Les Hal Pulaar à la rencontre de la diaspora
Membre fondateur du festival de Thilogne, Almamy Bocoum, natif de cette ville, nous parle de ce festival désormais en bonne place dans le calendrier culturel national.
Comment est né le festival de Thilogne ?
C'est une longue et simple histoire à la fois. Nous sommes d'abord des expatriés. Une grande association de ressortissants de Thilogne est montée, avec des sections un peu partout dans le monde et elle s'appelle «Thilogne association développement». La principale est en France. Après avoir fait dans le social, on s'est dit avec nos partenaires qu'on a pu trouver à travers le monde qu'il était temps que tous les deux ans, on puisse se rencontrer, évaluer le projet et mettre en place de futurs projets. Ce festival devrait être aussi une occasion d'amener au pays nos enfants nés à l'étranger afin qu'ils sentent et vivent leur culture d'origine.
Quelles actions sociales avez-vous exécutées ?
On a commencé à se structurer en France dans les années 1980. L'école primaire de Thilogne construite en 1925 n'avait que trois classes fonctionnelles. Nous avons monté l'école à 12 classes. Puis l’État a mis un collège. L’État a construit 4 classes, nous en avons fait autant. La première école primaire étant pleine, nous avons construit une autre école en 2000. Elle compte aujourd'hui 12 classes grâce à la communauté économique européenne. Nous nous sommes attelés à construire une autre école primaire il y a 4 ans, elle a aujourd'hui 6 classes. Entre-temps, avec des partenaires qui sont des collectivités locales françaises et l’État, on est en train de monter le lycée. On a refait la toiture de la maternité et on l'a équipée entièrement. On a donné 3 ou 4 ambulances au dispensaire.
Parlez-nous de l'organisation de cette rencontre.
C'est un festival qui se tient tous les deux ans. Nous sommes à la huitième édition cette année. La première édition s'est tenue en 1998. Un travail est fait en amont avec les différentes sections, mais la base, c'est Thilogne. Il y a une section à Dakar, une autre d'envergure en France naturellement, une au Gabon, une au Congo Brazzaville, une aux Usa. C'est ensemble que toutes ces sections définissent la manière d'organiser la manifestation six mois ou un an avant la date. Et dans le dernier trimestre, on essaie de mettre les bouchées doubles pour l'organisation directe, c'est-à-dire statuer sur le choix des artistes à faire venir, les activités à dérouler, etc. A chaque édition, on a un thème. Pour cette année, on n'en a pas encore choisi. Cela peut-être ''la lutte contre le paludisme'' ou ''au profit de la libération de la femme''...
A quelles dates se tient cette huitième édition et qui est l'artiste invité ?
Quand tout se passait bien, on la tenait pendant les vacances scolaires, au mois d'août. Il s'est trouvé que cette année, août a coïncidé avec le ramadan, ce n'était donc pas possible. Alors, on s'est dit : pourquoi pas décembre ? Il fait frais à ce moment de l'année et il n'y a pas de gros risques de pluie. C'est une première qui se tient les 28, 29 et 30 décembre. Et si cela se passe très bien, pourquoi ne pas maintenir ce mois de décembre qui est également le mois des vacances de Noël ! Les étudiants de Dakar originaires de Thilogne sont impliqués, on préfère que le festival se tienne pendant des vacances scolaires. Nous espérons avoir Baba Maal et le ministre de la Culture à Thilogne. On envoie encore les invitations et espérons recevoir d'autres artistes.
Après huit éditions, quel bilan sommaire vous est-il possible de faire ?
Les débuts étaient difficiles parce qu'il fallait expliquer aux gens ce qu'était ce festival. Certains nous prenaient pour des gens qui aiment la musique et qui viennent pour s'amuser. Ils n'avaient rien compris ! Le temps ayant fait ses œuvres, les gens savent que ce festival est une rencontre pour faire revivre la culture. C'est aussi une manière de récupérer tous ces enfants qui sont nés à l'étranger, qui n'ont pas la culture du village, ne comprennent pas pourquoi leurs parents ont émigré. Ce retour aux sources permet à ces enfants de découvrir les origines de leurs parents et de savoir pourquoi ceux-ci envoient de l'argent au village, pourquoi ils adhèrent aux associations, etc. Ces enfants-là ignorent tout cela. Mais quand ils viennent et mettent le doigt sur la pierre en sachant que là, c'est grâce à ton père ou ta mère qu'on a construit cette école ou ce dispensaire, ils sont dans le vif du sujet et comprennent mieux. En même temps, cela permet de revivre des choses que les gens ne vivent plus. Pourquoi ? Parce qu'on se modernise ! On oublie des facettes de notre culture alors qu'elles sont importantes. Le festival sert aussi à cela.
