Les deux terrains payés 24 milliards Cfa bradés à 6 milliards au vendeur initial
Comme promis, nous revenons sur cette affaire immobilière relative à la vente par le gouvernement de Macky Sall, respectivement à 9 millions et 3 millions de dollars, de deux terrains acquis par le Président Wade pour abriter la Maison du Sénégal à New York. La transaction a été enregistrée ce 14 mai 2013 et l’acheteur est la société immobilière Hotel East 44th Street LLC, celle-là même qui avait vendu les terrains au Sénégal... à 24 millions de dollars.
C’est le Président Wade qui avait acquis un terrain à New York, pour y édifier «La Maison du Sénégal». La transaction avait suscité un immense tollé au Sénégal, cette acquisition ayant été considérée comme une autre manifestation de la gabegie ambiante du régime libéral. Le gouvernement avait négocié pour 24 millions de dollars (près de 14 milliards de francs Cfa) ce terrain qui, en 2007, en plein boom de l’immobilier, avait coûté à ses nouveaux propriétaires près de 6 millions de dollars, l’équivalent d’un peu moins de 3 milliards de francs Cfa. Le terrain est revenu huit fois plus cher au Sénégal alors qu’on était en pleine crise de l’immobilier aux Etats-Unis, la fameuse période des subprimes. L’accord conclu avec les propriétaires, la société immobilière Hotel East 44th Street LLC, fixait le prix du terrain à 27 millions de dollars, environ 14 milliards de francs Cfa.
La presse américaine à boulets rouges…
Si l’on se fie aux écrits de journaux américains qui avaient relaté l’affaire, le Président Wade avait même voulu reculer au dernier moment. Mais, en définitive, le gouvernement avait versé un acompte de deux millions de dollars (1 milliard de Cfa), promettant de compléter rapidement le reste de la somme. La société immobilière aura attendu longtemps pour voir la couleur de son argent et finit par recourir à la Justice, pour que les choses se débloquent. Auparavant, le Sénégal s’est publiquement fait traiter d’«Etat en faillite» dans la presse américaine. Mieux, les plaignants avaient publié dans un organe de presse local un texte qui descendait en flammes le Président Wade : «Si le Président corrompu d’un pays pauvre d’Afrique vous contacte pour vous dire qu’il est prêt à payer 14 milliards (27 millions de dollars) pour acquérir un de vos terrains dans le centre ville, ne le prenez pas au mot. Restez sceptique, au moins jusqu’à avoir l’argent en mains», ironisaient-ils. Ils ajoutaient que ces mésaventures new-yorkaises se déroulaient au moment où, dans la capitale de son pays, ce chef de l’Etat «mettait la dernière main sur une statue de plus de 50m, dont Wade se vantait qu’elle dépassait la Statue de la liberté de plus de 4m. Le coût de ce projet totalement inutile et hautement controversé : 27 millions de dollars (14 milliards de Cfa) !»
Péripéties judiciaires
Devant le juge Mc Mahon du tribunal du District Sud de New York, les plaignants ont fait valoir que les atermoiements de leur client sénégalais leur avaient coûté plus de 15 millions de dollars de pertes, qu’ils entendaient recouvrer, bien entendu. Le Sénégal finira par revenir à de meilleurs sentiments et négociera pour payer 24 millions de dollars, au lieu des 27 convenus au départ. Et l’agence a retiré sa plainte, remerciant au passage «Son excellence Abdoulaye Diop, ministre des Finances, son excellence Abdoulaye Diop, ministre délégué au Budget, et particulièrement Samuel A. Sarr, ministre de l’Energie, le Représentant permanent du Sénégal aux Nations-Unies, et son Excellence le Président Abdoulaye Wade, pour leurs efforts pour parachever cette transaction».
Une idée «géniale» de Atepa
«La Maison du Sénégal» était une idée de l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, qui à l’époque avait justifié le projet en déclarant que «l’une des très rares bonnes choses qu’ait faites Idi Amin Dada, c’est d’avoir construit la maison de l’Ouganda à New York. Bien longtemps après que ce pays soit entré en crise, ce sont les revenus tirés de cette maison qui ont servi à payer les diplomates à l’étranger, et de prendre en charge une partie de la communauté ougandaise, notamment les étudiants, sur le sol américain. J’ai suggéré au Président de trouver un terrain à New York, qu’on devrait valoriser sur ce modèle, et qu’on appellerait la Maison du Sénégal», avait-il confié au journal Le Quotidien qui avait révélé, à l’époque, la transaction.
Mais la Maison du Sénégal à New York ne sera jamais construite sur le site acheté et payé près de 12 milliards de F Cfa. Le gouvernement du Président Macky Sall est donc revenu sur la transaction, vendant les deux terrains, l’un, établi au E 66 St, 10065, à 9 millions de dollars (près de 4,5 milliards F Cfa), l’autre, situé au 68 St, 10065, à 3 millions de dollars (quelque 1,5 milliards Cfa). L’acheteur n’étant autre que la société immobilière Hotel East 44th Street LLC, qui avait vendu les terrains au gouvernement du Sénégal, dans les conditions relatées plus haut. Pour dire que toute marchandise achetée et retournée au magasin perd les trois-quarts de sa valeur. Et c’est ce qui est arrivé à l’Etat du Sénégal qui, après avoir payé 24 milliards ces terrains à Manhattan, les a revendus 6 milliards de F Cfa. Et s’il est vrai que le gouvernement du Sénégal fait face à des tensions de trésorerie, ne fallait-il pas attendre un moment plus favorable pour aliéner ces biens publics, au lieu de les brader de cette façon-là ?
L’autre question majeure que se posent nos sources est de s’interroger sur le respect des procédures financières. L’Etat du Sénégal peut-il vendre une partie de son patrimoine à l’étranger sans procéder à des ouvertures de crédit dans la loi de finances pour des affectations de dépenses ? Une procédure qui doit aussi être régularisée par le vote d’une loi de finances rectificative. Ce qui n’est pas encore le cas. Peut-être que ce sera le cas prochainement, puisqu’on annonce de bonne source qu’une loi de finances rectificative devrait passer à l’Assemblée nationale, fin mai 2013...
MOUHAMADOU KANE
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