''C'est devenu une réalité''
Décrié notamment pour de son mode de financement jugé scandaleux, le Monument de la Renaissance échoit aujourd'hui au département de la Culture et du Tourisme dirigé par le ministre Youssou Ndour. Dans cet entretien avec EnQuête, le directeur du monument, Abdel Kader Pierre Fall explique l’intérêt de ce projet et indique ce qu’il devrait en être après le départ de son initiateur, Abdoulaye Wade.
Il est question d'audits avec le nouveau président Macky Sall. Ne craignez-vous pas pour le Monument de la Renaissance dont vous êtes le directeur ?
Non, du tout. Je crois que le Monument est devenu une réalité qui s’impose au plan national et international. Il a été critiqué et continue de l’être. Mais le plus important, c’est comment l’exploiter de façon judicieuse, pour en faire un pourvoyeur de devises et une source de créations d’emplois. Pour moi, cela est très possible et souhaitable.
Comment entendez-vous le rentabiliser ?
Le potentiel est palpable. L’aéroport Léopold Sédar Senghor va être délocalisé à Diass. A la place, il est prévu une cité des affaires. Vous avez les réceptifs hôteliers le long de la côte et, enfin, le monument. Ainsi, c’est un triangle vibrant avec ses angles représentés par le tourisme, les affaires et le monument en tant que complexe culturel. Une bonne coordination entre ces trois pôles peut faire de Dakar une plateforme touristique de premier plan. Maintenant, si vous faites allusion au montage financier pour la construction du monument, là c’est autre chose.
Parlons justement du montage financier du monument...
Pour réaliser cette ambition pour le monument, je voudrais vous rappeler qu’un plan d’aménagement général est prévu avec la construction d'un hôtel, un restaurant gastronomique, des boutiques, etc. C'est pour rendre plus attractif le monument et surtout amener les clients à rester davantage et, partant, dépenser plus. Ces réalisations ne nécessitent pas des ressources budgétaires, au contraire, des privés sont prêts à investir. Donc en fin de compte, l'État y gagne avec des emplois créés et des recettes fiscales.
Pensez-vous que le président Macky Sall suivra cette logique, lui qui promettait de casser les nouvelles constructions qui jureraient d'avec les normes ?
Je ne crois pas que la destruction du monument soit une option. Pour le monument, il faut simplement assurer que les balises fonctionnent bien sans discontinuer. Détruire ce monument serait une erreur et je ne crois pas un seul instant que le président Macky, avec le sens de la mesure qu’on lui connaît, puisse aller dans cette direction. Je voudrais préciser une chose : je n’ai pas été impliqué dans le montage financier pour la construction du monument, je ne peux donc être impliqué dans un audit sur cette question.
Le monument a quels intérêts précis pour les populations de Ouakam et environs ?
Je voudrais, d'abord, remercier la communauté de Ouakam, les Lébous de Yoff et Ngor pour leur hospitalité. Déjà, les sociétés qui avaient commencé à travailler au monument recrutaient des jeunes de Ouakam. Avec la société d’exploitation, un intérêt tout particulier sera accordé au recrutement des jeunes lébous. Le monument favorise une appréciation de la valeur foncière à Ouakam et alentours. Enfin, le président (Abdoulaye Wade, NDLR) avait pris la décision de sponsoriser l’équipe de Ouakam, mais des lenteurs ont fait foirer le projet de façon générale. La société d’exploitation devrait assumer pleinement et entièrement sa responsabilité sociale d’entreprise à l’égard de Ouakam ; et le président Macky Sall ira dans le sens de satisfaire les attentes légitimes des populations.
Allez-vous alors relancer le projet de sponsoring de l'US Ouakam ?
Absolument. Je vais rendre compte au président Macky sall et au ministre de la Culture et du Tourisme. Il appartiendra au président de donner des instructions.
Comment fonctionne le monument et quelles sont les stratégies pour intéresser les populations sénégalaises ?
Au niveau du monument, nous avons une administration embryonnaire avec un groupe de guides pour encadrer les visiteurs. Les tâches de maintenance sont assurées par des sociétés de la place. On a choisi l’option du ''faire-faire'' pour éviter un gonflement des charges d’exploitation. Pour attirer les Sénégalais, nous les considérons, d’abord, comme des clients et nous nous efforçons de leur offrir un produit de qualité. En sus de ce produit, nous allons mettre en oeuvre une campagne de marketing bien ciblé. Nous avons aussi ce que nous appelons une approche segmentée. C’est dans ce cadre que nous approchons les établissements scolaires et d’autres segments de la population pour organiser des visites en groupe. Le produit que nous vendons est très vendable. Nous allons l'améliorer de façon continue et graduelle. Je suis confiant qu’ainsi nous pourrons faire venir les Africains d'ici et ceux de la diaspora, et pourquoi pas les touristes du monde entier. Le monument a fini d’être le point de ralliement de l’Afrique et sa diaspora.
Le monument est sous la tutelle du ministère de la Culture et du Tourisme, Youssou Ndour. Qu'attendez-vous de lui ?
J’ai beaucoup de respect pour M. Ndour et c’est un plaisir de collaborer avec lui. Cependant, restez au monument n’est pas une obsession pour moi ; tout au contraire, mon voeu serait de servir ce pays à d'autres niveaux. Après avoir été ambassadeur, directeur de cabinet et Secrétaire général des affaires étrangères, conseiller spécial du président et surtout après une longue carrière dans les finances aux États-Unis, j'aspire à faire autre chose, même si je considère le monument comme étant d'une très grande importance. A M. Ndour, je dirais : ''Gérez le monument de façon concertée avec les acteurs de la culture et du tourisme. Et surtout ne jamais ignorer les communautés lébous vivant autour du monument. Enfin, s'assurer du désengagement progressif de l’État et laisser le privé prendre en charge l'aménagement du Monument''. Je pense que s’il est bien entouré, il est dans son domaine, il peut y arriver. Un conseil peut-être, je crois qu’il y a des gens extrêmement calé dans ce département et je pense à quelqu’un comme Racine Senghor, l’ancien directeur de cabinet de la ministre Awa Ndiaye au même département. Il y a également Sahite Sambe qui a été le directeur de cabinet du ministre Modou Bousso Lèye et directeur de l’école des arts.
Pa Assane Seck