''Si je dois m'engager en politique...''
''Pourquoi mon fils ne luttera pas''
Dans ce second jet de l'interview, grandeur-vérité que Yakhya Diop dit ''Yékini'' nous a accordé, l'enfant de Joal ouvre une fenêtre rapide sur sa vie privée, évoque son staff qui l'aurait jusqu'ici protégé contre certaines tentations et surtout parle de politique comme d'un horizon possible pour la suite de sa carrière. Pour en revenir à ton combat contre Balla Gaye 2, beaucoup se sont demandé pourquoi tu avais mis un genou à terre. Qu’est-ce que tu as dit à Robert à ce moment ?
Il m’a demandé pourquoi je mettais un genou à terre. Je lui ai répondu que ce n’était rien. Mais il a insisté pour dire qu'il y avait un problème. J’ai persisté à dire que ce n’était rien du tout. A ce moment, je ne pouvais plus tenir debout à cause d'une très forte douleur à la jambe. Katy est venu me demander la même chose pour me dire : ''Mais Ya, pourquoi tu ne restes pas debout''. Je lui ai servi la même réponse, mais en vérité, je ne pouvais plus supporter la douleur.
On voit bien que tu as tiré toutes les leçons de ce combat
La vie est ainsi faite. On apprend tout le temps dans le livre de la vie. On tire des leçons de la vie, dans la douleur comme dans la peine. Le Prophète nous apprend qu’il faut être au juste milieu en toute chose. Pour comprendre que cela peut être bon aujourd'hui alors que des épreuves arrivent...
On dit que les lutteurs ne sont pas de bons exemples pour la jeunesse et la société en général, quel est ton avis sur le sujet ?
Chacun peut analyser comme il le sent. Mais ils ne sont pas nombreux ceux qui ne veulent pas que leurs enfants deviennent des lutteurs. Je te disais plus tôt que la plage est noire de monde lors des entraînements, des fils de bonne famille.
N’est-ce pas à cause du désœuvrement ?
Non, pas du tout. La lutte est un sport intéressant, qui est en plus une vieille tradition au Sénégal. Et dans ce pays, 70% de la population veulent avoir un fils lutteur, parce qu’il n’y a aucun mal. Il y a des footballeurs qui ne sont pas des exemples, dont les frasques sont rapportées régulièrement, ou des basketteurs, des boxeurs. La lutte ne peut y échapper. Dans tous les secteurs, il y a des brebis galeuses. Des contre-exemples, on en trouve partout. Donc ce dont on affuble les lutteurs, je ne le vois pas. Je reste éduqué et correct alors que je suis un lutteur. Je n'insulte personne et ne manque de respect à personne.
Ne crois-tu pas que les déclarations des lutteurs à la télé sont souvent excessives ?
Le staff est important pour tout lutteur. Une mauvaise communication peut être à l’origine des écarts de langage dont tu parles. En toute franchise, si je te révèle que mon fils ne sera pas lutteur, tu peux être surpris après ce que je t'ai dit...
Et pourquoi donc après ce que tu viens de dire sur ta passion pour la lutte?
Mais c’est à cause de la dureté du métier, de l’âpreté de la tâche de lutteur que je ne veux pas que mon fils s’y lance. Ce que j’ai vécu dans ma carrière, je ne voudrais pas que mon fils le vive. C'est trop dur...
Mais il y a du bon dans ce tu as traversé. Le succès, les fans. Beaucoup voudraient être comme toi, non ?
Je t’ai dit au départ que je dois tout à la lutte. Je lui dois la renommée, une belle maison, de quoi subvenir aux besoins de ma famille et de mes proches. Je ne peux par conséquent rejeter ce métier, sauf que je n’accepterais pas que mon fils l’embrasse pour sa dureté.
Et si c’était à refaire, Yakhya Diop dit ''Yékini'' serait-il devenu lutteur ?
Si j’avais à nouveau 16 ans, j’irais étudier, apprendre le français que je ne parle pas bien. J’ai arrêté mes études au CM1 et j’ai plutôt appris l’arabe. Et aujourd’hui, si j’avais un certain niveau, je sais que je serais président de la République.
