‘’Le Sénégal a raté l’occasion de redéfinir les bases de son développement’’
Le Sénégal n’a pas profité de l’’’opportunité’’ offerte par la crise socio-économique engendrée par la pandémie de la Covid-19, pour changer de trajectoire de développement. Une situation que regrette le banquier Makhtar Sarr qui intervenait, ce weekend, dans le cadre d’un panel sur la ‘’Relance économique post-Covid-19’’, organisé en marge du gala de Global Tours.
Le thème de la ‘’Relance économique post-Covid-19’’ a été traité par des panélistes à l’expérience avérée, ce weekend, lors du gala annuel de la résilience économique et des stratégies de développement initié par Global Tours, filiale de GTIS. Le banquier Makhtar Sarr a saisi cette occasion pour se pencher sur l’évaluation de la stratégie de relance économique qui a été mise en place au Sénégal au lendemain de la Covid-19.
Pour lui, le pays a raté l’occasion de changer de trajectoire, de ‘’redéfinir les bases de son développement’’. ‘’La meilleure leçon qu’on aurait pu tenir de la Covid-19, c’était de comprendre qu’il y avait une rupture. Celle-ci, sur le plan social, il fallait qu’on se concentre sur l’essentiel. Mais économiquement, le Sénégal est un pays qui a adossé tout son développement à l’extérieur. C’est là où on a raté quelque chose qui s’est passé'', a regretté le panéliste.
Car, il estime que c’est à partir d’une telle crise qu’on peut redéfinir les bases, que ce soit sur le secteur primaire, sur le secteur secondaire ou le secteur tertiaire. ‘’Ici, presque tout est importé (aliments, médicaments, habits, matériel électronique…), fait-il remarquer. ‘’Comment on va aborder cette crise afin que la relance vienne de nous-mêmes ?’’, c’est la question qu’il fallait se poser, selon lui. ‘’Malheureusement, dit-il, nous avons traité le sujet sous l’angle le plus basique, pour dire qu’il faut qu’on donne aux gens à manger. Cette analyse de la situation a complètement biaisé la façon dont on devait aborder le sujet’’.
Makhtar Sarr considère que la seule lueur qu’il y a eu dans la gestion, c’est l’enveloppe de 1 000 milliards de francs CFA, annoncée dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale (Pres) et qui avait pour objectif la mise en place de mesures d’urgence pour atténuer les effets de la crise sanitaire au plan social, économique et sanitaire.
Mais sur ce point également, il regrette : ‘’Malheureusement, dans la mobilisation de ces mille milliards, on est retourné voir les mêmes problèmes, les mêmes sources. Et c’est ça qu’on est en train de suivre jusqu’à présent (l’endettement). Toute la stratégie de relance est basée sur les donations, sur l’argent des bailleurs. Il y a beaucoup de concepts qui ont été annoncés, mais très peu ont été réalisés.’’
En effet, M. Sarr pense que la crise devrait pousser le pays à adopter des choix stratégiques pour définitivement produire tout ce dont le pays a besoin, au lieu de fonder la relance sur une stratégie de dette. À ce rythme d’endettement, il estime que ‘’si on ne fait pas attention, le pays va se retrouver à la configuration d’un Etat salarié dans son propre pays’’.
Se focaliser sur l’industrialisation
De l'avis de Makhtar Sarr, le Sénégal doit se focaliser sur l’industrialisation. ‘’Non seulement, il y a eu un déficit par rapport à la stratégie, mais il y a aussi eu beaucoup de pertes d’emploi. Si nous voulons réellement développer ce pays, il faut miser sur l’industrialisation. Et cela ne se fait pas en trois ans. Les bases d’une industrialisation sérieuse, c’est pour le long terme. Il faut se donner le temps’’, a-t-il indiqué. ‘’Pour régler le problème de l’employabilité, on veut transformer tout le monde en entrepreneur, mais ce sont juste des entrepreneurs de fait’’, a-t-il enchaîné.
D’ailleurs, de son côté, la panéliste Khady Diouf, spécialiste des questions financières, a accentué son intervention sur le sujet de l’employabilité des jeunes. Elle souligne qu’il existe une inadéquation entre la formation offerte à l’université et le marché de l'emploi. ‘’Il y a beaucoup de jeunes qui sont diplômés, mais qui ne sont pas employables’’, dit-elle, estimant qu’il faut des formations qualifiantes et des étudiants qualifiés. Et de donner un chiffre effrayant de l’ANSD : ‘’Deux jeunes sur trois au Sénégal sont au chômage.’’
BABACAR SY SEYE