Game over !
Alors qu’ils étaient nombreux, les observateurs, à attendre sa déclaration de candidature pour la Présidentielle de 2024, Macky Sall a déjoué les pronostics et a affirmé qu’il ne sera pas de la partie. Pour le désormais président sortant, son code d’honneur et son sens de la responsabilité historique lui commandent de préserver sa dignité et sa parole, même si la Constitution lui donne juridiquement le droit d’être candidat.
C’est la main sur le cœur que le président de la République, vers la 20e mn de son discours à la Nation qui aura duré 36 minutes, a témoigné sa profonde gratitude à l’endroit de tous celles et ceux qui ont souhaité sa candidature. Dans la foulée, il lâche les mots que tout le Sénégal attendait : ‘’Ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024’’, affirme-t-il, tout en estimant que la Constitution lui en donnait le droit.
Chez ses partisans, beaucoup auraient souhaité le voir être candidat à la prochaine Présidentielle. Macky Sall, tout en les remerciant, les invite à comprendre que le Sénégal dépasse sa personne. À ses détracteurs, il dit : ‘’On a tant spéculé, commenté sur ma candidature à cette élection. Cependant, je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure, car mes priorités portaient surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence, surtout dans un contexte socioéconomique difficile et incertain’’.
Contrairement donc aux rumeurs qui lui attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, insiste-t-il, ‘’je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela que j’avais dit et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les Sénégalais et les Sénégalaises qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole’’.
Hier, les téléspectateurs ont eu droit plus à un Macky Sall président de la République, moins au chef de parti. Rendant hommage à ses prédécesseurs à la tête du Sénégal, il s’engage : ‘’D’ici la transmission du pouvoir au futur président de la République, le 2 avril 2024, j’assumerai avec responsabilité et fermeté toutes les charges qui incombent à ma fonction. En vertu du mandat que vous m’avez confié et en étroite cohérence avec mon serment constitutionnel, je continuerai de consacrer toutes mes forces à défendre, sans faille, les institutions constitutionnelles de la République, le respect des décisions de justice, l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens. Je resterai à vos côtés, à votre écoute et au service de la République et de la Nation.’’
L’enjeu essentiel, pour lui, c’est que le Sénégal garde le cap vers l’émergence dans la voie de l’action, de la paix, de la stabilité, du respect du droit, de l’ordre public, dans l’unité nationale et la cohésion sociale. ‘’Cela exige de chacune, de chacun de nous l’adhésion à notre modèle de société fondé sur la démocratie, la liberté, le respect de nos valeurs socioculturelles, le respect de ce vivre-ensemble qui a su jusqu’ici nous rassembler et nous ressembler, le respect de nos religions, de nos confréries et de nos guides religieux. En somme, le respect de notre identité collective sénégalaise qui est ancrage dans le socle socioculturel sénégalais et africain, mais aussi ouverture dans la modernité’’.
C’est seulement ainsi, a-t-il souligné, ‘’que nous pourrons poursuivre, ensemble, épaule contre épaule, notre élan commun vers notre destin commun, fidèles à notre devise nationale : Un Peuple, Un But, Une Foi’’.
Appelle à l’union sacrée contre les fossoyeurs de la démocratie
Sur un autre registre, le président de la République a consacré une bonne partie de son discours aux émeutes récentes qui ont entraîné au moins une dizaine de pertes en vies humaines. Imputant toute la responsabilité aux instigateurs desdites manifestations.
Dès l’entame de son discours, il annonce la couleur : ‘’Pour beaucoup d’entre nous, nous venons de célébrer la fête de la Tabaski, cette fête de la foi, de la solidarité et de la convivialité, en compagnie de ceux et celles que nous aimons et qui emplissent nos vies de bonheur, d’espoir et d’amitié. Pour certains de nos concitoyens cependant, la fête s’est déroulée dans l’ombre du deuil, parce que leurs chers enfants faisaient partie de ceux et celles qui ont perdu la vie dans des violences insoutenables, injustifiables et inexcusables. Des violences qui ont mis à l’épreuve notre cohésion sociale et notre longue et enviable tradition de paix et de stabilité en Afrique… Permettez-moi de m’incliner, à nouveau, devant la mémoire de nos enfants qui ont tragiquement perdu la vie sous les effets brutaux de la violence et de renouveler mes condoléances à toutes les familles éplorées et à la nation tout entière.’’
Comme pour justifier son silence durant cette période, il explique : ‘’Devant l’insoutenable, l’innommable, la prise de parole n’est pas toujours facile et souvent, les mots n’arrivent pas à exprimer le plein de tristesse qui nous envahit. Nous avons vécu des événements particulièrement graves, marqués par une violence sans précédent, occasionnant des morts et des blessés, ainsi que la destruction massive de biens publics et privés.
