Une année de récession
La Banque mondiale a procédé, hier, à Dakar, à la publication du Rapport annuel sur la situation économique du Sénégal. Lors de sa présentation, il est ressorti que le taux de pauvreté a augmenté de 2,7 %, entre 2021 et 2022, pour s'établir à 36,3 % en 2022.
La pandémie à Covid-19, l'affaiblissement de la demande internationale, l'augmentation des prix des denrées alimentaires et des prix énergétiques, à la suite de la guerre en Ukraine et le resserrement des conditions d'accès aux marchés financiers régionaux et internationaux ont beaucoup contribué à l'affaissement de l'économie sénégalaise. À cela, s'ajoutent d'autres défis auxquels le pays doit faire face, à savoir, entre autres : la question de l’insécurité grandissante dans la sous-région, la demande sociale pressante que le Sénégal a connue en 2022 dans un contexte de flambée des prix internationaux.
Hier, lors de la présentation du Rapport annuel sur la situation économique du Sénégal, la Banque mondiale a révélé qu'en 2022, la croissance du Sénégal a été ralentie, passant de 6,5 % en 2021 à 4,2 % 2022.
En effet, indique la Banque mondiale, ce ralentissement s'explique par le fait que l'activité économique a été impactée par les aléas du climat. Le taux de croissance de l'agriculture est passé de 0,6 % en 2021 à 0,3 % en 2022, ce qui est loin du taux de croissance record de 12,2 % noté en 2020, lors de la pandémie. Ce qui implique également l'augmentation de 2,7 % du taux de pauvreté, entre 2021 et 2022, pour s'établir à 36,3 % en 2022.
"Nous avons, en outre, constaté une contraction de la production industrielle qui s'explique, en partie, par la faiblesse de la production dans l'activité de l'extraction minière, du raffinage, de la production des matériaux de construction. Quant à la demande de l'enrichissement privé, sa contribution à la croissance est passée de 5 % en 2021 à 0,8 % en 2022. Ce qui a causé une décélération de la croissance en 2022 de 6,5 % à 4,2 %", a fait savoir l'économiste à la Banque mondiale pour le Sénégal, Ellen Ba, lors de sa présentation du rapport.
"Le taux d’inflation annuelle s'est établi à 9,7 %"
Cependant, malgré cet affaissement de l'économie, Mme Ba est d'avis qu'à moyen terme, les perspectives sont favorables, notamment avec le début de l'exploitation des hydrocarbures. "On s'attend à ce que la croissance rebondisse à 4,7 % en 2023, puis à 9,9 % en 2024. Elle sera stimulée par les exportations d'hydrocarbures et tirée par un secteur industriel fort. On notera également dans nos analyses un effet de répercussion des retombées du secteur secondaire vers les autres secteurs de l'économie tels que le secteur tertiaire", espère la Banque mondiale.
Dans la même veine, le rapport a également révélé que le taux d’inflation annuelle s'est établi à 9,7 % en 2022. "Elle a été tirée principalement par l'augmentation des prix des denrées alimentaires liée aux difficultés d'approvisionnement et de transport. En novembre 2022, nous avons connu un pic d'inflation au Sénégal de 14,1 %, qui était un pic record comparé à la moyenne annuelle de l'inflation des années précédentes. Avec ce niveau d'inflation de 9,7, si on le compare avec les autres pays de l'UMOA, ça fait du Sénégal l'un des pays les plus durement affectés par l'inflation, après le Burkina Faso", souligne-t-on.
Ainsi, à moyen terme, la Banque mondiale dit s'attendre à ce que les pressions inflationnistes s'amenuisent au fur et à mesure pour que les tensions sur les marchés internationaux se libèrent plus ou moins.
Pour l'année 2023, "on a prévu une inflation de 5 % et cela est dû aux effets de la volatilité des prix de l'énergie. Puis, on aura une décélération progressive d'ici 2025".
Selon le rapport, l'inflation a poussé les ménages à substituer des aliments de qualité supérieure par des aliments de qualité inférieure et cela pourrait augmenter l'incidence de pauvreté et exacerber la vulnérabilité des ménages aux chocs. Au Sénégal, en 2022, "près de 11 % de la population, à savoir 2,2 millions de Sénégalais, vivent au seuil de la pauvreté. Il y a un risque élevé de sombrer dans la pauvreté".
"Le compte courant s'est détérioré en 2022"
Le rapport de la Banque mondiale a aussi révélé que le compte courant s'est détérioré en 2022.
En effet, explique-t-on, le déficit du compte courant s'est établi à plus de 19 % du PIB. De 13 % du PIB en 2021, il est passé à 19 % du PIB en 2022. "Ce déficit reflète, pour la plupart, le déficit du compte commercial. Les importations ont été affectées par l'augmentation des prix pétroliers et des prix des denrées alimentaires, ainsi que l'augmentation des services qui sont liés à l'industrie des hydrocarbures. Les importations ont encore augmenté environ de 10 %, entre 2021 et 2022", indique-t-on dans le rapport.
À moyen terme, la Banque mondiale dit attendre que les pressions sur le compte courant s'atténuent pour que le déficit se réduise d’environ 15 % en 2023 et à une moyenne de 7,2 %, entre 2024 et 2025.
Selon l'organisation internationale, les dépenses ont principalement porté sur les dépenses courantes. Il s'agit principalement de la forte hausse des subventions énergétiques qui ont représenté plus de 4 % du PIB en 2022, environ 750 milliards de francs CFA. Pour contenir le déficit, poursuit le rapport, les dépenses d'investissement ont pu être réduites de 1,7 %, passant de 9, 2 % du PIB en 2021, à 7,5 % du PIB en 2022. Ce qui a contribué à une croissance qui a été beaucoup plus faible.
"La mobilisation des ressources n'a pas été suffisante pour contrebalancer le poids des dépenses en 2022, au Sénégal. Les recettes fiscales ont augmenté de 1,1 %, passant de 17 % du PIB en 2021 à 18,1 % du PIB en 2022, sous l'effet de l'augmentation des recouvrements sur les revenus et de l'impôt sur les sociétés", informe-t-on.
La dette de l'Administration centrale, qui représente environ 90 % de la dette publique totale, a atteint environ 67,5 % du PIB en 2022, ce qui reste inférieur au seuil de 70 % du PIB fixé par l'UMOA. Selon la BM, l'analyse de la viabilité de la dette fait état d'un risque modéré de surendettement, mais la marge de manœuvre du Sénégal pour faire face aux chocs reste très limitée.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)