''Les médicaments de combinaison thérapeutique retardent la survenue des résistances''
Le paludisme constitue la maladie la plus mortelle en Afrique, avec 90% des décès qui surviennent dans le monde. Un drame qui a amené à la création du Réseau mondial de surveillance des résistances aux antipaludiques (WWARN). De passage à EnQuête hier, le Dr Louis Penali, Directeur régional Afrique de l'Ouest du WWARN, revient sur la mission de cet organisme au moment où s'ouvre aujourd'hui à Dakar le 6e Congrès de la Société ouest-africaine de parasitologie, avec un symposium sur les résistances du paludisme.
Dr Penali, c'est quoi le WWARN, ses missions ?
Le WWARN est le réseau mondial de la résistance au paludisme. Il est présent dans tous les pays du monde. En Afrique, il y a deux bureaux régionaux, celui de l'Afrique de l'Est qui se trouve à Nairobi et celui de l'Afrique de l'Ouest basé à Dakar. Nous organisons un symposium sur le paludisme demain (NDLR : aujourd'hui, l'entretien a eu lieu hier) pour faire le point sur l’efficacité des traitements recommandés. C'est dans le cadre du 6e Congrès de la Société ouest-africaine de parasitologie (SOAP). C'est un réseau d'experts qui travaillent sur la résistance mais aussi sur la qualité des médicaments. On s'évertue à faire en sorte qu'il y ait une lutte contre les mauvais médicaments.
C'est-à-dire ?
Parce que si vous utilisez un mauvais médicament, ce qu'on appelle dans certains pays les pharmacies par terre ou les médicaments des rues, il faut savoir que ce sont des médicaments mal conservés, de faux médicaments avec lesquels vous courez le risque que la maladie ne guérisse pas. D’où l’intérêt que nous portons, nous, à WWARN dans la lutte contre les mauvais médicaments qui accentuent les problèmes de résistance. Ces médicaments n'ont pas le principe actif, c'est-à-dire la partie du produit qui sert à guérir le malade.
Justement, où en êtes-vous dans la lutte contre le paludisme ?
La lutte contre le paludisme ne concerne pas seulement l'efficacité des médicaments. C'est aussi la prévention, c'est-à-dire l'utilisation des moustiquaires imprégnées. Il y a aussi l'utilisation des médicaments spécifiques par les femmes enceintes, c'est la sulfadoxine qui est une vitamine, c'est le fansidar. Dans les régions comme le Sénégal, le Mali, le Niger et une partie de la Guinée, on a commencé à faire le traitement préventif du paludisme même chez l'enfant. Cette prévention aussi va utiliser d'autres médicaments qui sont une association de médicaments entre la sulfadoxine, le fansidar qu'on va combiner avec des molécules qu'on appelle l'amodiaquine, pour donner un traitement préventif. Et ces médicaments sont donnés au Sénégal par exemple pendant la période de transmission de la maladie parce que le paludisme est saisonnier dans ce pays. Cela va permettre aux enfants de ne pas contracter la maladie. Et ce sont ces stratégies, avec l'utilisation de très bons médicaments, qui ont permis au Sénégal de faire reculer le paludisme. Je dis «très bons» mais il faut surveiller leur efficacité.
Quels sont ces «très bons» médicaments ?
Ce sont les combinaisons thérapeutiques. On en parle depuis 2005-2007. Ces médicaments ont été adoptés dans la plupart des pays du sud du Sahara. Ce sont deux ou trois médicaments que l'on associe pour parvenir à une très bonne efficacité. Le médicament le plus vendu en Afrique s'appelle le coartem. Il y a une autre combinaison que l'on appelle azac, le chef de file étant le coarsucam... J'évite de citer certains pour ne pas faire la publicité. Mais il est important de lever les équivoques en santé pour éviter des drames.
Quelles sont les avancées majeures sur les antipaludiques ?
Ces médicaments ont été adoptés entre 2005 et 2007 dans la quasi totalité des pays au sud du Sahara. On a donc prohibé les médicaments qui existaient avant et qui constituaient une seule molécule, pour revenir vers l'utilisation de médicaments de combinaisons thérapeutiques. Leurs avantages, c'est qu'étant faits de deux médicaments différents, ils vont agir aussi de façon différente. Et si le parasite qu'on appelle plasmodium résiste à là première molécule, il ne résistera pas à la deuxième molécule. D'une part ces médicaments peuvent tuer les parasites et d'autre part ils permettent de retarder la survenue des résistances. Les résistances sont des substances demeurant quand le parasite devient réfractaire. Donc la maladie ne guérit pas malgré l'utilisation des médicaments qui sont efficaces. C'est ça les résistances, et l'utilisation de ces médicaments permet de lutter contre elles. C'est un des points sur lesquels travaille notre réseau : prévenir ces résistances.
Le paludisme est-il encore la maladie la plus mortelle en Afrique ?
Oui ! Le paludisme continue de faire beaucoup de dégâts. Sur 100 malades qui meurent, 90 sont en Afrique. Cette mortalité est un véritable problème de santé publique qui remet en cause l'avenir et le développement du continent africain. Il faut donc lutter à la fois contre les maladies de l'enfance et contre celles qui rendent invalides les adultes. C'est un enjeu majeur. Les maladies parasitaires en Afrique font beaucoup de dégâts.
Quels sont les pays les plus touchés ?
Il y a des pays où la prévalence est plus élevée que dans d'autres, où la transmission est permanente. Ailleurs où la transmission est saisonnière, le paludisme constitue aussi un gros problème. Dans les pays se situant dans la zone équatoriale (Cote d'ivoire, Togo, Cameroun, etc.), le paludisme sévit pendant toute l'année, avec des enfants atteints tous les mois. Par contre, dans les zones à transmission saisonnière, il n'y a pratiquement pas de paludisme durant la saison morte. Le paludisme constitue un véritable problème contre lequel il faut lutter.
Vos attentes concernant le symposium qui s'ouvre aujourd'hui ?
Le Congrès de la Société ouest-africaine de parasitologie est la manifestation scientifique la plus importante dans cette région. C'est une très bonne occasion pour faire le point sur tout ce qu'il y a comme avancée dans la recherche sur les maladies comme le paludisme. Il est certain qu'à la fin de cette rencontre, on aura appris beaucoup de choses, et ceux qui viendront verront un peu où en est la recherche sur l'efficacité des médicaments.
PAR VIVIANE DIATTA
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