesquieu la loi devrait être si absolue et auto suffisante, en donnant des critères juridiques génériques et abstraits, qu’elle ne devrait pas être plus que la prémisse majeur d’un syllogisme » (Montesquieu)

Cependant, la doctrine a évolué avec la notion de « collaboration de pouvoirs » comme en France ou avec des « check and balances » comme aux USA, pour assurer une neutralisation des excès de pouvoirs pouvant conduire à l’absolutisme, contre lequel luttait le concept de séparation des pouvoirs.

 

 

  1. Le glissement sémantique pourrait amener à mettre « le pouvoir judiciaire » sur le même plan que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Or, même, si notre constitution parle de « pouvoir judiciaire » Titre VIII, il s’agit en fait d’ « autorité judiciaire ». Du reste, le Titre VIII de la constitution de la Vème République Française dont dérive la nôtre, parle à juste titre d’« autorité judiciaire ». En effet, dans notre pays, si le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont élus au suffrage universel. Tel n’est pas le cas du « pouvoir judiciaire ». Ainsi, il est plus judicieux de parler d’ « autorité judiciaire » y compris en révisant le titre VIII de notre constitution. En outre, il serait aussi important de mettre la présentation de l’autorité judiciaire avant les autres Institutions telles que le CESE.

 

  1. Du reste, dès son accession à l’indépendance, le Sénégal a, dans sa Constitution du 26 août 1960, consacré la justice comme une autorité judiciaire. Ce n’est que trois années après, avec la Constitution du 07 mars 1963, que la justice est passée d’une autorité judiciaire à un pouvoir judiciaire conformément aux dispositions de l’article 80 : « Le pouvoir judiciaire, indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, est exercé par la Cour suprême et les cours et tribunaux. ».

 

 

  1. Dans certains pays, les juges sont élus, et dans d’autres pays, le ministre de la justice est en même temps le procureur général (« Attorney General »). Cette pratique existe surtout dans les pays anglophones. Les juges, notamment de la cour suprême, aux Etats – Unis sont nommés par l’Exécutif et sont inamovibles mais doivent être entendus par le Sénat. Celui-ci peut refuser une nomination, donnant ainsi une participation des deux branches élues : l’Exécutif et le Législatif dans le processus. La bataille autour de la nomination du juge Clarence à la cour suprême des Etats Unis en 1991 (finalement approuvée) en est un exemple épique. En outre, aux Etats Unis, les citoyens exercent directement le pouvoir judiciaire aussi. En effet, « les procès de tous les crimes, excepté dans les cas de « impeachment », sera devant un jury populaire » (constitués de citoyens tirés au sort).  Ainsi, aux Etats unis, « tous les moyens de désignation des juges, qu’il s’agisse de la nomination ou de l’élection, confèrent au juge une représentativité directe ou indirecte. Ils jouissent par conséquent d’une légitimité démocratique dont les magistratures continentales (lisez Europe Continentale) sont dépourvues. ». « En définitive, dans la culture politique américaine, le pouvoir judiciaire est le symbole d’une conception légaliste de la démocratie fondée sur l’Etat de droit »

 

  1. C’est pourquoi, dans notre contexte, la séparation des pouvoirs est d’abord et avant tout celle des deux pouvoirs élus au suffrage universel : l’Exécutif et le Judiciaire. Les juges n’exercent leurs fonctions que dans le cadre de la loi définie par le pouvoir judiciaire. Cette liberté de juger de manière indépendante a été aussi la pensée de l’auteur de l’esprit des lois. L’indépendance de la justice est en réalité encadrée par les deux pouvoirs élus au suffrage universel : l’exécutif avec le pouvoir de nomination et le législatif en tant que « faiseur des lois ». « Le juge est très simplement un «exécuteur», «la bouche de la loi», subordonné à la volonté des organes législatifs. L’idée de créativité jurisprudentielle est réduite aux marges d’appréciation laissées par le législateur. » C’est une raison de plus pour ne pas mettre « l’autorité judiciaire » comme « pouvoir » au même niveau que le Pouvoir législatif et le Pouvoir exécutif. Il faut souligner que la notion d’ « Etat de droit » tel que défini au paragraphe 8, donne une plus grande indépendance à la justice.

