La démocratie sénégalaise un model en décrépitude
Les nombreuses entraves aux libertés publiques et à l’activité politique ont profondément dégradé l’image de la démocratie sénégalaise. Ainsi depuis mars 2021, le Sénégal fait face à de nombreuses remontrances des différents organismes de droits de l’homme et d’organisations internationales du fait des emprisonnements de journalistes, de militants, de la suspension des services d’internet et la dissolution de parti.
Le moins que l’on puisse dire, la démocratie sénégalaise ne fait plus rêver. Suspension des données mobiles Internet, journalistes emprisonnés, leader de l’opposition en prison et son parti principale formation de l’opposition dissoute, chaînes de télévision suspendues, convocation de leaders d’opinion pour des post sur Internet, restrictions des droits de manifestation entre autres. Ces trois dernières années, la démocratie sénégalaise a été sous le feu des critiques des principaux organismes de droits de l’homme Human Rights Watch, de la commission des droits de l’homme de l’ONU et de l’Union africaine et divers autres organismes de droits de l’homme au Sénégal.
Dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse 2023, l'organisme Reporters Sans Frontières (RSF) a indiqué dans son rapport annuel que le Sénégal a connu un recul important dans le classement et est désormais classé (104e). Le Sénégal perd 31 places, notamment du fait des poursuites dont ont fait l’objet les journalistes Pape Alé Niang et Pape Ndiaye et de la forte dégradation des conditions sécuritaires des journalistes. La série d’émeutes qui ont embrasé notre pays en mars 2021 et du 1 -2 juin 2023 ont aussi constitué des révélateurs de la dégradation des libertés publiques et d’une forte répression contre l’opposition plus particulièrement Pastef.
Depuis mars 2021, Amnesty International, la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) ont dénoncé de nombreux cas de tortures et de violences des forces de l’ordre. Les FDS ont été accusés d’avoir fait usage de tirs par balles sur de jeunes manifestants. Ainsi quatorze jeunes ont été tués et plusieurs centaines de blessés sans qu’une commission d’enquête indépendante n'ait été instaurée malgré les assurances du gouvernement. Les victimes des dernières émeutes liées à la possible incarcération d’Ousmane Sonko à la suite du procès d’Adji Sarr risquent aussi de connaître le même sort.
Même si le chef de l’Etat a indiqué lors de son dernier discours à la Nation de faire toute la lumière sur les évènements de juin 2023, le gouvernement tarde toujours à mettre sur pied une commission d’enquête pour statuer sur les 23 victimes des émeutes. Un retard qui a fait sortir de ses gonds Seydi Gassama, secrétaire général d’Amnesty International qui a dénoncé l’emploi des « nervis » et d’usage de tirs à balles réelles. Amnesty dit avoir constaté, dans des vidéos qu'elle a analysées, la présence, aux côtés des forces de l'ordre, d'hommes armés en civil qui s'en prennent violemment aux manifestants. « L'Etat ne doit pas permettre la présence d'individus non identifiés comme faisant partie des forces de l'ordre pour des opérations de maintien de l'ordre, ni l'usage de la force", a déclaré dans le communiqué Seydi Gassama, directeur exécutif d'Amnesty Sénégal.
Exacerbation de la répression politique contre les mouvements et parti d’opposition
Les tracasseries judiciaires contre Ousmane Sonko ont mis sous le feu des projecteurs les limites de la démocratie sénégalaise. Les différentes auditions de l’opposant concernant l’affaire de diffamation contre le ministre du Tourisme ont été souvent sources d’affrontements entre forces de l’ordre et les partisans d’Ousmane Sonko. L’opposant avait aussi indiqué être victime de brutalités de la part des forces de l’ordre qui ont brisé les vitres de sa voiture pour l'extirper de force le 16 février 2023 alors qu’il se rendait au tribunal de Dakar. Sur le chemin du tribunal pour une de ces auditions, le maire de Ziguinchor avait même dénoncé une tentative d’assassinat de la part des forces de l’ordre attestant être aspergé d’un liquide douteux qualifié de poison, le 16 mars 2023. Ousmane Sonko se plaint d’avoir été victime d’une « tentative d’assassinat ».
Il était apparu le soir même allongé dans un lit de la clinique Suma Assistance de Dakar, où il est ensuite resté hospitalisé cinq jours. La « marche de la liberté » de Sonko vers la Capitale à la suite de la décision de justice dans l’affaire sweet beauté le condamnant à deux ans de prison a été source de violence dans différentes villes comme Vélingara, Kolda et des affrontements entre partisans du pouvoir et de Pastef à Tambacounda. Le périple de l’opposant s’est achevé au sortir de la ville de Koungheul où il a été appréhendé par les forces de l’ordre. Les autorités ont précisé qu’Ousmane Sonko avait été amené par eux vers la capitale, le 28 mai 2023. Le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome a indiqué des raisons de sécurité pour mettre fin à cette marche considérée comme “illégale” et qui a eu lieu “sans demande d’autorisation de marche".
Les forces de l’ordre vont barricader son domicile l’empêchant de recevoir toute visite et de pouvoir communiquer avec ses avocats pendant plusieurs semaines. Le blocus a été levé le 24 juillet dernier le laissant brièvement libre de ses mouvements sans qu’aucune décision de justice ne vienne conforter ce “ blocus ”du domicile d’Ousmane Sonko. Des barricades et barrages policiers ont aussi restreint les libertés des citoyens dans le quartier de Cité Keur Gorgui. Sans oublier, l’arrestation massive de cadres du parti Pastef, l’impunité des nervis et forces de l’ordre dans l’usage de la violence lors des tournées politiques « Nemekou Tour » dans les départements de Mbour et Tivaouane et les interdictions de rassemblements et de réunions de la plateforme « de lutte des forces vives de la Nation » F24 ont aussi occasionné des violences.
Pour le Secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO), ce recul est significatif depuis 2021. « On est en train d’observer un recul démocratique sans précédent au Sénégal avec des conséquences dramatiques liés aux pertes humaines, à l’utilisation abusive de la force, à la répression policière, à la détention massive et une répression des forces politiques. C’est la première fois qu’on arrive à ce niveau de régression démocratique au Sénégal et le comble c’est la dissolution du parti Pastef. La dernière dissolution d’un parti politique remonte dans les années 60 », a-t-il déclaré. Selon le droit de l'hommiste, cette dérive s'est accentuée au fil des dernières années. « Les coupures d’internet sont une restriction grave aux libertés publiques mais malheureusement devenues un précédent dangereux. Il faut éviter de prendre des mesures qui vont dans le sens de limiter l’espace civique et l’espace démocratique. Il faut organiser des assises pour discuter du respect des libertés et des droits du citoyen », conclut-il.
Amadou Fall