Où se situent les trois candidats ?

À l'approche de l’élection présidentielle au Sénégal, la sécurité nationale s'impose comme une priorité majeure dans les programmes des candidats. Face à des défis tels que le terrorisme, la criminalité transfrontalière et les tensions internes, ‘’EnQuête’’ a fait le focus sur le programme de trois prétendants (Khalifa Sall, Idrissa Seck et Bassirou Diomaye Faye) qui se distinguent par leurs propositions distinctes visant à garantir la paix et la stabilité du pays.
Bien que le Sénégal ait largement été épargné par les attaques terroristes qui ont affecté certains pays de la région du Sahel, la menace n'en reste pas moins présente. La progression de groupes terroristes dans la région sahélienne, notamment au Mali et au Burkina Faso, suscite des inquiétudes quant à une possible extension de leur champ d'action vers les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest, y compris le Sénégal. La frontière avec le Mali, en particulier, est surveillée de près.
Face à ce contexte national et sous-régional, le candidat Idrissa Seck, qui en est à sa quatrième élection, semble être moins prolixe que Khalifa Sall et la coalition Diomaye2024. L’ancien maire de Thiès, à travers ses propositions 29, 30 et 31, prône ‘’une augmentation des effectifs et les équipements des forces de défense et de sécurité’’, notamment celles qui ont en charge la surveillance des frontières qu’il juge ‘’assez poreuses aux différents trafics’’.
Par ailleurs, il opte pour une utilisation des agents retraités des forces de défense et sécurité comme agents de renseignements de proximité dans leurs localités d’origine ou de résidence et un renforcement de la formation des forces de défense et de sécurité pour une meilleure collaboration avec les populations.
Une batterie de solutions qu’il partage avec Khalifa Sall qui, après avoir fait le diagnostic exhaustif, propose une série de solutions. L’ancien maire de Dakar va plus loin dans ses propositions. Il est pour la création d’un outil de renseignements intégrant des compétences civiles et la poursuite de l'équipement et la modernisation de l’armée en vue de faire face aux menaces sécuritaires physiques et technologiques (terrorisme, cyberattaques, etc.).
Des enjeux technologiques et sécuritaires qui répondent aux défis actuels du Sénégal devenant exportateur de pétrole et de gaz, il convient de souligner qu’une politique sécuritaire avant-gardiste pourrait dissuader certaines menaces réelles. C’est dans cette perspective que Diomaye Faye a promis de mettre en place un dispositif de moyens aériens et navals modernes de surveillance des côtes et de lutte contre toutes activités illégales dans le cadre de la protection des ressources halieutiques et des plateformes pétrolières et gazières.
Le tandem de Sonko, qui semble être à cheval sur ces mutations technologiques, ajoute dans cette phase de son programme : ‘’Une amélioration des capacités de collecte du renseignement des forces de défense et de sécurité, y compris l’utilisation de drones, de satellites et d’autres technologies avancées pour surveiller les frontières du pays et recueillir des informations sur les menaces à la sécurité.’’
À cet effet, le chercheur en sciences politiques, Amadou Moctar Ann, pense que les candidats sont conscients de vraies menaces sécuritaires. Mais c’est leur approche qui les différencie. Pour lui, l'efficacité opérationnelle des forces de sécurité est primordiale pour maintenir l'ordre et protéger les citoyens.
Dans cette optique, Khalifa propose aussi de consolider les efforts entrepris dans le domaine numérique et consacrer des ressources humaines et technologiques suffisantes pour préparer le Sénégal au combat dans l’espace numérique, notamment en dotant la marine nationale et l’armée de l’air de moyens adaptés et suffisants. Au cours des dernières années, les cyberattaques ont pris une ampleur insoupçonnée en Afrique, particulièrement dans la sous-région, d’où l’urgence de mettre en place des dispositifs à la hauteur des enjeux.
La diplomatie de voisinage
Par ailleurs, pour le chercheur, les candidats doivent insister sur la coopération entre États, comme le Mali et le Niger, pour faire face aux différentes menaces. Il privilégie une stratégie basée sur la coopération régionale et le dialogue. Convaincu que la sécurité du Sénégal est intrinsèquement liée à celle de ses voisins, Amadou Moctar Ann propose de renforcer les alliances avec les pays de la région, pour lutter contre les menaces communes.
Des enjeux bien analysés par ces trois candidats qui promettent, une fois élus, de renforcer la coopération avec les pays de la zone en vue d'avoir des solutions concertées aux crises régionales et de prévenir les menaces collectives et les annihiler en cas de besoin.
À l’heure actuelle, la diplomatie de voisinage n’est pas très active, comme le note un diplomate sous l’anonymat, qui pense que la diplomatie sénégalaise est trop bureaucratique. Nos relations avec certains de nos voisins sont houleuses (Mali, Guinée) ; le nouveau président doit investir dans ce sentier.
Même si les électeurs sénégalais sont ainsi confrontés à des visions distinctes en matière de sécurité, Khalifa Sall, Idrissa Seck et Bassirou Diomaye Faye adoptent une stratégique commune et quelques nuances dans leurs propositions. Ce choix illustre la complexité des défis sécuritaires auxquels le Sénégal doit faire face et l'importance cruciale de la stratégie adoptée par le futur président pour assurer la sécurité et la stabilité du pays.
AMADOU CAMARA GUEYE