Indépendance de la Justice

  1. Ainsi, ce recentrage de la Justice au niveau d’une « Autorité Judiciaire » et ces discussions ne doivent point empiéter sur l’indépendance de la justice. En effet, autant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen  de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et le statut universel des juges insistent sur cet aspect. Les principes fondamentaux de l’indépendance de la justice  comprennent notamment : (1) l’indépendance de la magistrature ; (2) la liberté d’expression et d’association ; (3) la qualification et la formation ; (4) les conditions de service et durée du mandat ; (5) le secret professionnel et l’immunité ; (6) les mesures disciplinaires, suspension et destitution.  Il faudrait donc s’assurer que le statut de la magistrature consacré au Sénégal par la loi organique inclut toutes ces provisions et qu’elles sont respectées.

 

  1. L’indépendance de la justice est à la confluence de deux indépendances, celle de la justice et celle du ou de la juge. Le contexte même peut exercer, par l’action citoyenne bonne ou mauvaise, une influence plus ou moins forte sur les décisions de justice ou de l’analyse et de la conscience du ou de la juge pour sa décision. Il n’est que de voir, dans notre pays, comment, avec les mêmes textes, la même architecture judiciaire, on peut promouvoir ou non la démocratie : les dernières élections et la publication des rapports des différents corps de contrôle actuellement ou l’auto-saisine par le procureur présentement en donnent quelques illustrations. Concernant le Sénégal, des réflexions antérieures (Pacte National de Bonne Gouvernance, Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) et Assises Nationales) ont été menées.Les différents rapports, notamment l’examen périodique universel (EPU), fournissent des éléments de conformité de l’Etat du Sénégal aux droits reconnus. Peut-être une recommandation serait d’inclure tout ou partie des mesures acceptés par le Sénégaldans ce rapport, s’ils n’y figurent pas déjà.

Elargir le champ des options pour les réformes au – delà de la France

  1. Le rapport gagnerait à changer de paradigme comme il le souligne pour les attributs de la justice, en questionnant notre culture, notre histoire, notre sociologie, notre anthropologie tout en intégrant les perspectives du XXIème siècle, non seulement dans les moyens comme soulignés (TIC, intelligence artificielle) mais aussi dans les nouveaux domaines de droit à explorer. L’horizon des réformes pourrait aussi aller au-delà de la France. En effet, certaines recommandations – même si elles peuvent être opportunes – dérivent directement des réformes françaises : « le Commissaire de justice » (La profession de commissaire de justice existe depuis le 1er juillet 2022. Elle résulte de la fusion de deux professions : celle d’huissier de justice et celle de commissaire-priseur judiciaire.), l’Ecole des Avocats, la sortie du Président de la République et de son ministre de la Justice du CSM, le juge des libertés. Ainsi les réformes pourraient incorporer des approches d’autres pays, y compris Africains. Nous citerons par exemple le Rwanda avec les solutions locales les Gacaca, les Abunzi, les centres d’appui à la justice, structures auxquelles, en tant que UN, nous avons prodigué des appuis, ou la digitalisation avec le « Integrated Electronic Case Management System ». IECMS a reçu en 2008 et en 2017 des Awards internationaux et a permis au système judiciaire Rwandais de continuer à fonctionner normalement durant la COVID-19. Il permet aussi une traçabilité des dossiers et des détenus. En effet, des pays comme Maurice avec l’avantage des approches francophones et anglophones, le Cap-Vert, la Namibie, l’Afrique du Sud (système de sélection et de nominations des magistrats comme la Commission de la Magistrature ou les cours traditionnelles ), le Rwanda sont considérés comme de bons exemples à explorer. Ou dans le monde (Norvège…) La continuation des échanges d’expériences avec d’autres pays Africains, par exemple, permettrait au Sénégal de bénéficier des performances de ces pays et de partager les siennes. L’Angleterre et les Pays de Galles représentent aussi de bons exemples en justice communautaire.

