La longue marche du PAI retracée
‘’Trajectoire et documents du Parti africain de l’indépendance au Sénégal’’. C’est le titre de l’ouvrage produit par le président du Comité national préparatoire de la commémoration du cinquantenaire du Manifeste du Pai, Moctar Fofana Niang. L’ouvrage de 347 pages retrace les idéaux, les années de clandestinité de ce parti de la gauche sénégalaise, le contexte dans lequel le Pai a vu le jour, sa durée de vie légale, son premier congrès et la répression aveugle dont ses différents militants et responsables ont été victimes. EnQuête vous livre un avant-goût de cet ouvrage dont la cérémonie de dédicace et de lancement est prévu cet après-midi.
Le Parti africain de l’indépendance (PAI) aura beaucoup marqué son époque et contribué à l’indépendance du pays, l’émancipation des peuples noirs et l’approfondissement de la démocratie au Sénégal et en Afrique. Mais son histoire ou plutôt sa saga, reste peu connue de la plupart des Sénégalais. Et c’est pour remédier à une telle situation que le président du Comité national préparatoire de la commémoration du cinquantenaire du Manifeste du PAI, Moctar Fofana Niang, a produit un ouvrage intitulé : ‘’Trajectoire et documents du Parti africain de l’indépendance au Sénégal.’’
L’ouvrage de 347 pages retrace la marche tumultueuse de ce parti d’obédience marxiste-léniniste ponctuée par 18 années de clandestinité et des brimades policières occasionnant des pertes en vies humaines et des exils dans les rangs de ses dirigeants et militants. Son auteur, Moctar Fofana Niang, une des figures marquantes de la lutte pour l’indépendance du Sénégal, sans vouloir être exhaustif dans ses écrits, tente tant bien que mal de reconstituer l’histoire effective du Parti africain de l’indépendance. Selon lui, Le Pai, ‘’au delà de son mérite d’avoir été la première formation politique à réclamer l’indépendance nationale et immédiate de l’Afrique, ne s’était pas contenté seulement de la formulation de l’exigence de l’indépendance formelle, il s’est effectivement battu de toutes ses forces sans concession ni répit pour atteindre cet objectif majeur’’. Tout d’abord, ‘’dans le cadre de la Fédération de l’Afrique de l’Ouest française (AOF), avant de se limiter par la suite au plan national compte tenu de la dislocation de celle-ci’’.
‘’Son combat avec détermination, opiniâtreté et une volonté inébranlable pour la liberté, la démocratie, la justice sociale, l’émancipation des peuples d’Afrique et leur autodétermination ont été un fait que la puissance coloniale et les pouvoirs néocoloniaux qui l’ont succédé, s’emploient à masquer et à effacer de la mémoire des populations, de génération en génération’’, dénonce l’auteur selon qui ‘’ce combat a valu à ses membres et à lui-même d’être l’objet d’une féroce répression, de privations de liberté, de licenciement et tant d’autres sévices pour le contraindre à l’abandon de la lutte et de ses objectifs’’. Ainsi, ‘’les vaillants militants de la première génération du Pai pour lesquels l’engagement, la détermination, la générosité étaient le crédo, un sacerdoce, ont subi des pertes humaines considérables dans leurs rangs à la suite de sévices et tortures subis de la part des tortionnaires. Certains ont vu leurs familles disloquées à cause de leurs engagements politiques et convictions idéologiques ; d’autres employés dans le privé ont été victimes de licenciement de leur entreprise et ceux qui étaient fonctionnaires ou agents de l’Etat, furent radiés dans le même temps pour les mêmes raisons’’, à en croire Moctar Fofana Niang.
Dissolution
En effet, le Pai, après seulement deux ans et demi d’existence et d’activités légales, a été ‘’arbitrairement’’ dissout par le régime de Léopold Sédar Senghor. Dès lors, il a vécu dix-huit années ‘’dures’’ dans la clandestinité. Selon Moctar Fofana Niang, ‘’ces documents fondamentaux, hormis le manifeste, ont été diffusés sous le manteau et nuitamment’’. Et ‘’les forces policières dans leurs opérations de répression ont réussi à en ensevelir ou détruire beaucoup’’. Malgré tout cela, souligne l’auteur, ‘’il résista vaillamment avec un courage exemplaire en dépit de ses faibles moyens en tout genre, grâce à l’abnégation et surtout au patriotisme, à l’esprit de sacrifice et de solidarité de ses militants, qui avaient une profonde foi en leurs convictions’’.
