Publié le 3 Oct 2020 - 23:36
URGENCE DE REFORMER L’ARCHITECTURE INTERNATIONALE DE LA DETTE

Le FMI et la BM tirent sur la sonnette d’alarme

 

Il urge de réformer ‘’l’architecture’’ internationale de la dette, qui comprend les contrats d’emprunt souverain, les institutions telles que le Fonds monétaire international (FMI) et le Club de Paris, ainsi que les cadres d’action favorisant la restructuration ordonnée de celle-ci. C’est ce qui ressort d’un document du FMI rendu public hier.

 

La pandémie de Covid-19 a propulsé les niveaux d’endettement vers de nouveaux sommets. Par rapport à la fin de l’année 2019, les ratios d’endettement moyens devraient, en 2021, augmenter de 20 % du produit intérieur brut (PIB) dans les pays avancés, de 10 % du PIB dans les pays émergents et de 7 % environ dans les pays à faible revenu, selon les chiffres du Fonds monétaire international (FMI).

D’après un document du FMI rendu public et signé par sa directrice générale Kristalina Georgieva avec la vice-présidente pour la Croissance équitable, la Finance et les Institutions au groupe de la Banque mondiale, Ceyla Pazarbasioglu, et la directrice du Département juridique du FMI, Rhoda Weeks-Brown, ces augmentations viennent ‘’alourdir’’ des niveaux d’endettement déjà ‘’plus élevés que jamais’’. ‘’Si de nombreux pays avancés peuvent encore emprunter, les pays émergents et les pays à faible revenu ont une capacité d’endettement bien plus limitée. De fait, environ la moitié des pays à faible revenu et plusieurs pays émergents traversaient déjà ou risquaient fortement de traverser une crise de la dette. Aussi, cette nouvelle augmentation de la dette est-elle très inquiétante’’, lit-on dans le document.

Alors qu’ils commencent à se remettre de la pandémie, la même source indique que nombre de ces pays pourraient connaître une deuxième vague de difficultés économiques, déclenchée par les ‘’défaillances’’, ‘’la fuite des capitaux’’ et ‘’l’austérité budgétaire’’. ‘’Prévenir une telle crise peut leur éviter de perdre dix ans et leur permettre de se relever rapidement, les mettant ainsi sur la voie d’une croissance durable. Comme l’a récemment montré une étude du FMI, attendre une défaillance pour restructurer la dette au lieu de le faire de manière préventive, entraîne un recul plus important du PIB, des investissements, du crédit du secteur privé et des entrées de capitaux’’, renseigne les responsables du FMI et de la BM.

Ces dernières précisent qu’aucune crise de la dette ‘’n’est encore survenue’’, et ce, grâce aux mesures énergiques prises dès le début de la pandémie par les banques centrales, les autorités budgétaires, les créanciers bilatéraux officiels et les institutions financières internationales. Bien qu’essentielles, ces mesures deviendront sous peu insuffisantes. ‘’Premièrement, les initiatives adoptées jusqu’à présent sont temporaires. L’initiative de suspension du service de la dette appuyée par le G20, réponse très positive à l’appel lancé par le FMI et la Banque mondiale, expire à la fin de cette année. Le FMI a également accordé un financement d’urgence à hauteur d’environ 31 milliards de dollars à 76 pays, dont 47 pays à faible revenu, ainsi qu’un allègement du service de la dette aux pays les plus pauvres, dans le cadre du Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes. Sachant que les besoins devraient rester élevés, les pays en développement nécessiteront des financements supplémentaires à faible coût en 2021 et au-delà’’, notent ces hauts responsables des institutions de Bretton Woods.

Poursuivre l’initiative de suspension du service de la dette en 2021

Dans leur document, Kristalina Georgieva, Ceyla Pazarbasioglu et Rhoda Weeks-Brown soulignent que la plupart des mesures prises jusqu’à présent ont porté essentiellement sur la liquidité. A savoir, maintenir l’accès des pays au financement, tant par l’intermédiaire de sources officielles que du marché. ‘’Mais à mesure que la crise se poursuit, les problèmes de solvabilité, soit l’incapacité de rembourser les dettes, passent de plus en plus au premier plan. Il faut, pour prévenir une crise de la dette dans les pays en développement, adopter d’urgence des mesures supplémentaires. L’initiative de suspension du service de la dette doit se poursuivre en 2021. Faute de quoi, ses bénéficiaires actuels seront contraints de recourir à des mesures d’austérité pour pouvoir assurer à nouveau le service de la dette. Ce qui exacerberait les souffrances humaines déjà causées par la crise’’, poursuivent-elles.