Examen des recommandations fortes La Cour Constitutionnelle

  1. Concernant « la transformation du Conseil constitutionnel en une Cour constitutionnelle qui serait la juridiction suprême du pays, comprendrait des membres non-juristes, pourrait s’auto-saisir et être directement saisie par des citoyens dont les droits constitutionnels fondamentaux seraient violés », des exemples Africains existent. Citons la cour constitutionnelle du Niger (avant le Coup d’Etat de 2023)  tant en ce qui concerne sa composition (deux personnalités ayant une grande expérience professionnelle en matière juridique ou administrative dont une proposée par le Président et une proposée par le Bureau de l’Assemblée Nationale ; un avocat ayant au-moins dix années d’expérience, élu par ses pairs ; un enseignant chercheur titulaire d’un doctorat en droit public, élu par ses pairs, un représentant des associations des droits humains et de promotion de la démocratie, titulaire au moins d’un diplôme de 3ème cycle en droit public, élu par le ou les collectifs de ces associations. Les membres de la cour sont nommés pour six ans par le Président de la République. Le Président est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable et le Vice-Président est élu par ses pairs pour une durée de deux ans renouvelable ) que sa saisine y compris par les citoyens.

Haute Autorité de la Justice

  1. Le rapport mentionne « le besoin d’offrir un espace de participation à l’œuvre de justice se fait sentir chez les citoyens et la société civile » pour justifier la création d’une Haute Autorité de la Justice. « La création d’une Haute Autorité de la Justice, institution constitutionnelle au sein de laquelle acteurs et usagers vont désormais assurer un contrôle du bon fonctionnement du système judiciaire, examiner et approuver toutes les politiques publiques y afférentes élaborées par le gouvernement ». Comme mentionné plus haut, la constitution doit être révisée pour remplacer « pouvoir judiciaire » dans le titre VIII de la constitution par « Autorité Judiciaire ». Nous ne sommes pas pour la création d’une Haute Autorité de la Justice. En effet,  ses attributions sont déjà prises en compte par divers organes comme le contrôle du bon fonctionnement par l’Exécutif ou le Législatif ou des structures de l’architecture judiciaire y compris la cour constitutionnelle proposée. Le contrôle des politiques publiques relève du législatif et de l’exécutif, deux entités élus au suffrage universel. Ainsi, la politique pénale de l’Exécutif (cf. par exemple la Lettre de politique sectorielle 2018 – 2022) ne saurait être décidée par un groupe dont les membres n’ont pas reçu l’onction du suffrage universel.

 

  1. Le rôle d’  « accompagnant, conseillant et sensibilisant les acteurs et usagers de la justice » est pris en compte par plusieurs acteurs intervenant dans la formation des citoyen.ne.s y compris l’Etat par la formation civique, l’accès à la justice avec le Fonds y afférent, les ONG et acteurs de la société civile ; les entités décentralisées et à travers les enquêtes des citoyens directement.

 

  1. La fonction « • renforçant et garantissant l’intégrité et l’indépendance de la justice ». Le président est le « garant de l’indépendance de la justice (art.64 de la Constitution Française » d’où découle le rôle de conseil du CSM Français (art 65). Autant nous nous posons des questions sur l’Exécutif garantissant l’indépendance de l’Autorité judiciaire, autant il me semble difficilement compréhensible qu’une Haute Autorité de la Justice garantisse « l’indépendance » de cette même justice.  Il faut noter que notre Constitution confère au Président de la République le rôle de « garant du bon fonctionnement des institutions ».

 

  1. Le rôle de « • veillant à l’élaboration et la bonne application des règles de fonctionnement de la justice ». Autant l’Exécutif que le Législatif joue un rôle important dans ce cadre. Nous nous demandons aussi comment une Haute Autorité de la Justice peut avoir cette fonction et celle de « améliorant régulièrement la situation matérielle et sociale des acteurs de la justice ». La HAJ n’est ni votant de la loi de finance ni ordonnateur de budget. Il en est de même de  « • évaluer la productivité, le rendement des juridictions ainsi que la qualité des services de Justice en collaboration avec les organes et institutions de contrôle et de supervision du fonctionnement de la Justice » La composition de cette instance ne lui donne pas cette légitimité. D’autres options existent : la création d’un Conseil Supérieur de la Justice (cf. notre proposition), la présentation des rapports sur la justice devant le législatif et l’exécutif pour une revue par exemple du secteur de la justice et les possibilités de l’initiative citoyenne pour les lois, comme en Suisse ou en Espagne. Nous pourrions aussi introduire le fait pour les dirigeants des grandes institutions judiciaires d’être entendus par l’Assemblée nationale et de faire (si ce n’est déjà le cas) des déclarations de patrimoine dans le cadre de l’indépendance budgétaire suggérée.