Les scènes de violence et de pillage auxquelles nous avons assisté et leur coïncidence avec une cyberattaque contre des sites stratégiques du gouvernement et des services vitaux tels que l’eau et l’électricité n’ont rien à voir avec une quelconque manifestation politique. Rien, ni aucune revendication ne saurait justifier qu’on tue, qu’on diffuse des messages de haine et de violence dans les réseaux sociaux, qu’on saccage et brûle des biens publics et privés, y compris des moyens de transport, des commerces, des lieux de culte, des domiciles, des consulats, des ambulances – même un corbillard -, des universités et des écoles comme pour éteindre la lumière du savoir, réduire au silence notre élite et notre relève scientifiques et intellectuelles, et plonger notre pays dans les ténèbres de l’obscurantisme.’’
Selon lui, l’objectif des instigateurs, auteurs et complices de cette violence inouïe était clair : ‘’Semer la terreur, mettre notre pays à l’arrêt et le déstabiliser. C’est un véritable crime organisé contre la Nation sénégalaise, contre l’État, contre la République et ses institutions.’’ Macky Sall en appelle à l’union sacrée des forces vives de la Nation contre les fossoyeurs de la République. ‘’J’affirme ici que je ne transigerai pas avec des fossoyeurs de la nation, de l’État, de la République. Ce serait trahir mon serment constitutionnel… J’invite fortement les parents et les familles à plus de vigilance. Je demande solennellement aux citoyens, aux leaders d’opinion, à toutes les forces vives de la nation, politiques et apolitiques, soucieux de la sauvegarde des valeurs démocratiques, de la paix, de la sécurité et de la stabilité de notre pays, de soutenir, sans réserve, l’action de l’État pour mettre en échec le projet pernicieux de déstabilisation du Sénégal. Quand la paix, la sécurité et la stabilité de la patrie sont à ce point menacées, il n’y a point d’indifférence et de neutralité possibles’’.
De l’avis du président Sall, le temps du bilan arrivera. Pour le moment, ce qui importe, c’est surtout de se rassembler pour faire face aux défis, aux obstacles et à l’avenir. ‘’Je voudrais interpeller toute la classe politique, sans exclusive. Notre pays nous demande de regarder ensemble vers l’avenir, afin que nous soyons les bâtisseurs du Sénégal de demain. Consolidons les forces de nos institutions tout en remédiant à leurs faiblesses ; abandonnons les postures populistes, nihilistes, extrémistes qui tentent de présenter notre pays comme un désert sans loi. Chaque nation peut être éprouvée, chaque société peut être traversée par des tensions. Mais voici plus de 60 ans que nous œuvrons à construire un Sénégal selon nos valeurs de paix et de solidarité. Des jalons ont été posés par mes prédécesseurs. Continuons à bâtir sur ces acquis et éloignons-nous des radicalismes qui veulent faire de la violence l’arbitre principal de nos différends. Nous pouvons être des adversaires, mais jamais des ennemis’’.
Saluant le travail accompli lors du Dialogue national, il a promis un début de mise en œuvre dès cette semaine, par la saisine de l’Assemblée nationale pour la modification de certaines dispositions de la Constitution et du Code électoral, entre autres.
MESSAGE À LA JEUNESSE ‘’La violence n’a jamais rien réglé’’ Dans son message à la Nation, le président de la République a également réservé une bonne place à la jeunesse. Pour lui, la violence n’a jamais été une solution. ‘’Je comprends la volonté de notre jeunesse de vouloir vivre une vie qui vaut la peine d’être vécue, ici au Sénégal et non ailleurs. C’est justement à nous concerter, à repenser ensemble cette solidarité que nous parviendrons, en tant que société, à répondre aux justes revendications de notre jeunesse et de l’ensemble des citoyens sénégalais’’. Loin d’être une solution, insiste-t-il, la violence et les discours qui la construisent sont les signes d’une démission morale, intellectuelle, politique et citoyenne. ‘’N’est-ce pas à inventer, à réinventer de nouvelles manières de penser le développement de notre pays et de l’Afrique que nous devons nous atteler afin d’assumer notre destin dans un monde de plus en plus instable ? Mais pourrait-on collectivement nous ouvrir à des possibles, produire le meilleur de nous-mêmes, si nos intérêts politiques personnels nous dressent les uns contre les autres, poussant ainsi une partie de la jeunesse dans la banalisation de la violence ?’’, s’interroge le président de la République. Selon lui, le Sénégal a bien les intelligences et les ressources humaines qu’il faut pour relever les défis. ‘’La violence, souligne-t-il, est un frein à la mise en œuvre de nos capacités, de notre engagement à faire émerger un Sénégal prospère, un Sénégal de richesse partagée, bref, un Sénégal de tous, un Sénégal pour tous’’. |
MOR AMAR