Les députés exhument les maux de l’école
À occasion du vote du Budget du ministère de l'Éducation nationale, la majeure partie des parlementaires se sont appesantis sur le déficit criard d’enseignants, le manque de tables bancs, la modernisation des daaras et entre autres problèmes du système éducatif.
Hier, les parlementaires ont voté le Budget du ministère de l'Éducation nationale avec beaucoup d'interrogations et de désolation. Ils ont soulevé devant le ministre de l'Éducation nationale le déficit d’enseignants, le manque de tables-bancs, entre autres difficultés dont l'école sénégalaise fait face. Ils se sont également intéressés à la modernisation et la valorisation des Daaras. Presque chaque député, intervenu, a soulevé les mêmes problèmes dans sa localité. Ndèye Satala Diop, député du groupe parlementaire BBY, a fait savoir que, même si le budget augmente tous les ans, tant qu'on ne change pas certains paradigmes, il n'y aura jamais de changements.
"Les enfants sont toujours surchargés dans les salles de classe. Comment un enseignant peut satisfaire 60 élèves en même temps, parfois même plus. C'est impossible ! Donc, il est obligé de faire sa priorité. C'est-à-dire, travailler avec ceux qui sont brillants et ceux qui écoutent. Il les met devant ; les autres sont derrière et font tout ce qu'ils veulent et l'enseignant ne s'en occupe pas, car il ne peut pas gérer tout ce monde", a-t-elle regretté.
La parlementaire est d'avis que, pour qu'on ait une école performante, productive, il faut revoir le programme scolaire et limiter le nombre d'élèves dans les salles de classe. Elle prend l’exemple de l’Europe où le taux de réussite au Bac est de 80%, parce qu' ils ont des classes de 24 ou 30 élèves maximum.
Embouchant la même trompette, Yéro Sow du même groupe parlementaire a également souligné que le département de Linguère est l'un des départements les plus impactés par le déficit d’enseignants. Il a demandé qu'une dotation spéciale soit accordée à ce département pour combler ce gap. Selon lui, il faut que des corrections soient faites sur cette question, car dit-il, non seulement, il y a un grand nombre de départs dans beaucoup de départements, mais, en retour, il n'y a pas d'affectation. ‘’Malheureusement, regrette le parlementaire, il y a beaucoup d'écoles qui ferment à cause du déficit d'enseignants’’.
Après avoir reconnu que l'Etat a beaucoup fait pour le secteur de l'éducation et que le Budget de cette année est plus important que tous les précédents, Cheikh Seck, député de Benno Bokk Yaakaar, a indiqué qu'il faut marquer un arrêt pour voir pourquoi, il y a toujours un problème, malgré les investissements réalisés dans le secteur. En effet, indexe le député, "toutes les revendications des enseignants tournent autour de la prise en charge de leurs intérêts. Ils sont presque les mieux payés dans la fonction publique Sénégalaise. Plus de 80% du Budget va dans les charges du personnel, mais ils ne cessent de continuer à perturber le système éducatif".
Il a aussi souligné que les enseignants désertent les classes dans le public pour aller dispenser des cours dans le privé. Dans sa commune natale, Diourbel, déplore-t-il, "il y a 6 écoles qui sont créées par des enseignants et quand ils sont en grève, ils vont enseigner dans leurs écoles respectives. Quand les enseignants sont dans les écoles publiques, ils n'enseignent pas bien, ils font des cours rapprochés, donnent des photocopies de cours aux élèves. Je crois qu'il est temps de s'arrêter et de réfléchir sur ce système, car, ils ne peuvent pas être fonctionnaires, être payés chaque mois… On augmente, presque chaque année leurs salaires et qu'ils refusent de dispenser correctement les cours. Cela doit cesser".
Au-delà du déficit d'enseignants, l'école sénégalaise souffre également d'un manque de tables-bancs. Dans certains établissements publics, indiquent certains parlementaires, les élèves s'assoient toujours à trois.
"Beaucoup de classes sont transformées en classes multigrades"
Selon Bacary Ibrahima Diédhiou, député du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, dans beaucoup d'établissements, on note un manque réel de tables-bancs. À cela, ajoute-t-il, beaucoup de classes sont transformées en classes multigrades. Car, explique-t-il, il y a beaucoup d'écoles qui n'ont que deux ou trois enseignants. Ce qui, dit-il, n'augure pas de bonne choses, dans le cadre de la recherche de la sérénité. "J’ai envie de dire que l'éducation coûte cher, mais elle n'a pas de prix. Je crois qu'on ne fera jamais assez pour l'éducation", a-t-il déclaré.