Instauration d’un Juge des Libertés 

  1.  Le rapport propose « l’instauration d’un juge des libertés et de la détention en vue de protéger les droits des personnes arrêtées dans le cadre d’une procédure pénale et présentées devant la justice ». Il faut noter que la présomption d’innocence qui semble sous-tendre cette proposition a été consacrée par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui affirme que « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Le juge des libertés et de la détention renforce cette présomption.  Comme mentionné plus haut, cette recommandation dérive aussi directement de la législation Française, notamment la Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes dite loi Guigou modifiée par la loi 2002-307 du 04 mars 2002,  et La loi n° 2023-1059 transférant les compétences civiles du JLD au profit d’un magistrat du siège du tribunal judiciaire.  C’est pourquoi, cette proposition, afin d’être plus actuelle, devrait prendre en compte les débats relatifs à l’évolution du JLD et à la présomption d’innocence notamment l’entretien avec la porteuse de la loi, l’ancienne ministre Guigou.

Politique de numérisation de la justice

  1. « La formulation et la mise en place d’une politique de numérisation de la Justice qui permettra d’optimiser les processus, d’améliorer l’accessibilité, la transparence et l’efficacité des services judiciaires. En intégrant des technologies numériques, la Justice pourrait, non seulement, être plus rapide et moins coûteuse, mais elle créerait, de surcroit, un imaginaire renouvelé dans lequel les citoyens percevront le système judiciaire comme un vrai service public » (p 13 -14). Au-delà de la justice, la digitalisation de l’administration en cours est une mesure importante allant dans le sens d’améliorer les performances de la justice au bénéfice des citoyen.ne.s. L’exemple de « Integrated Case Management System » du Rwanda mentionné plus haut serait intéressant à examiner. Cependant la digitalisation du service public devrait être accompagné par une démocratisation des TIC (tant dans les infrastructures, les coûts, le langage) si nous ne voulons pas créer des inégalités entre les populations dues au gap digital. La politique de numérisation doit s’accompagner de mesures idoines afin que le gap numérique ne se traduise par des inégalités des citoyen.ne.s par rapport à la justice.

 

Conseil Supérieur de la Magistrature et Autorité de la Justice

  1. Le Conseil Supérieur de la magistrature ou Conseil Supérieur de la Justice existe dans plusieurs pays notamment de tradition francophone, essentiellement comme un organe pour sauvegarder l’indépendance de la justice, pour superviser les nominations, les promotions et la discipline de la justice.

 

  1.  L’analyse devrait aussi s’appuyer sur :
    1. Le principe est de garantir l’indépendance de la justice tout en évitant que la justice n’ait pas à rendre compte. Pour toutes ces raisons, il est important que l’exécutif (Président et ministre de la Justice) ne soient pas membres du CSM. En outre, le CSM joue un rôle de Conseil au Président de la République. Il est souvent important que les conseils / recommandations soient d’une institution (le CSM) à une autre institution (le Président de la République) et que le Président de la République ait aussi du recul par rapport à l’utilisation des recommandations du CSM. La liberté de proposition du CSM et celle de nomination du Président de la République voudraient que ce dernier ne siégeât pas au CSM. Enfin, cette question de la présence ou non du Président de la République, ne peut, à lui tout seul, garantir l’indépendance de la Justice et des juges. La justice Sud-Africaine a une Commission de la magistrature dans laquelle siègent le ministre de la Justice ou son représentant et a des membres nommés par l’Assemblée nationale ou d’autres catégories d’acteurs de la justice. Peut-on en inférer que la Justice Sud-Africaine n’est pas indépendante. Le cas du Président Zuma donne une réponse claire.
    2. Les réponses données aux magistrats par rapport à leur différentes positions sur la question ;
    3. Les fonctions, la composition et les modalités (élection, désignation et par quelles institutions ou par quels canaux), le recours possible et les modalités de contrôle exercé à « l’autonomie administrative » du CSM.
    4. la distinction entre deux types de magistrats (parquet et siège) prise par la France et certains pays afin de différencier les formations compétentes avec une composition différenciée en fonction de la catégorie de magistrats : les magistrats du siège inamovibles et les magistrats du parquet dépendant du ministère public.
    5. Le problème du CSM résulte du rôle réducteur du Conseil ayant entraîné sa dénomination. Les discussions autour de la présence ou non du Chef de l’Etat ou de la composition élargie de ses membres à des non - magistrats, en réalité, résultent de la réticence corporatiste des magistrats que leur carrière ne soit déterminée par des corps extérieurs ou des corps internes sans arbitrage. Présentement, le CSM n’a essentiellement en sus des nominations que les aspects disciplinaires. Or l’exécutif ne siège pas pour ces derniers et n’a quasiment pas de rôle pour les magistrats du siège.
    6. Actuellement, sans en comprendre les raisons, il me semble que les magistrats ne subissent pas le même traitement dans leur nomination voire dans leur carrière : Magistrats de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle.

