Macky Sall, l’éternel plaidoyer pour une finance mondiale plus juste
Le président Macky Sall, qui participait hier au quatrième sommet du forum "Compact with Africa" créé en 2017 et qui réunit l’Allemagne et une dizaine de pays, a encore profité de cette tribune pour plaider pour une réforme financière permettant un meilleur accès aux crédits pour les nations africaines. D’après le chef de l’État, l’initiative ‘’Compact with Africa’’ peut aider dans ce sens et faciliter un meilleur accès aux crédits nécessaires pour financer le développement du continent.
Après plusieurs décennies d’expansion économique allemande en Europe du Centre et de l’Est, dans la foulée de l’élargissement de l’Union européenne les années 1990-2000, la première économie de l’Union européenne se tourne de plus en plus vers le continent noir. Ainsi, à travers divers projets dans l’innovation technologique, les énergies, l’environnement, l’industrie et les services, entre autres, le commerce allemand s’intensifie en Afrique subsaharienne notamment.
Des partenariats, des joint-ventures et autres collaborations avec des partenaires locaux ont permis la mise en œuvre de divers projets : production d’hydrogène en Namibie, construction d’un réacteur nucléaire civil au Rwanda, centrale solaire au Sénégal, entre autres. La guerre russo-ukrainienne a poussé Berlin à se tourner vers des pays africains pour garantir son approvisionnement en gaz et en pétrole. La dernière visite du chancelier Olaf Scholz au Sénégal, en mai 2022, avait porté sur la coopération énergétique entre les deux pays, avec notamment le démarrage de l’exploitation du champ gazier Grande Tortue Ahmeyim prévue en 2024.
Dans le cadre de cette volonté de renforcer ses liens économiques avec le continent noir, le gouvernement allemand a organisé hier à Berlin le quatrième sommet "Compact with Africa" créé en 2017 en partenariat avec 13 pays africains parmi lesquels on retrouve le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Togo, le Bénin, l’Éthiopie, la RDC, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Le forum de cette année a réuni plus de 800 participants, dont des chefs d’État, des patrons d’entreprise, des financiers et des membres de la société civile africaine avec comme principal objectif de renforcer les dynamiques et créer des opportunités d’affaires pour les entreprises allemandes en Afrique. À l’occasion d’un panel de discussions, les différents chefs d’État, Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Azali Assoumani (président en exercice de l'UA, Comores), Bola Tinubu (Nigeria), sous la présidence du chancelier allemand Olaf Scholz, ont tous rappelé la nécessité de renforcer les mécanismes d’investissements vers les secteurs porteurs en Afrique, tels que les transports et l’énergie. Ils ont aussi profité de cette rencontre pour convaincre les investisseurs privés de la stabilité de leur pays.
Macky Sall, infatigable réformateur du système financier mondial
Prenant la parole, Macky Sall a décidé encore une fois de lancer un plaidoyer pour une réforme de la gouvernance financière mondiale en matière d’accès au crédit pour les pays africains. ‘’Nous voulons qu’à travers cette initiative ‘Compact with Africa’ que les pays africains et leurs partenaires s’engagent à lever les contraintes liées à la cherté du crédit en Afrique. En effet, quand un investisseur veut s’installer en Afrique, il est confronté à ce problème qui entraîne souvent un enrichissement du crédit et avec des primes d’assurance très élevées. Sans oublier les agences de notation qui, avec peu d’analyses et ne faisant aucune distinction entre les pays africains, participent à cet enrichissement du crédit’’, déclare-t-il d’entrée. Poursuivant son plaidoyer pour un monde financier plus juste envers les pays africains, le président Macky Sall a aussi lancé un appel aux investisseurs étrangers pour qu’ils saisissent les opportunités sur le continent. ‘’L’Afrique est ouverte à tous les investisseurs. Nous disposons d’un grand marché avec une classe moyenne de 400 millions d’habitants. En outre, il nous faut une mobilisation totale des Africains et de leurs partenaires pour construire l’Afrique. Dans cette optique, la mise en place du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida) doit nous permettre de relever les défis de l'énergie, des transports et du chemin de fer’’, souligne-t-il.
L’Afrique désertée par les flux financiers mondiaux
De son côté, le président des Comores et de l’Union africaine, Azali Assoumani, a appelé l’initiative Compact a contribué à la création de chaînes de valeur essentielles à toute promotion de la jeunesse et de l’industrialisation. ‘’Les investissements sur l'énergie verte ont tenu une place importante dans les flux financiers vers les pays membres de Compact dans un contexte de besoin en énergie. Même si les flux d'investissements des pays du G20 vers les pays africains adhérents du Compact dépassent les niveaux d'avant la pandémie, ils sont encore loin du montant record de près de 53 milliards de dollars atteint au cours de l'exercice 2017-2018. Et pourtant, les besoins d'investissements internes des pays restent colossaux. Je pense que le potentiel de Compact ne pourra être réellement réalisé que si un certain nombre de défis comme les infrastructures et le manque d’Énergie’’, indique-t-il.
Selon Heiko Schwiderowski, directeur du Département Afrique subsaharienne auprès de la DIHK, la Conférence des chambres de commerce et d'industrie allemande, certes les échanges commerciaux sont en hausse entre l’Allemagne et les pays africains, mais cette initiative ne pourra pas peser sur l’échiquier économique continental qu’avec la mise en place d’un cadre d'investissements reposant sur les principes de la bonne gouvernance et le respect de l’État de droit. Pour le chef de gouvernement allemand, l’État de droit et un bon environnement des affaires constituent un préalable à toute réforme économique nécessaire pour garantir le bien-être des populations. D’autant plus que seuls des pays comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou encore la Tunisie ont connu une hausse des investissements privés en provenance des pays du G20. Le niveau global d’investissements à tendance à stagner ou à régresser.
L'Association économique germano-africaine (Afrika-Verein) a mené une étude en partenariat avec un cabinet d’audit KPMG qui montrait que plus de la moitié (59 %) des entreprises allemandes présentes en Afrique souhaitent développer leurs activités sur le continent. Cette étude montre aussi que le Nigeria est considéré comme le principal marché d'avenir, devant l'Éthiopie, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Ghana, le Maroc, le Rwanda et le Kenya.
Mamadou Makhfouse NGOM