Un autre député de l'opposition, Oumar Sy, a indiqué que ses collègues devraient parler de l'éducation en dehors de leurs opinions partisanes ou appartenance politique. Après avoir reconnu les efforts considérables que l'Etat a faits pour ce secteur, il a fait savoir que les problèmes surgissent toujours. Et c'est pourquoi, dit-il, il reste des choses à faire. "Je pense que, à chaque fois que l'Etat ouvre une école, une classe, il doit y mettre un enseignant. Car le secteur de l'éducation est un secteur particulier, qui doit être traité de façon particulière. On ne doit plus avoir ou parler de déficit enseignants au Sénégal. On doit injecter chaque année 5 000 enseignants dans le système. Mais si nous pensons que l'éducation coûte cher, c'est une ignorance. L'enseignement vaut un traitement particulier par rapport aux autres secteurs, car si on n'étudie pas, on ne mange pas, on ne se soigne pas", a-t-il déclaré.
Certains députés comme Mamadou Lamine Thiam, Cheikh Bara Mbacké ont campé leurs interventions sur la situation des Daaras. Ils ont ainsi plaidé pour la modernisation et la valorisation de ces temples du savoir et la mise en place d'un programme dédié qui sera en mesure de mieux prendre en charge les problématiques liées à l'enseignant dans ces établissements et lequel programme prendra en compte le paiement régulier d'indemnités pour les maîtres coraniques. Maïmouna Diallo Ba, quant à elle, a interpellé le Ministre sur la surveillance de la cantine scolaire. C'est-à-dire, dit-elle, de veiller aux produits vendus au sein des établissements, qui ne sont pas parfois bons pour la santé des élèves.
Réponses de Cheikh Oumar Hann aux préoccupations des députés
Concernant le déficit d’enseignants, le ministre de l'Éducation nationale, Cheikh Oumar Hann, a fait savoir que plus de 50% des fonctionnaires sont des enseignants et que 80% du budget du MEN est affecté aux salaires des enseignants. Ainsi, il a souligné que le déficit actuel est de 8 800 enseignants et que les défis dans l'investissement et dans le fonctionnement sont étroitement liés à ce coût très élevé des dépenses de personnel. Dans la même veine, il a précisé que déjà 6 milliards de F CFA, dont 1 milliard pour l'achat de riz comme dotation, sont accordés aux daaras qui respectent les critères et, donc, un recensement précis sera fait sur toute l'étendue du pays.
À propos des enseignants dans les daaras, le ministre a soutenu que 500 enseignants seront désormais recrutés dans la fonction publique, chaque année, suivant les directives du chef de l'Etat. Parce que, explique-t-il, l'objectif final est que les daaras et les écoles soient au même niveau de prise en charge, parce qu'ils reçoivent tous des enfants de notre pays.
Concernant la cantine scolaire, Cheikh Oumar Hann a annoncé la tenue d'assises sur les cantines scolaires dans les mois à venir. Toutefois, il a soutenu que l'Etat ne pourra pas prendre en charge toutes les cantines scolaires.
MINISTERE DE L'ÉDUCATION NATIONALE Un budget de 909 323 430 797 F CFA en 2024 Pour l'année 2024, le projet de budget du ministère de l'Éducation nationale est arrêté à 909 323 430 797 F CFA, en Crédits de paiement (CP), soit une hausse de 130 773 980 529 F CFA, en valeur absolue et 16,8%, en valeur relative. Selon le ministre des Finances et du Budget, Amadou Moustapha Ba, la hausse du budget s'explique par la prise en compte de l'impact financier issu des accords entre l'Etat et les syndicats d'enseignants estimé à 6 908 194 954 FCFA, ainsi que la mise à jour du personnel et l'impact des réclamations des décisionnaires d'un montant de 381 099 492 FCFA, la mise en solde des corps émergents pour un montant de 35 990 457 771 FCFA. De même que le paiement des rappels et intégrations pour un montant de 75 000 000 000 FCFA, la dotation des nouveaux collèges et lycées d'un montant de 169 000 000 FCFA, le renforcement des crédits de fonctionnement de l'Ecole Sénégalaise internationale de Djeddah d'un montant de 104 551 152 FCFA, la prise en charge des constructions et équipements scolaires pour la réduction des abris provisoires et le déficit de tables-bancs d'un montant de 11 145 198 257 FCFA. Venu défendre son budget, Cheikh Oumar Hann a fait savoir que ce projet de budget est élaboré dans un contexte particulier ; celui de bâtir un système éducatif de plus en plus performant. Il a aussi indiqué que, ce budget permettra de matérialiser les orientations du ministère qu'il dirige. Par la même occasion, il a annoncé que le gouvernement du Sénégal va procéder à la régularisation des contrats de travail de 1 035 enseignants décisionnaires en 2024. "La régularisation des enseignants décisionnaires est bien prise en compte dans le budget, pour un montant de 3 milliards 540 millions de francs CFA", a assuré Cheikh Oumar Hann. Au terme de la séance, l'Assemblée nationale a adopté le budget prévu par le gouvernement pour le ministère de l’Éducation nationale, dont le montant est de plus 909 milliards de francs CFA. |
FATIMA ZAHRA DIALLO