 

    1. Du reste, le concept de CSM semble clairement indiquer que cela concerne les magistrats. C’est pourquoi, l’élargissement du CSM devrait s’accompagner de fonctions consultatives additionnelles pour le justifier ; même si la jurisprudence Européenne va dans le sens de l’élargissement

 

    1. En plus de la gestion de la carrière et de la discipline, le CSM pourrait fournir des avis et conseils.

 

    1. Ainsi, en France le Conseil supérieur de la magistrature (CSM)  est une institution originale dont le statut résulte de l’article 65 de la Constitution. Outre sa formation plénière, le CSM est composé de deux formations différentes et depuis la réforme du 23 juillet 2008, le Président de la République et le garde des Sceaux n’en sont plus membres. La révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 avait mis fin au pouvoir exclusif de nomination, « qui semblait permettre au chef de l’État d’exercer une influence excessive sur l’autorité judiciaire. La loi du 22 juillet 2010 prévoit enfin l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur. Cette évolution a permis de lui donner un surcroît d'indépendance. »

Conseil Supérieur de la Justice

  1. Nous proposons un Conseil Supérieur de la Justice (CSJ), doté d’une autonomie budgétaire, en remplacement de la Haute Autorité de la Justice et du CSM. Ainsi, le CSJ aura aussi une fonction de conseil et contribuera au-delà des nominations et des sanctions à proposer des réformes régulières y compris institutionnelles et de gestion de la justice. Le CSJ pourrait aussi assister, par des conseils et recommandations, le Président de la République dans son rôle de « garant du bon fonctionnement des institutions », comme stipulé dans notre constitution (art. 42).

 

  1. Le CSJ pourrait aussi assurer le rôle de suivi de la mise en œuvre des recommandations approuvées des assises. Il pourrait présenter un rapport devant le législatif et l’exécutif réunis en session conjointe. Ces conseils incluraient des enquêtes de satisfaction  (dans le sens de la plateforme « jubbanti » améliorée (voir p.14 -15 et 18 du rapport)) et les résultats de la saisine directe des citoyen.ne.s. Dans cette fonction, le CSJ pourrait être élargi comme suggéré dans le rapport à la recommandation 13.

 

  1. La composition du CSJ pourrait varier en fonction des rôles et responsabilités des différentes formations :

 

  1. Concernant les deux autres fonctions, nous pourrions nous inspirer de la France avec un ajout : les proposé.e.s pour certaines fonctions judiciaires à préciser devraient être entendues par l’Assemblée (« Hearing par le Sénat aux USA ») : deux formations différentes :
  • « « la première, compétente pour les magistrats du siège, comprend, outre le premier président de la Cour de cassation (qui la préside), cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet élus par leurs pairs, un conseiller d’État, un avocat et six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Ces personnalités sont désignées par le président de la République et les présidents des assemblées ;
  • la seconde formation, compétente à l’égard des magistrats du parquet, comprend, outre le procureur général près la Cour de cassation (qui la préside), cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités précédemment mentionnées. » »
  1. Bien sûr, l’exemple de la France est donné vu la similitude de nos constitutions. Cependant, comme mentionné plus haut, nous sommes pour une refonte de nos institutions et une refondation d’une nouvelle constitution basée sur la vision du monde, notre culture, notre histoire et nos principes et valeurs positifs. CSM Fonctions 

 

  1. La base fondamentale de l’indépendance réside dans les qualités essentielles et intrinsèques des juges et des magistrats, y compris dans l’éthique et la déontologie professionnelle. Le rapport en parle mais il me semble que cela aurait dû être une partie essentielle de celui-ci.

