Hollande vers une majorité normale
La gauche aurait tort de bouder son plaisir. Il y a dans les résultats de ce premier jour des législatives matière à satisfaction pour le Parti socialiste et ses alliés. Certes, comme l’a relevé François Fillon, «il n’y a pas eu de vague rose». Mais c’est l’inverse qui aurait été une vraie surprise. Quatre semaines après une élection présidentielle qui avait dessiné une France littéralement coupée en deux, il était très peu probable d’assister à un raz-de-marée de la gauche. Outre une abstention record, le principal enseignement de ce scrutin est bien la progression un peu plus forte qu’attendue du PS et de ses alliés du premier cercle, avec un score qui le place au coude à coude avec l’UMP. Si bien que la majorité absolue à l’Assemblée nationale (c’est-à-dire sans avoir besoin du soutien des écologistes et du Front de gauche) n’est pas encore certaine mais possible.
Il n’y a pourtant dans ce résultat aucune déclaration d’amour enflammée à un chef de l’Etat qui, dans la douce euphorie d’un bain de foule, s’était laissé aller à se définir comme le «Président des bisous». Il n’est même pas sûr que la «normalité» forcenée et un peu forcée du nouveau style présidentiel ait convaincu l’ensemble des Français. Et donc soit la clé de ce scrutin. En revanche, François Hollande n’a pas déçu. Ni chuté. Depuis son élection, il tient rigoureusement les engagements de sa campagne présidentielle. Il est grosso modo ce qu’il a dit qu’il serait. Et fait ce qu’il a promis. Les premières mesures du gouvernement Ayrault ont rassuré la gauche de la gauche. Sans effrayer le centre. La retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans, la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, le coup de pouce au Smic, l’encadrement des loyers et des salaires des patrons dans le public… La feuille de route du candidat Hollande a été respectée. Toutes ces mesures avaient d’ailleurs l’immense avantage politique d’être parfaitement lisibles et surtout populaires. Du pain blanc donc. Mais, en expert de la chose électorale qu’il est, François Hollande a mis un soin particulier à écarter tous les sujets qui fâchent ou qui divisent. Le droit de vote des étrangers, les futurs contours de la réforme fiscale, les économies dans les dépenses publiques, les indispensables compromis européens… tout cela a été rangé au placard, dans l’attente d’une majorité solide à l’Assemblée. Logique.
La droite a longtemps espéré une boulette à l’instar de celle sur la TVA sociale, annoncée par Jean-Louis Borloo en 2007. En vain. Elle a attaqué les premiers pas de Christiane Taubira, la ministre de la Justice. Mis en garde contre la concentration de presque tous les pouvoirs dans les seules mains de la gauche. Mais au final, l’UMP n’a pas disposé de beaucoup de munitions pour faire dérailler la logique électorale : donner les moyens législatifs à un Président pour mener la politique pour laquelle il a été élu.
En attendant la confirmation du deuxième tour, François Hollande a donc toutes les raisons d’être satisfait. Mais ce n’est ni un état de grâce et encore moins un chèque en blanc. Il découvre simplement des Français, banalement cohérents.