L'épouse d'un célèbre avocat et sa meilleure amie attraites à la barre
La femme d’un célèbre avocat et son amie ont été appelées, hier, à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de Dakar. Les deux dames sont poursuivies pour détournement de deniers publics et recel au préjudice de l’Ipres. Le montant du préjudice s’élève à 200 millions F CFA.
Nd. T. Dia et M. D. Diop ont comparu, hier, à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Elles sont respectivement poursuivies pour détournement de deniers publics et recel. Le détournement en question concerne des tickets de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), d’une valeur de 200 millions F CFA. C’est suite à un audit commandité par l’Ipres que les deux dames, dont l’une est l’épouse d’un célèbre avocat, sont tombées. Selon l’économie des faits, la boîte avait mis à la disposition de ses agents des tickets de restauration. Mais les responsables ont constaté une montée fulgurante des factures.
Leurs doutes ont été confirmés par l’auditeur qui a relevé un montant de 207 118 000 F CFA, représentant un stock théorique de 103 559 tickets qui n'a pas été représenté par Nd. T. Dia. L’auditeur souligne que ce stock résulte de la différence entre 230 000 tickets commandés contre 126 441 distribués.
S’agissant du montant de 1 582 000 F CFA, l’auditeur renseigne qu’il constitue un gap de 791 tickets imputable à l'assistante sociale Nd. Fall appelée par la direction en remplacement de Ndèye Thioro Dia. Et sur une commande de 60 000 tickets, 58 175 ont été distribués et seulement 1 034 tickets représentés en lieu et place de 1 825 tickets.
Au-delà des nébuleuses sur le plan financier, le rapport indique que les factures des prestataires n'étaient pas conformes aux standards et étaient passées du simple au double, voire au triple.
Il ressort également du rapport que plusieurs tickets ont été utilisés pour des produits non-alimentaires. Ce qui ne devait pas être le cas, selon le responsable du Service des affaires juridiques et contentieuses de l'Ipres. À l’en croire, les tickets sont destinés exclusivement aux produits alimentaires et aux agents de l'Ipres. Ce qui n’a pas été respecté. Il s’est avéré qu’une grande quantité de tickets était détenue par une tierce personne, en l’occurrence M. D. Diop.
Pour sa défense, Nd. Th. Dia soutient que la gestion des tickets était une gestion collégiale et qu'elle n'était pas la seule à détenir les clés de l'endroit où ils sont gardés. En détention préventive depuis octobre 2020, la dame a ainsi contesté le délit de détournement de deniers publics qui lui est reproché. Sa coprévenue M. D. Diop conteste elle aussi le délit de recel de deniers publics qui pèse sur elle. ‘’On est amies depuis la maternelle. On n’a jamais commis d’actes répréhensibles’’, s’est-elle défendue.
Toutefois, l’avocat de la partie civile, Me Arona Bass, n’est guère convaincu par les déclarations des prévenues. Il réclame la somme de 250 millions de francs CFA pour dédommager l’Ipres qui, selon lui, a subi un énorme préjudice.
Le parquet révèle des failles de l’enquête
Par contre, le maître des poursuites a reconnu qu’il y a eu des failles dans l’enquête. Selon le représentant du ministère public, un rapport doit être contradictoire. ‘’S'il y avait une gestion rigoureuse, on ne peut pas remettre la clé à deux agents et imputer la faute à une seule personne’’, a relevé le substitut du procureur de la République qui a requis la relaxe pour Nd. T. Dia.
Cependant, il a estimé que seule M. D. Diop doit être déclarée coupable et condamnée à cinq ans d'emprisonnement.
De son côté, Me El Djigo a fustigé ‘’l’injustice’’ qu’a subie sa cliente Nd. T. Dia. ‘’Elle a passé 605 jours en prison, en laissant derrière elle des enfants et une mère malade. Son seul tort a été de refuser d’exécuter des directives non conformes’’, s’est désolé Me Djigo qui a fait une demande reconventionnelle. Il a réclamé la somme de 1 milliard de francs CFA pour dédommager sa cliente.
Me El Hadj Diouf a, pour sa part, sollicité la relaxe des prévenues. ‘’Il n'y a pas de deniers publics, dès lors que le représentant de l'Ipres a confié que l'État n’injecte pas de fonds à l'institution. Par conséquent, il n'y a pas de recel’’, a souligné Me Diouf.
L’affaire mise en délibéré, la chambre rendra sa décision le 19 janvier prochain.
MAGUETTE NDAO