Cour des comptes (p. 27)

  1. La cour des comptes prodigue son assistance tant à l’Exécutif qu’au Législatif.  Ainsi, « Le champ de compétences de la Cour des comptes est défini par la Constitution et par la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes (articles 29 à 32). Il s’agit du contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics (art 29), du contrôle de l’exécution des lois de finances (art. 30), du contrôle du secteur parapublic (art. 31) et de la sanction des fautes de gestion (art. 32). » Après avoir souligné les différences dans la nomination et la promotion des magistrats, nous pourrions aussi ici examiner les leçons de la Belgique. En effet, « Les membres de la Cour des comptes sont nommés par la Chambre des représentants pour un mandat renouvelable de six ans. Afin d'assurer leur indépendance et leur impartialité, le législateur a prévu un régime d'incompatibilités et d'interdictions. Le traitement et la pension des membres de la Cour des comptes sont également fixés par la loi. »

Recommandations spécifiques

  1. De manière générale, les recommandations approuvées pourraient faire l’objet d’un plan d’action avec une hiérarchisation des actions, le plan de mise en œuvre avec les délais, responsabilités, la budgétisation, les mesures et critères d’évaluation. Le document pourrait commencer par une revue des réformes faites ou proposées jusqu’à présent et comprendre les facteurs de réussite et d’échec et s’en s’inspirer. Nous sommes sûr que c’est certainement prévu. Des rapports réguliers pourraient être faits au CSJ et ultérieurement dans une rencontre conjointe Exécutif – Judiciaire, comme suggéré.

Recommandation 1 : Il faut analyser plutôt les performances, définir les options y compris la numérisation, l’autonomie budgétaire de nouvelles structures suggérées, afin de s’assurer de la nécessité d’une augmentation substantielle de la dotation budgétaire du ministère de la justice.

Recommandation 2 (p.30 – 31) : Cette commission permanente de réforme des textes pourrait être incluse dans le CSJ suggéré.  Code du travail (p. 24): Au – delà des contentieux mentionnés, il faut voir l’harmonisation du code avec tous les traités et conventions ratifiées par le Sénégal.

Mesure générique : Il faudra procéder à la revue systématique de la législation nationale afin de s’assurer de sa conformité avec les instruments ratifiés par le Sénégal et aussi réduire le gap en matière de ratification (p. 24 – 25 et 30).

Les réformes constitutionnelles requises prendront certainement en considération l’architecture judiciaire et les différentes institutions impliquées (cf. paragraphe sur l’approche holistique).

Recommandation 3 (p.31)

En sus des permis une veille spéciale concernera les visites techniques (p.32)

Recommandation 4 : (p.32) : Pour la formation des juges, ajouter le leadership, l’éthique et les TIC.

Recommandation 5 : « promouvoir la justice de proximité ». (p.32) : Peut-être, même s’ils ont des inconvénients ou rencontrent des défis, la notion de jury populaire et la décentralisation (séances foraines) devraient permettre de mieux rapprocher les juges des justiciables. En outre, des émissions télévisuelles d’explication, en langues nationales, aux citoyen.ne.s et de réponse à leur questionnement, pourraient aussi aider à une meilleure compréhension de la justice par les justiciables.

Recommandation 7 : (Information claire et accessible, p.35) le terme « si nécessaire » doit être supprimé. Le justiciable doit être informé dans la langue qu’il ou elle comprend.

Recommandation 8 (p. 35) : Le projet des petits projets ruraux avait un bon programme d’activités pour les détenus. La Norvège a un bon système de réhabilitation. Cependant, il est important que les procédures de détention, avant même la réhabilitation, continuent d’assurer la dignité des détenu.e.s. C’est pourquoi, il faut étendre la recommandation 10 (p. 36).

Recommandation 11 (p. 51) : Les options en ressources humaines devraient aussi être analysées à l’aune de la vision de la justice : impact positif de l’éducation citoyenne, incidences de la digitalisation des procédures et de leur dématérialisation, analyse de la gestion des ressources financières et des performances, architecture judiciaire, justice communautaire, relations avec la police durant les manifestations... Par exemple, l’approche des forces de l’ordre pourrait être revue. Les exemples nordiques et la stratégie de désescalade (« la police ton amie » en Allemagne) sont intéressants. L’actuel ministre de l’Intérieur semble aller dans ce sens.