Composition
Il faut noter que ‘’le Pai a réussi à regrouper l’intelligentsia patriotique africaine civile et militaire, l’Union culturelle musulmane, l’aile progressiste de la Fédération des étudiants d’Afrique noire de France (FEANF), de l’Union générale des étudiants de l’Afrique occidentale (UGEAO), de la jeunesse progressiste d’Afrique, de la centrale syndicale, l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (UGTAN) ainsi que toutes les forces de progrès et patriotiques des Etats membres de l’AOF’’. Cela, pour faire face dans ce combat contre la puissance coloniale, ‘’aux forces conservatrices et rétrogrades adossées à l’impérialisme qui ne voyait pas d’un bon œil, la présence d’un parti comme le PAI avec ses idées révolutionnaires et prônant la libération immédiate de l’Afrique du joug colonial’’.
Luttes pour l’indépendance
A en croire les témoignages de Moctar Fofana Niang, ‘’le Pai avait prôné de façon nette et claire le divorce absolu avec la ‘’Sainte doctrine’’ du capitalisme, dont la caractéristique fondamentale est l’exploitation de l’homme par l’homme, afin de nous orienter résolument dans la voie de développement non capitaliste ou plus exactement vers le socialisme’’. Mais dans sa trajectoire, ‘’il a été l’objet de complots et de discrimination de la part des autres partis politiques africains réactionnaires, suppôts du néocolonialisme, tout au long de la période coloniale, lors de la tenue des conférences et réunions pour discuter de l’avenir de l’Afrique et plus exactement de son indépendance’’.
Senghor et Houphouët au banc des accusés
Parmi ces comploteurs, l’auteur cite Senghor et Houphouët ‘’qui ont tout fait pour que la voix du PAI ne soit pas entendue dans les tribunes où le sort de l’Afrique se discutait et se décidait’’. ‘’Parti le plus redouté par les forces réactionnaires d’alors, sans doute par crainte de la force de ses idées et leur pénétration au sein des masses populaires’’, le PAI imperturbable et résolument déterminé, a poursuivi sans relâche son exaltant combat, tant sur le plan de la formation idéologique de ses membres et de sa consolidation, que sur le terrain de la lutte concrète pour la défense des intérêts des masses laborieuses africaines, en s’opposant par divers moyens et formes, aux mesures antidémocratiques, antisociales ou en violation flagrante des droits des travailleurs, etc.’’
Visite du général De gaulle
Mais la période à laquelle il s’est le plus illustré, c’est sans doute lors de la visite du général De gaulle du 26 août 1958. Cet événement, de l’avis de Moctar Fofana Niang, ‘’marque une date historique dans l’Afrique pré-indépendante et a mis à nu l’hypocrisie de nos dirigeants d’alors, avec leur parti, l’Union progressiste sénégalaise (Ups), ancêtre du Parti socialiste (Ps)’’. ‘’Le Pai, de concert avec les autres organisations démocratiques de masse, les forces de progrès et patriotiques, avait préparé et organisé un accueil mémorable au général De gaulle pour lui signifier de la manière la plus claire, la volonté et la détermination de notre peuple et surtout de sa jeunesse d’aller à l’indépendance pour mettre totalement fin à la longue nuit de colonisation de notre pays par la France’’, témoigne l’auteur. Ce dernier a d’ailleurs, dans l’ouvrage, intégralement publié le Manifeste du Pai marquant sa naissance, ainsi que sa durée de vie légale, les différents rapports des différents congrès du parti. En outre, il aborde également les crises internes auxquelles le parti fut confronté et la rectification et la réorganisation qui en ont suivi.
ASSANE MBAYE