Publié le 20 Sep 2016 - 06:33
3 QUESTIONS AU DR PATRICE THEOPHILE SARR, MEDECIN-CHEF DU CENTRE MEDICO-SOCIAL DE LA FONCTION PUBLIQUE ET PRESIDENT DU CONSEIL DE SANTE DU SENEGAL

‘’Dans le passé, il y avait des magouilles…’’

 

Quels sont les pathologies qui nécessitent le plus d’évacuation dans la fonction publique ?

Il faut d’abord comprendre que  la procédure d’évacuation est initiée par l’agent malade. Il doit, avec son médecin traitant, chercher un certificat médical, à partir de ça, il fait une demande manuscrite qu’il va adresser directement à son ministère de tutelle. C’est ce dernier qui va transmettre le dossier à la Fonction publique. Notre service dépend directement du ministère de la Fonction publique. En tant que conseil de santé, nous donnons notre avis par rapport à la pathologie.

Est-ce qu’il faut évacuer ou non. Après, on travaille sur le dossier avec le partenaire où l’évacuation doit se faire. Les pathologies neurologiques, neuro-vasculaires et cancéreuses sont les plus évacuées. Pour la cardiologie, nous évacuons quelques cas qui ne peuvent pas être traités ici. Mais, nous avons noté une réduction drastique des évacuations liées aux pathologies cardiaques, avec l’installation de la coronarographie à l’Hôpital Aristide Le Dantec. Sur la moitié des dossiers que nous recevons, parfois, l’évacuation est possible et nécessaire. C’est pour la France ou ailleurs. Alors que, nous, actuellement nous ne disposons que d’une seule possibilité. C’est le Maroc.

 Justement ! Il est dit que vous devez une dette à la France. Ce qui a mis fin au contrat. Est-ce vrai ?

Le Maroc est la seule convention qui fonctionne. Depuis 2015, on n’évacue plus vers la France. Avec les Français, nous avons des difficultés pour régulariser les factures. Ils ont décidé d’arrêter la convention. L’Etat du Sénégal ne paie qu’après service rendu et la France veut qu’on paie avant service. Ils nous ont notifié que le cas sera traité, après le paiement de la facture pro-forma. Sinon, ils ne recevront pas le malade. Quant à la dette, à ce que je sache, non.

En tout cas, les factures que nous avons reçues, nous les avons payées. C’est vrai que cela a pris beaucoup de retard, mais on a pu évacuer cela. Le ministère de la Fonction publique est chargé de gérer son personnel. Particulièrement, les agents de l’Etat. C’est dans ce sens que l’offre a été élargie pour que ces agents puissent être traités, au-delà du Sénégal, si vraiment la pathologie ne peut être traitée ici. L’évacuation annuelle des agents tourne autour d’une quarantaine de personnes. Donc, moins de 50 par an. Ce sont des cas de contrôle ou des nouveaux malades.

L’on soutient souvent que certaines évacuations ne se justifient pas, en plus du clientélisme et des magouilles qui existent déjà. Est-ce une réalité ?

Dans le passé, je peux dire : Oui. Mais depuis 2005, les choses sont tellement sécurisées et organisées de telle sorte que ceux qui sont évacués passent par une procédure. La procédure prend du temps. Dans le passé, on voyait des gens qui ont les moyens partir et dire après que c’est l’Etat du Sénégal qui les a envoyés. Ainsi, le Conseil de santé a eu plein droit de chercher à sécuriser, à signer des conventions. Et l’Etat a vraiment capacité le centre, pour que le conseil soit la seule structure capable d’évacuer. C’est une commission qui a des médecins qui viennent même de différents ministères. Les forces armées sont représentées, le ministère de la santé.

C’est le malade même qui initie le dossier. Nous, nous le recevons. On convoque le malade, on l’examine et si cela ne suffit pas, on lui demande de faire une expertise, une contre-expertise, même s’il le faut, avant de dire : oui il faut évacuer le malade. Tous ces documents confectionnés, le dossier est présenté au Conseil de santé et c’est ce conseil qui décide. Ce n’est pas juste moi président du Conseil de santé qui donne l’aval, c’est le groupe de médecins qui décide.

Par rapport au clientélisme dont vous parlez, il faut savoir que l’évacuation n’est pas totalement gratuite. Ceux qui sont évacués, quand ils reviennent, un prélèvement est fait sur leur salaire. Ils paient le 1/5 des frais et l’Etat doit recouvrir cet argent. Je ne vois pas de clientélisme. Mais dans toute chose, il y a des brebis galeuses et le Conseil de santé est là pour sécuriser, pour éviter qu’il y ait des abus.

Je suis au centre, depuis plus de 10 ans. Je n’ai jamais vu de magouilles. Et je suis le médecin-chef, depuis plus de trois mois. Je n’ai pas senti cela. Mais, on reçoit des pressions de gens qui souhaitent être évacués, alors que parfois ce n’est pas nécessaire. On communique avec eux et avec les médecins traitants pour que cela puisse se faire, ici. Ce n’est pas tout agent qui demande à être évacué qui est évacué systématiquement. Les frais de transports et de soins, c’est l’Etat qui les prend en charge. Parce que, quand on évacue, il est supposé être pris en charge totalement. A son retour, on lui défalque ce qu’il doit à l’Etat.

V. Diatta

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