Macky Sall, un saut dans l’inconnu
La décision de Macky Sall d’interrompre le processus électoral plonge le Sénégal dans de nouvelles eaux troubles. Cette situation risque d’aboutir à un vide juridique, surtout à la fin de son mandat, le 2 avril 2024.
La nouvelle décision du président Macky Sall d’abroger le décret convoquant le corps électoral, samedi dernier, a déclenché une nouvelle crise politique au Sénégal. Il vient ainsi d’interrompre le processus électoral pour, dit-il, mettre fin à l’imbroglio politico-judiciaire opposant l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel sur le dossier de l’invalidation de la candidature de Karim Wade. Macky Sall vient d'ouvrir la boîte à pandores pour une nouvelle crise sociopolitique consécutive aux événements du 1er et du 2 juin 2023 et de mars 2021. Des violences qui ont fait une centaine de morts et des milliers de blessés à la suite de violentes émeutes à Dakar et à Ziguinchor. Macky Sall, en apprenti-sorcier, vient d’ouvrir le spectre d’une nouvelle session de violences en interrompant le processus électoral. Une rupture de confiance avec l’opposition qui rendra difficile toute volonté de participer au nouveau dialogue national qu’il souhaite organiser prochainement. Macky Sall, qui vient d’appeler à un second dialogue en moins de six mois, dont les conclusions relatives aux dispositions d’un dialogue inclusif n’ont pas toutes été respectées.
Cette situation rend très difficile la possible tenue d’un échange inclusif susceptible de faire baisser la tension préélectorale. Le choix du président Macky Sall de surseoir au processus électoral le pousse dans des manœuvres politiciennes viles et sans issues.
Le vide constitutionnel à la fin du mandat de Macky Sall en avril 2024
Selon plusieurs observateurs, le président Macky Sall envisage de mener un dialogue inclusif au sortir duquel il chercherait à avoir un consensus lui permettant d’assurer la transition pour une durée encore à déterminer. Macky Sall doit se défaire de son épée de Damoclès liée à la fin de son mandat le 2 avril prochain. Une mission qui sera difficile à réaliser, car aucune disposition de la loi ne prévoit une prolongation du mandat présidentiel. L’article 27 de la Constitution stipule que ‘’la durée du mandat du président de la République est de cinq ans’’.
Selon le Pr. Ngouda Mboup, cette prolongation est impossible, car le pouvoir ne peut pas déroger à l'article 31 qui est lié à l’article 103 qui possède une clause d’éternité. ‘’La forme républicaine de l’État, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision’’, nous fait savoir l’article 103. ‘’Macky Sall est entré dans une voie sans issue. La constitutionnalité des actes du président se pose à partir du 2 avril (NDLR : fin du mandat). Légalement, il ne pourra plus gérer le pays’’, affirme-t-il sur le plateau de la 7TV.
Même son de cloche chez le Pr. Babacar Guèye, président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) qui indique que les articles 27 et 31 sont intimement liés. ‘’C’est la Constitution qui indique la fin du mandat du président. Il faut faire une lecture combinée des articles 27 et 31 de la Constitution’’, déclare-t-il.
Qu’en est-il s’il décide de partir au lendemain du 2 avril, en cédant le pouvoir au président de l’Assemblée nationale ? ‘’Si la présidence est vacante, par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les 60 jours au moins et 90 jours au plus, après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel’’, peut-on lire sur l’alinéa 2 de l’article 31.
De ce fait, le président de l’Assemblée nationale aura ainsi 90 jours pour organiser un nouveau scrutin présidentiel. Cet intérim aura pour principal but d’établir les bases pour une transition complète devant apaiser le climat politique sénégalais et reconsidérer la charte républicaine vivement chahutée par cette crise préélectorale.
Mamadou Makhfouse NGOM