Ah bon ?
Ah oui ! si j'avais fait l'école, je serais président du Sénégal.
Mais ce n’est peut-être pas trop tard.
En tout cas si c’était à refaire, j’irais étudier pour avoir le Bac et plus.
Tu penses bien sérieusement à faire de la politique donc...
(Il s'éponge vigoureusement le front à cause de la sueur...). Les politiciens déconnent parfois, certains politiciens, pas tous. C’est la raison qui fait que nous n’avons pas le droit de rester les bras croisés. Nous descendons souvent sur le terrain et nous réglons beaucoup de cas délicats. Donc je ne dis pas que je ne ferai pas de la politique. En politique, certains règlent leur problème pour la vie, alors que d’autres y perdent tout, même la vie. C’est pourquoi j’ai peur de la politique, bien qu’on ait tout tenté pour m’impliquer.
Depuis Me Abdoulaye Wade lui-même ?
Je n’ai pas dit Abdoulaye Wade. Mais on a tenté plusieurs fois de m’y attirer.
Mais qui a essayé de te mettre dans la politique ?
Il ne faut pas oublier que J’habite une ville très politisée, Joal. Mais le jour où je sentirai que le pays a besoin que je m’engage en politique, je le ferai sans hésiter.
Tu commencerais à Joal certainement ?
C’est ma ville.
Tu pourrais par exemple briguer la mairie de Joal ?
Je peux occuper toutes les responsabilités à Joal. Maire, c’est trop peu pour moi. Je vise plus.
Donc rendez-vous dans quelques années…
Je suis difficile à cerner, car je sais être imprévisible. Mais je te mets la puce à l’oreille, ma sortie de l’arène n’est pas très éloignée. Et quand j’aurai quitté l’arène, je m’engagerai dans autre chose, c’est sûr. Pa' Niang et Koromag savent bien où je dois aller. La reconversion se prépare très tôt.
Tu planifies donc tout ce que tu fais ?
Avec mes proches...
On dit que tu as investi dans les stations services.
Ce n'est pas vrai, je n’ai pas de station service.
Ou des actions dans des stations
Je n’ai pas non plus d’actions dans des stations services. J'ai un ami, Demba Kâ, qui a des stations-services, ce n'est pas moi.
Il se dit aussi que tu as beaucoup d’argent.
Il n’y a pas d’argent au Sénégal.
Et ton remariage, peut-on connaître ta femme ?
Non, ma femme, je la cache parce qu’elle est jeune.
Étudiante ?
Oui, elle a le Bac et elle étudie, donc personne ne doit la perturber. Je m'en arrête là...
Les lutteurs se retrouvent maintenant dans les tubes des chanteurs. Surtout avec les chanteuses. Vous intéressez apparemment la jet set...
Adorer quelqu’un et le chanter, ce n’est pas la même chose que chanter quelqu’un parce qu’on manque d’inspiration. C’est vrai que les lutteurs ont la cote auprès des filles.
Comment réagis-tu quand les filles te draguent ?
Je fais ce que je dois faire, c’est-à-dire le nécessaire. Mais je t’ai dit qu’un lutteur doit se protéger pour sa carrière. Et je me protège, car ceux avec qui je fréquentais les mbàppàt, il faut les voir aujourd’hui, on dirait mes oncles... J’ai un bon staff et je ne cesse de le répéter, pour les jeunes lutteurs. J'en suis très fier.
Vous insistez beaucoup sur le staff...
La chance d’un jeune lutteur, c’est un encadreur désintéressé, comme ce vieux-là qui est avec moi (Ndlr, il pointe encore du doigt son manager, Pa'Niang). Ce qu’il attend de moi, c’est uniquement que je suive ses conseils. C’est fondamental pour un lutteur d’avoir quelqu’un qui le rectifie. C’est pourquoi je ne cesse de remercier mon staff.
Donc tu as des gens qui te disent la vérité en toutes circonstances ?
Quand la personne ne dépend pas de toi matériellement, il n’hésite pas à te dire la vérité crue. Cela est un conseil à mes jeunes frères lutteurs, du moins ceux qui me prêtent oreille.