Recommandation 12 (p. 51) : sur l’éthique et la déontologie (voir plus haut).

Recommandation 13 (p.52) : Renforcer l’indépendance de la justice (voir plus haut). Le Conseil Sénégalais des Droits de l’Homme doit être réformé pour retrouver son statut A et toutes ses prérogatives afin de jouer son rôle essentiel dans la défense de l’Etat de droit.

Recommandation 15 (p.53) L’âge de la retraite à 65 ans certainement provient du nécessaire ajustement avec d’autres acteurs de la justice mais crée une disparité avec des fonctionnaires.

Recommandation 16 (p. 54) : La création de « commissaire de justice » dérive aussi des réformes françaises. Cette proposition nécessite la création d’une Chambre nationale des commissaires de justice. Les objectifs me paraissent assez réducteurs par rapport au titre de la recommandation.

Recommandation 17 (54) : résorber le déficit d’avocats et améliorer leur maillage territorial (p. 54). Même si l’Ecole des avocats suggérée provient aussi d’une réforme française, il faut noter que le Barreau Sénégalais avait déjà signé un bail pour ériger une école des avocats. Cabinets des avocats (p.48) : Le problème essentiel des cabinets d’avocats demeure leur viabilité. Si les avocats doivent jouer un rôle de « service public », l’Etat doit en payer le prix par des incitations.

« Réimaginer la justice sénégalaise » requiert le changement de paradigme mentionné et son inscription dans une réforme constitutionnelle et dans une approche combinée de leadership, management contextualisés et novateurs. C’est pourquoi, il faut ajouter « culturelle » après « réappropriation historique » (p. 59). Le CSJ, en liaison avec les universités, think tanks, les ONG, les communautés et les citoyen.ne.s, devraient réfléchir à cette nouvelle vision plus adaptée de notre justice, en faisant de la recherche sur notre histoire, notre culture, notre anthropologie par rapport à la justice. De même, « dans l’optique d’une réforme en profondeur de la justice », en sus de l’Histoire, la culture doit aussi « occuper une place centrale ». (p. 60).

Recommandation 23 : Rajouter les langues nationales codifiées en fonction du décret y relatif.

Recommandation 24 (p. 68). Concernant la coopération internationale, nous avons inclus dans le document des suggestions mais le Rwanda me paraît un cas intéressant auquel nous avons personnellement participé. Peut -être le pays pourrait aussi recenser ses experts en matière de réformes judiciaires, y compris des retraités qui ont des connaissances sur les expériences d’autres pays. Ces experts pourraient contribuer aux réflexions et à la mise en œuvre des transformations requises. Au – delà de la Justice, cette approche pourrait être bénéfique pour le pays dans d’autres secteurs.

« Assurer la reddition des comptes ». Concernant la corruption, il aurait été intéressant de voir le niveau d’exécution de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Concernant les flux financiers illicites, notre article y relatif, donne quelques suggestions. 

Recommandation 26 : Assurer une reddition des comptes générale et performante. (p.75). Il nous semble important de faire une revue de l’ensemble des corps de contrôle et de proposer une rationalisation.

Instituer de nouveaux organes (voir nos observations plus haut) sur la cour constitutionnelle (recommandation 29, (p. 81)), et sur la Haute Autorité de la Justice (p. 82).

Conclusion :

Nos principales observations portent sur :

  • l’importance de l’Etat de droit, d’une approche combinée de leadership, gouvernance, management contextualisés et novateurs qui répondent à nos priorités, y compris par une recherche systémique ;
  • une approche holistique, requérant une refonte constitutionnelle ;
  • le rapprochement de la justice des justiciables ;
  • la création d’un Conseil Supérieur de la Justice en remplacement de la Haute Autorité de la Justice proposée et du Conseil Supérieur de la Magistrature ;
  • des éléments additionnels sur la cour constitutionnelle, la digitalisation de la justice ;
  • la rationalisation des corps de contrôle ;
  • l’examen et l’incorporation de réformes découlant d’autres expériences judiciaires que la France ;
  • l’élaboration d’un plan précis de mise en œuvre et de suivi – évaluation.

 

Fodé Ndiaye, Ph.D.,

Président du Centre d’Excellence pour le Leadership

et le Management pour le Développement de l’Afrique (CELMAD)

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