Et le programme d'activités de ces 72 h de Thilogne ?
Thilogne est une ville musulmane historique. L’une des premières universités musulmanes, c'est Thilogne. C'est une ville où il y a plein de griots qui détiennent la mémoire de toute la région. C'est l'occasion pour les griots, les Laobés et toutes les composantes sociales de montrer le legs de nos ancêtres. C'est l'occasion aussi pour tous les artisans locaux de montrer leur savoir-faire en exposant leurs produits et réalisations. C'est tout le village qui renaît. C'est tout ce que les communautés vivaient avant que l'on fait revivre maintenant.
Au plan économique quel est l'apport du festival ?
Il est énorme. Le festival se passe sur trois jours. Il y a une préparation en amont d'une semaine sur le site. Il y a 25 à 30 millions qui sont directement injectés dans l'économie du village. C'est une période de traite, même pour le vendeur d'eau. C'est le moment où il peut gagner plus d'argent que d'habitude. L'économie du village y tire son compte.
Comment les populations accueillent-elles tout cela ?
C'est un moment festif. Tout le monde y participe, des personnes âgées aux jeunes enfants. Chacun à sa manière. Et durant tout le festival, la ville est vêtue de la même manière. C'est l'indigo qui est mis en avant. Tous ces habits et costumes d'il y a un certain nombre d'années qu'on remet au goût du jour. Les tisserands aussi qui faisaient la fierté de Thilogne font partie de la fête.
Pourquoi la couleur indigo ?
Parce qu'on savait le faire. Vous savez, à quinze kilomètres de Thilogne, il y a un village devenu une commune maintenant qui s'appelle Bokidiabé et qui a la particularité d'être habitée par des Soninkés et des Haal pulaar. Les teintures de Bokidiabé sont célèbres. Elles habillent toute la contrée pratiquement. C'est la couleur la plus répandue. C'est du bleu foncé, du bleu clair, bleu ciel. . . ce qui fait que toute la ville est colorée.
Pour ce qui est des innovations, à quoi faut-il s'attendre ?
Il y a plein d'innovations. Lors de la première édition, nous sommes partis seuls. A la troisième, nous avons commencé à être sponsorisés. Donc, il y a un changement qui s'est opéré. Les télévisions et les radios se sont intéressées de plus en plus au festival, de même que la presse écrite. Il y a toujours la base fondamentale avec la rencontre des jeunes, le retour de la diaspora pendant cette période. Cela est immuable. Ça reste. Ce n'est pas un festival fermé. Il est ouvert. Il y a de nouvelles idées émises. Nous en prenons acte et essayons d'améliorer les contenus à chaque édition.
Combien coûte ce festival sans les sponsors ?
Chaque section a une part de cotisations à apporter. On fait un budget prévisionnel. On essaie de répartir les dépenses avec une partie prise en charge par le sponsor, une partie par des bonnes volontés et le reste est financé par les sections. A chaque section, un montant, selon les moyens des uns et des autres mais aussi selon la taille de l'association. Économiquement, c'est la France qui donne le plus, puis les Usa, le Gabon, le Congo, l'Italie, l'Espagne, Dakar et Thilogne. La section de Dakar est la pièce maîtresse de l'organisation. Celle de Thilogne l'est aussi autant. Sans ces deux sections-là, le festival n'aurait jamais lieu. Pour le montant utilisé, je ne pourrais vous le dire là. Je n'ai pas le bilan de 2010 sous les yeux. Mais les dépenses varient entre 16 et 20 millions. C'est suivant l'importance de l'artiste qui se produit et des invités qui viennent d'horizons divers. Des Mauritaniens et des Maliens y prennent part. Ce n'est qu'à la fin qu'il nous est possible de faire les états.
PAR BIGUÉ BOB
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