Abdoul Mbaye et cie mettent la pression sur Macky Sall et son gouvernement
Dans un mois, le Sénégal aura officiellement désobéi à la Cour de justice de la Cedeao (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui a ordonné, en avril dernier, la suppression du parrainage dans les six mois suivant la publication de la décision de justice. En réunion ce samedi, l’ACT l’a rappelé au chef de l’Etat.
« La Cour décide que les formations politiques et les citoyens du Sénégal qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale [en 2018] doivent être rétablis dans leurs droits par la suppression du système de parrainage, qui constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote, d’une part, et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat, d’autre part. » Par son arrêt de 32 pages rendu le 28 avril dernier, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) portait un coup sévère au code électoral sénégalais, après la réélection du président de la République, Macky Sall, au premier tour de l’élection de 2019. Elle avait laissé, dans le même temps, six mois aux autorités sénégalaises pour « soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution de la présente décision ». A moins d’un mois de la fin de cet ultimatum, le Sénégal ne semble nullement être dans l’optique d’appliquer les décisions de l’organisation sous-régionale.
Dans la sphère politique directement concernée par cette décision de justice, certains n’ont pas oublié l’approche de la date fatidique. A l’image de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT) dont le Conseil National (CN) s’est réuni samedi au siège du parti. L’occasion a été saisie par la formation politique dirigée par Abdoul Mbaye pour rappeler « que la fin du mois d’octobre correspondra à la fin du délai donné par la Cour de Justice de la CEDEAO au Sénégal pour supprimer le système de parrainage mis en place à la veille de l’élection présidentielle de février 2019 afin d’assurer la réélection de Macky Sall en violation de droits élémentaires, telle la liberté du vote, et de nombreux traités ratifiés par le Sénégal. »
La conférence des chefs d’Etat de la Cedeao invités à dire stop à Macky
Le processus électoral devant mener à l’organisation des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022, premières joutes électorales depuis la présidentielle, touchera bientôt à sa fin. La période de contentieux est ouverte, après celle de révision exceptionnelle des listes électorales. Celles-ci ont été précédées par l’adoption du code électoral, après l’audit du fichier. Toutefois, le parrainage n’a pas été supprimé de la loi électorale. Pour remédier à cela, l’ancien premier ministre, Abdoul Mbaye, et sa formation politique exhortent les pairs du président de la République du Sénégal à le raisonner. En effet, « le CN considère comme essentiel à la paix sociale et politique du Sénégal que la Conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO invite Macky Sall au respect de l’arrêt n° ECW/CCJ/JUD/10/21 rendu le 29 avril 2021. »
Les chefs d’Etats ouest-africains sont également invités à arrêter la passivité dont ils font preuve dans la gestion des États au sein de la Cedeao. Une des conséquences identifiées de ce manque d’implication est la récurrence des coups d’Etat, à l’image de ce qui se passe au Mali et en Guinée. Constatant ainsi « l’incapacité de la Conférence des Chefs d'État de la CEDEAO à prévenir ces crises politiques récurrentes, le CN appelle cette instance à davantage se soucier de leurs véritables causes qui les rendent systémiques. Il exhorte au réalisme et à la prévention par le rappel d’une nécessaire instauration et consolidation d’Etats de droit, respectueux des Constitutions, des droits de l’homme et des traités internationaux ratifiés par les États membres ».
Dans cette affaire du parrainage, lancée par une plainte de l’Union sociale libérale (USL), un parti présidé par l’avocat Abdoulaye Tine, les avocats du Sénégal évoquent l’incompétence de la Cour de la Cedeao pour statuer sur le sujet, ainsi que l’irrecevabilité de la requête, qui « vise uniquement à remettre en cause les lois votées par l’Assemblée nationale et les décisions du Conseil constitutionnel, d’une part, et à amener la cour de céans à vouloir assurer la police des élections présidentielles, d’autre part ».
L’affaire Petrotim pas encore enterrée
D’autres questions relatives à l’actualité sénégalaise et africaine ont été évoquées, lors de la rencontre de l’ACT. Elles concernent la fréquence élevée des scandales en tout genre qui secouent le régime de Macky Sall. Les opposants réclament la traque de tous les délinquants auteurs de détournement de deniers publics, de trafic de faux billets, de faux médicaments et de faux passeports diplomatiques. Ils réitèrent la nécessité pour la justice sénégalaise de donner suite à la plainte pour faux déposée le 19 juillet 2019 par le député Mamadou L. Diallo et l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, au nom du CRD, dans l’affaire du décret basé sur un faux rapport de présentation et ayant permis l’attribution illégale de permis pétroliers à la société Petrotim dirigée à l’époque par Aliou Sall, frère du Président Macky Sall.
Dans l’optique des élections locales, le CN a appelé tous les compagnons à créer les meilleures synergies possibles avec les militants des partis et mouvements membres de la grande coalition mise en place avec le PDS, AJPADS, JOTNA, CRD et BGG.
Lamine Diouf