Elles estiment que la prorogation de l’initiative devrait favoriser l’adoption de mesures visant à ‘’remédier sans tarder’’ aux problèmes de non-viabilité de la dette. Par exemple, ces responsables suggèrent que la durée de la prorogation soit liée aux programmes mis en place par le FMI et la Banque mondiale pour réduire la vulnérabilité liée à la dette. ‘’Les pays présentant une vulnérabilité liée à la dette doivent y remédier d’urgence, en adoptant à la fois des mesures de gestion de la dette et de croissance. Si la dette est insoutenable, elle doit être restructurée dès que possible. Les créances privées doivent être comptabilisées, s’il y a lieu. Fermer les yeux sur les problèmes de solvabilité ne fait qu’empirer les choses’’, signalent-elles.

Ainsi, elles pensent qu’il faut ‘’réformer l’architecture internationale’’ de la dette, qui comprend les contrats d’emprunt souverain, les institutions telles que le FMI et le Club de Paris, ainsi que les cadres d’action favorisant la restructuration ordonnée de la dette. L’objectif étant ‘’d’alléger rapidement et suffisamment’’ la dette des pays qui en ont besoin, ce qui profite non seulement à ces pays, mais aussi au système dans son ensemble.

Il convient de noter qu’hier, le FMI a aussi publié un nouveau rapport évaluant les mécanismes en place pour restructurer la dette privée et proposant des améliorations. Ce document renseigne que le cadre contractuel en vigueur est généralement ‘’efficace’’ pour restructurer les obligations souveraines.

Cependant, les restructurations menées dernièrement en Équateur et en Argentine font ressortir des problèmes qui doivent encore être réglés, notamment la diversité toujours plus grande des créanciers bancaires et le manque de transparence de la dette. ‘’Par exemple, le cadre s’est révélé moins efficace pour restructurer le volume croissant de la dette non obligataire, ainsi que la dette garantie et la dette présentant des caractéristiques similaires à des garanties. Bien que les conditions de ces prêts restent souvent confidentielles, ceux-ci semblent être particulièrement répandus dans les pays à faible revenu qui exportent des ressources naturelles’’, relève notre source.

Mettre en place des dispositions similaires

Au-delà des créances privées, le FMI rappelle ainsi que la plupart des dettes officielles sont maintenant détenues par des pays créanciers qui ne font pas partie du Club de Paris et qui n’en respectent pas les procédures. Les institutions de Bretton Woods informent qu’il est ‘’plus difficile’’ qu’auparavant de restructurer la dette due aux créanciers bilatéraux officiels et d’assurer une forte participation des créanciers tant officiels que privés. Pour faire face à ce challenge, elles préconisent, tout d’abord, que les débiteurs et les créanciers continuent à renforcer les dispositions contractuelles afin d’atténuer le plus possible les perturbations économiques lorsque les débiteurs rencontrent des difficultés.

‘’Le FMI et d’autres entités ont réussi à promouvoir l’adoption de clauses d’action collective renforcées pour les obligations internationales. Mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut mettre en place des dispositions similaires pour faciliter la restructuration ordonnée des dettes non obligataires. Les clauses de réduction des paiements de la dette ou de suspension automatique du service de la dette, qui s’appliquent notamment en cas de catastrophes naturelles et d’autres chocs économiques importants, peuvent également être utiles’’, poursuivent les deux institutions.

Ces dernières prônent également la promotion de la transparence de la dette. Elles soutiennent que faute de connaître le niveau et les conditions d’endettement des pays, les créanciers ‘’ne peuvent pas’’ prendre des décisions éclairées en matière de prêt. ‘’Ils hésiteront également à participer à des restructurations, s’ils ne connaissent pas les conditions accordées aux autres créanciers. Enfin, les créanciers bilatéraux officiels devraient arrêter une approche commune de la restructuration des dettes bilatérales officielles. Cette approche devrait agréer tant aux membres qu’aux non-membres du Club de Paris’’, font-elles savoir.

La DG du FMI, sa directrice du Département juridique, la vice-présidente pour la Croissance équitable, la Finance et les Institutions de la BM révèlent que les restructurations pourraient comporter une liste de conditions communes. Celles-ci exigent que le débiteur présente ses dettes de manière transparente et sollicite des accords de restructuration auprès de tous ses créanciers, tant officiels que privés, à des conditions comparables. ‘’Cette approche viserait à assurer l’échange d’informations et une répartition équitable de la charge entre tous les créanciers. Ainsi, elle permettrait probablement de renforcer la participation et d’éviter des retards coûteux. Certaines de ces réformes ne produiraient pas d’effets immédiats. Si les effets de l’amélioration des dispositions contractuelles sur l’encours de la dette tarderont à se faire sentir, une approche commune de la restructuration associant tous les créanciers bilatéraux officiels, actuellement examinée par le G20, pourrait faire toute la différence presque immédiatement’’, concluent-elles.

MARIAMA DIEME

 

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